Moins vite, moins haut, moins fort

Gabriel Gaultier

Plaidoyer pour l’inscription officielle de la planche aux épreuves des Jeux olympiques.

 

Rassure-toi, lecteur de Bastille Magazine, il ne s’agit pas ici du énième des billets anti-JO qui pullulent ces temps derniers dans les folliculaires et sur les écrans.

Loin de moi l’idée de flatter la fibre anticollective qui ne sommeille jamais vraiment longtemps chez nos concitoyens, fibre atavique et ô combien louable car symptomatique d’un refus de marcher au pas et de sortir du rang, mais ô combien fatigante aussi, à force de prévisibilité. Non, il sera question au fil de ces lignes d’une réflexion sur ce qui nous pousse à la performance et à ses conséquences: classements des meilleurs, déclassement des plus faibles, apologie du chronomètre, aplanissement énergique des surfaces herbues, caillouteuses et marécageuses au profit des pistes plates, monochromes et balisées de couloirs.

Réflexion nécessaire et qui s’imposera vite, quand, après ces Jeux tant attendus, arrivera le moment où, tel Casanova après une vie de plaisir, nous nous dirons, les épaules couvertes d’or, d’argent et de bronze: « au fond, à quoi bon ? »

Oui, prépare-toi, lecteur, à ce désenchantement et envisage dès aujourd’hui avec moi une alternative à ce culte de la vitesse en militant activement pour l’inscription de la planche au rang de discipline olympique de premier rang.

 
La lenteur n’est-elle pas une performance ? Ne rien faire est-il rien ?
 

Oui, la planche : l’art de flotter sans limite de temps et dans la plus parfaite lenteur. Car la lenteur n’est-elle pas une performance ? Ne rien faire est-il rien ? Le recordman du 100 mètres crawlé a-t-il appris quoi que ce soit de l’eau qu’il a traversée ? Le perchiste a-t-il pris le temps de savourer le paysage vu de là-haut ? Que sait le tennisman de la vie tourmentée de son adversaire d’un jour ? Le coureur de fond s’est-il attardé sur le collembole foulé d’un pied irresponsable, auquel il doit pourtant l’essentiel des végétaux qui le nourrissent ? L’enrichissement, valeur pourtant cardinale de nos sociétés occidentales, est finalement bien partiel dans cette course effrénée.

Fais donc cette expérience, lecteur de Bastille dont je sens poindre l’impatience. La prochaine fois que tu te rendras à la piscine, plutôt que de te lancer à corps perdu dans ton couloir de nage: choisis de faire la planche.

Certes tu te feras vite détester des autres nageurs que tu encombres de ton corps flottant mais, dans ce temps suspendu qui n’appartient qu’à toi et non plus au chronomètre, tu sentiras l’eau comme jamais: sa température, sa fluidité, sa portance amie. Et que dire de cette verrière construite par un émule d’Eiffel, que tu n’avais jamais pris la peine d’admirer et que tu peux enfin savourer dans ses moindres de détails, tout comme tu admires ces aimables visages de naïades, ourlés de caoutchouc multicolore, qui se penchent vers toi pour te prier de dériver ailleurs – ce que tu te garderas bien de faire car tu as enfin saisi qu’il se passait pour toi quelque chose d’important. Ce quelque chose, c’est la performance ultime: faire de chaque seconde une éternité d’humanité où le monde entier n’existe que parce que tu existes.

 

Gabriel Gaultier est initiateur de l’almanach BigBang, revue d’utopie politique.

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Plaidoyer pour l’inscription officielle de la planche aux épreuves des Jeux olympiques.   Rassure-toi, lecteur de Bastille Magazine, il ne s’agit pas ici du énième des billets anti-JO qui pullulent ces temps derniers dans les folliculaires et sur les écrans. Loin de moi l’idée de flatter la fibre anticollective qui ne sommeille jamais vraiment longtemps chez nos concitoyens, fibre atavique et ô combien louable car symptomatique d’un refus de marcher au pas et de sortir du rang, mais ô combien fatigante aussi, à force de prévisibilité. Non, il sera question au fil de ces lignes d’une réflexion sur ce qui nous pousse à la performance et à ses conséquences: classements des meilleurs, déclassement des plus faibles, apologie du chronomètre, aplanissement énergique des surfaces herbues, caillouteuses et marécageuses au profit des pistes plates, monochromes et balisées de couloirs. Réflexion nécessaire et qui s’imposera vite, quand, après ces Jeux tant attendus, arrivera le moment où, tel Casanova après une vie de plaisir, nous nous dirons, les épaules couvertes d’or, d’argent et de bronze: « au fond, à quoi bon ? » Oui, prépare-toi, lecteur, à ce désenchantement et envisage dès aujourd’hui avec moi une alternative à ce culte de la vitesse en militant activement pour l’inscription de la planche au rang de discipline olympique de premier rang.   La lenteur n’est-elle pas une performance ? Ne rien faire est-il rien ?   Oui, la planche : l’art de flotter sans limite de temps et dans la plus parfaite lenteur. Car la lenteur…

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