La nouvelle route des Indes

Tania Sollogoub

Annoncé à cor et à cris comme une opportunité de contrer la puissance chinoise, le « moment indien » ressemble surtout à la conjonction d’un capitalisme de connivence et d’un nationalisme débridé.

 

Serions-nous au seuil d’un moment indien de l’histoire mondiale? Bharat, le nom sanskrit de l’Inde, la «mère de toutes les civilisations», pourrait-elle être l’une des gagnantes du grand domino de puissance, profitant des espaces ouverts par l’affrontement sino-américain et la guerre en Ukraine? Ce scénario a commencé à s’ancrer dans l’imaginaire mondial avec deux informations qui ont frappé les esprits à juste titre: non seulement l’Inde a un taux de croissance qui va dépasser celui de Pékin, mais elle a désormais plus d’habitants que la Chine. Et l’écart va se creuser vite car le ralentissement démographique chinois est rapide. Le pays pourrait perdre la moitié de sa population d’ici 2100, tandis que le nombre d’Indiens augmentera jusqu’en 2065. L’affaire est donc pliée: sur le plan démographique, nous sommes au seuil d’un moment indien de l’histoire mondiale. Reste à savoir comment transformer la démographie en puissance et non en malédiction... Et puis ce siècle semble aussi s’annoncer comme celui de l’Inde grâce à sa diaspora, la plus grande du monde (plus de 18 millions de personnes) et l’une des mieux diplômées. Beaucoup d’Indiens d’origine accèdent à des postes de direction en Occident, et l’élection de Rishi Sunak en Angleterre n’en est qu’un des exemples les plus visibles. Ces Indiens de l’étranger sont, de plus, les relais efficaces d’un soft power puissant, porté par le yoga, la médecine ayurvédique et, surtout, par les quelque 1500 films de Bollywood par an, dont l’influence en Afrique et au Moyen-Orient est sous-estimée par les Occidentaux. Dans certaines rues de Rabat, il paraît que les gamins s’interpellent en hindi…

 
Il ne s’agit pas seulement de savoir quelle puissance l’Inde pourrait devenir, mais si elle peut rivaliser avec Pékin.
 

Le parallèle inversé entre le récit de l’émergence indienne et celui des difficultés de la Chine est important pour comprendre le déplacement du regard sur l’Inde: le décollage semble d’autant plus important que Pékin est englué dans une crise immobilière et étranglé par la stratégie d’endiguement occidentale. Les deux « objets » Chine et Inde se modifient en même temps dans le récit mondial. Que ce soit pour le monde du business, toujours prompt à inventer de nouvelles success stories, ou au sein des états-majors, qui cherchent les centres de gravité des futurs équilibres géopolitiques. Pour eux, il ne s’agit pas seulement de savoir quelle puissance l’Inde pourrait devenir, mais si elle peut rivaliser avec Pékin. Et surtout, la relation entre les deux géants démographiques est une des clés de la géoéconomie. Imaginez un instant la situation des États-Unis face à un rapprochement sino-indien! Quand la Chine et l’Inde se serrent la main, aurait dit Narendra Modi lors de sa rencontre de 2014 avec Xi Jinping, l’Occident retient sa respiration.

Pour l’instant, ce n’est cependant pas le cas. Au contraire, même, car les sujets de tension se multiplient entre Pékin et Delhi, même si leurs diplomaties se rejoignent sur la dénonciation de l’Occident, le temps d’une photo de famille avec les BRICS+. En fait, le potentiel de conflictualité directe entre Inde et Chine est élevé, en particulier sur la frontière nord de l’Inde, depuis que les affrontements meurtriers de 2020, dans la vallée de Galwan, ont réveillé le contentieux frontalier de la guerre de 1962. Depuis, de chaque côté de la ligne de démarcation, Chinois et Indiens construisent des infrastructures et déploient des troupes. Tout y ressemble à la préparation d’un affrontement.

 
Entre les deux géants asiatiques, la guerre de l’eau couve, qui concerne aussi le Bangladesh et le Pakistan.
 

Ajoutez à cela la question vitale des eaux régionales, que la Chine contrôle en amont: la moitié des eaux du plateau tibétain chinois approvisionnent le Rice Bowl indien. Certes, les pluies en aval limitent le pouvoir de blocage chinois, mais les risques de conflits sont nombreux, d’autant que les barrages sont utilisés comme de nouvelles lignes «sauvages» de démarcation. Et puis Modi n’a jamais caché sa volonté de contrôler la moindre goutte des fleuves dont dépend l’Inde. En fait, dans cette région, la guerre de l’eau couve, qui concerne aussi le Bangladesh et le Pakistan. Mais ce n’est pas tout. Sur les frontières maritimes du sud, c’est l’activisme chinois dans l’océan Indien qui est source de conflictualité, dès lors que Pékin continue à grignoter des territoires d’influence. Par exemple aux Maldives, avec un nouveau président pro-Chinois. Par exemple au Sri Lanka, avec une concession de 99 ans accordée à la Chine sur le port de Hambantota, qu’elle a par ailleurs construit. Par exemple en Birmanie, avec une station d’observation chinoise, proche des bases de lancement spatiales indiennes. La mer de Chine est souvent au cœur de l’actualité, mais à coup sûr, l’océan Indien va l’être à son tour; celui que l’on appelait jadis « l’Océan du Milieu », avant que la Route de la soie ne fasse oublier celle des épices… Peu importe que l’écosystème préservé des îles Nicobar et Andaman soit l’un des plus précieux du monde, la région se militarise. Tant pis pour les communautés et espèces protégées, car ces archipels sont proches du détroit de Malacca, verrou stratégique vital pour la Chine, par lequel transite son approvisionnement énergétique. L’axe Suez/ Malacca/ Chine/ Japon est l’une des artères de l’économie mondiale. Son contrôle est donc l’un des enjeux de la géopolitique mondiale.

Cependant, si la lutte d’influence maritime sino-indienne est stratégique pour Delhi, l’Inde ne pourra pas la mener seule, avec ses quelque 150 navires. Elle a besoin de partenaires. À défaut, le moment indien passera vite! C’est le sens du rapprochement avec les États-Unis, en particulier dans le domaine de la défense, mais aussi avec la France, le Japon ou l’Australie. Cependant les États-Unis, eux aussi, ont besoin de l’Inde! Sans elle, il n’y a pas de politique d’endiguement de la Chine. En fait, Delhi est devenu un incontournable de la géopolitique mondiale, ce que les politologues appellent un «pays pivot» – c’est-à-dire un pays dont la bascule dans un camp ou dans un autre peut conditionner le scénario global. C’est cela qui lui ouvre une énorme marge de manœuvre, que Modi exploite pour pousser un Grand Sud dont il se rêve leader. Il faut dire que sa tradition de non-alignement fait de l’Inde un partenaire de facto pour tous les pays révisionnistes de l’ordre mondial. Pour la Russie surtout, la relation avec Delhi a été l’une des clés de sa survie économique, avec les achats indiens dans l’énergie et la défense, mais aussi de sa survie géopolitique, avec des rencontres dans le cadre des BRICS ou de l’Organisation de coopération de Shanghai. Modi marche donc sur la crête étroite de ce qu’il appelle le multi-alignement, cherchant à la fois à préserver ses intérêts face à la Chine, à être la voix fédératrice du Grand Sud, à rejeter le narratif de guerre des démocraties contre les autocraties, tout en se rapprochant des États-Unis. Alors oui, d’un point de vue géopolitique, Bharat est l’une des grandes gagnantes des troubles actuels. Mais jusqu’à quand, ce « en même temps » ?

 
Le récit géopolitique de puissance indien, qui valorise l’ancrage historique de l’hindouisme, n’est pas dissociable de la radicalisation ethnique.
 

Le récit de puissance est au cœur de la stratégie internationale de Modi, mais c’est aussi le cas en interne. Non que les Indiens se préoccuperaient tant que cela de géopolitique, mais ils sont sensibles à l’histoire de la puissance retrouvée et, surtout, à la promesse de devenir un «pays développé» pour l’anniversaire des 100 ans de l’indépendance, en 2047. Cependant, ce que porte cette promesse, c’est aussi un dangereux effet de convergence entre le récit nationaliste hindou et la place revendiquée pour l’Inde. Dans le discours de Modi, il faut bien comprendre que les deux sujets ne sont pas dissociables. Ils sont réunis par ce slogan de «régénérescence hindoue», qui permet de ne pas faire de différence entre «culture» (assimilée à l’hindouisme) et pays. Vous vivez en Inde? Eh bien, au fond, vous êtes hindou! Ce que Modi résume par la notion de «nation ethnique», dont il a déclaré qu’il la partageait avec Benyamin Netanyahou. Malheureusement pour les 200 millions de musulmans du pays, ce programme de citoyenneté ethnique est puissant parce qu’il s’ancre dans un sillon politique ancien, creusé dès 1925 avec la fondation du mouvement Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS, Organisation volontaire nationale en français), dont l’influence ne cesse de grandir, avec 25% d’adhérents en plus chaque année. Modi en est issu, ainsi que des ministres importants (Intérieur, Défense, Transports…), et l’ombre idéologique du RSS est indissociable de l’ascension politique du Bharatiya Janata Party (BJP) depuis 2014, date à laquelle Modi accède au pouvoir. Avec ses écoles et ses centres d’entraînement paramilitaire, le RSS est l’épine dorsale de la nation ethnique, prolongée par des groupuscules hindouistes radicalisés. Dans certaines rues, la chasse aux «mangeurs de vaches» est désormais ouverte… En fait, le récit géopolitique de puissance indien sur la scène internationale, qui valorise l’ancrage historique de l’hindouisme, n’est pas dissociable de la radicalisation ethnique. L’ignorer serait plus qu’une erreur de diagnostic: ce serait une faute morale.

 
Ce qui se passe en Inde n’est pas une sorte de pseudo-fascisme que l’on ne voit qu’en ligne. Il s’agit d’un véritable fascisme.
 

Mais pour mieux comprendre cette transformation idéologique, il est nécessaire de remonter vingt ans en arrière, car tout s’est fait progressivement. Jusqu’en 2002, précisément, année des pogroms antimusulmans du Gujarat, où Modi venait d’être nommé ministre en chef. 2002, c’est aussi l’année où il sera accusé d’avoir encouragé ces pogroms, se voyant par la suite refuser un visa pour les États-Unis. Un rapport du ministère des Affaires étrangères anglais, divulgué par la BBC dans le reportage India : The Modi Question, précise que ce massacre d’environ 2000 personnes présentait « toutes les caractéristiques d’un nettoyage ethnique », et la police aurait reçu l’ordre de ne pas s’interposer. Mais peut-être faut-il quelques noms et quelques lieux pour mieux comprendre ce qui se passe en Inde ? Par exemple, le nom d’Ehsan Jafri, parlementaire opposant à Modi, qui fut démembré et brûlé vif. Par exemple, celui de Bilkis Bano, âgée de 19 ans, violée collectivement tandis que 14 membres de sa famille, dont sa petite fille de 3 ans, étaient tués. Ses meurtriers seront graciés plus tard par le gouvernement. Par exemple, le Cachemire, coupé d’Internet pendant un mois, où les journalistes sont harcelés. Par exemple, l’Uttarakhand, que fuient les familles musulmanes, dont les portes ont été marquées d’un X. Par exemple, la loi sur la nationalité de 2019, discriminatoire à l’encontre des musulmans. Il y en a tant, des exemples. Tous sont issus d’un discours d’Arundhati Roy, auteure indienne connue pour Le Dieu des petits riens, mais surtout, surtout, une très grande dame courageuse, qui continue à s’exprimer malgré la chape de plomb tombée sur les journalistes. Elle me fait penser à cette autre grande dame, en Russie, mais cela semble un temps révolu: Anna Politkovskaia… «Aucun d’entre vous ne doit prétendre qu’il ne savait pas», c’est le titre du texte d’Arundhati Roy, à l’occasion de la remise du Prix européen de l’essai de 2023. Anna disait cela aussi. Aucun d’entre nous ne devra prétendre qu’il ne savait pas, il suffit de la lire. Il suffit de les lire… «Ce qui se passe en Inde n’est pas une sorte de pseudo-fascisme que l’on ne voit qu’en ligne. Il s’agit d’un véritable fascisme.» Que nous sommes loin du folklore yoga-jasmin !

2002, c’est donc le début visible de la radicalisation hindouiste. Et depuis? Eh bien, Modi a été réélu plusieurs fois et il est entré dans le club très select des chefs d’États qui ont les taux de popularité les plus élevés au monde. Jusqu’au scrutin de ce printemps, qui lui a permis de conserver le pouvoir mais en perdant sa majorité absolue. Il lui reste la reconnaissance internationale acquise ces dernières années: présidence du G20, hôte du Congrès américain, et invité d’honneur du 14-Juillet français. Même les musulmans du Golfe se gardent bien d’être trop vocaux, et aiment à recevoir Modi, qui déploie un extraordinaire activisme diplomatique dans cette région. Il faut dire que les investissements des fonds souverains dans les infrastructures indiennes sont importants et que les plans de développement indiens à long terme sont de plus en plus alignés avec ceux du Golfe. L’Inde a pris pied dans certains ports de la région et participe à la sécurisation de la mer d’Arabie contre la piraterie. Les 9 millions d’Indiens de la diaspora dans le Golfe y sont bien traités, et un temple hindou a même été inauguré aux Émirats. En fait, le monde entier a mis la main à la pâte pour légitimer le nouveau visage de Bharat, quelles que soient les évolutions politiques intérieures. Ce visage, c’est celui de Modi, le « Hindu Hriday Samrat », comme il se nomme lui-même, l’empereur des cœurs hindous. Malheureusement, à mesure que l’agenda ethnique se matérialise en interne, il s’invisibilise sur le plan international.

Le récit de l’émergence indienne est très efficace politiquement. Mais l’est-il sur le plan économique? Qu’y a-t-il derrière les promesses de décollage? Là aussi, il y a plusieurs façons de raconter l’Inde. La première séduit les investisseurs, Apple en tête, qui prévoit d’y fabriquer le quart des iPhones commercialisés dans le monde. Le secteur technologique porte donc la réalité d’une nouvelle Inde, en contribuant à 7,5% de son PIB. Et il n’est pas le seul. Delhi revendique aussi un rôle de pharmacie mondiale, qui lui permet non seulement de contrôler la chaîne de valeur de certains médicaments de base, dont l’Occident a besoin, mais aussi de développer une relation d’aide avec des pays moins avancés, Afrique et Amérique latine en tête, où les livraisons indiennes ont été vitales au moment du covid. Au point que l’industrie pharmaceutique indienne est devenue un des leviers du soft power indien. Enfin, le dernier versant positif de l’émergence économique de l’Inde, c’est cette classe moyenne, massivement pro-Modi, car elle a profité des mesures de libéralisation économique des dernières années. Comme en Turquie, en Russie et en Chine, il ne faut pas se tromper, c’est la classe moyenne qui construit la légitimité des systèmes autoritaires.

 
Il ne faut pas se tromper, c’est la classe moyenne qui construit la légitimité des systèmes autoritaires.
 

Mais que dire des autres ? Les 600 millions de personnes qui vivent avec moins de 3,6 dollars par jour? Les sans castes? Les invisibles? Les femmes, dont le taux de participation au marché du travail, déjà très faible, continue à baisser (à 23%, contre une moyenne mondiale de 45%)? Les jeunes diplômés, dont 45% ne trouvent pas d’emploi dans une industrie dont la contribution au PIB reste très faible (la Chine contrôle un peu plus de 15% des exportations manufacturières mondiales, là où Delhi n’atteint guère plus de 2%)? Le voilà, le côté obscur de l’histoire indienne: le système Modi n’est pas l’ami des pauvres. Il s’appuie sur un capitalisme de connivence, dans lequel quelques grandes entreprises profitent à plein des cadeaux fiscaux et réglementaires. En fait, l’Inde socialiste est morte depuis longtemps et la réussite mondiale de certaines filières, qui nourrit le récit de l’émergence, n’a guère d’impact, pour l’instant, sur les 88% d’emplois qui restent informels. Symptôme de cette Inde oubliée, les suicides d’agriculteurs et les immenses grèves qui secouent le pays depuis deux ans. La réalité, c’est que la progression de la richesse indienne se concentre sur 10 à 15% de la population. Et la réalité, c’est aussi que 80% de la population va être très exposée aux catastrophes climatiques, sans que l’on voie de solution se dessiner pour eux. Dès aujourd’hui, on meurt dans le Kerala, en faisant la queue pour pouvoir voter. Bharat, c’est aussi cela.

L’histoire de l’émergence de l’Inde n’est donc que celle de quelques-uns. C’est une histoire de croissance mais pas de développement. Les optimistes diront: pas encore. Les pessimistes diront que les inégalités sont l’écho de la radicalisation ethnique. Mais les humanistes, quant à eux, liront Arundhati Roy .

 

 

Tania Sollogoub est économiste et romancière. Elle s’intéresse à ce qu’il y a de commun entre les différentes façons de parler du monde, des individus : l’économie, la sociologie, les sciences politiques, la littérature, la philosophie....

Annoncé à cor et à cris comme une opportunité de contrer la puissance chinoise, le « moment indien » ressemble surtout à la conjonction d’un capitalisme de connivence et d’un nationalisme débridé.   Serions-nous au seuil d’un moment indien de l’histoire mondiale? Bharat, le nom sanskrit de l’Inde, la «mère de toutes les civilisations», pourrait-elle être l’une des gagnantes du grand domino de puissance, profitant des espaces ouverts par l’affrontement sino-américain et la guerre en Ukraine? Ce scénario a commencé à s’ancrer dans l’imaginaire mondial avec deux informations qui ont frappé les esprits à juste titre: non seulement l’Inde a un taux de croissance qui va dépasser celui de Pékin, mais elle a désormais plus d’habitants que la Chine. Et l’écart va se creuser vite car le ralentissement démographique chinois est rapide. Le pays pourrait perdre la moitié de sa population d’ici 2100, tandis que le nombre d’Indiens augmentera jusqu’en 2065. L’affaire est donc pliée: sur le plan démographique, nous sommes au seuil d’un moment indien de l’histoire mondiale. Reste à savoir comment transformer la démographie en puissance et non en malédiction... Et puis ce siècle semble aussi s’annoncer comme celui de l’Inde grâce à sa diaspora, la plus grande du monde (plus de 18 millions de personnes) et l’une des mieux diplômées. Beaucoup d’Indiens d’origine accèdent à des postes de direction en Occident, et l’élection de Rishi Sunak en Angleterre n’en est qu’un des exemples les plus visibles. Ces Indiens de l’étranger sont, de plus, les relais efficaces d’un soft power puissant, porté par…

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