Ça dégomme!

Sauveur Merlan

Quoi qu’on en dise, les « chouïngues » ont marqué nos vies.

Je me souviens, gamin, avoir défloré et dévoré avec entrain des gommes de la marque Globo, vendue uniquement dans la région marseillaise, parce que chaque exemplaire contenait une vignette à coller sur un tableau qui, complété, vous faisait gagner le graal : un ballon de football ! Pour moi, comme pour tous ceux de ma génération, un Malabar a été un chewing-gum de couleur rose, au goût… de Malabar, avant d’être un costaud potentiellement dangereux. De même, Hollywood a fait partie de mon panthéon culturel au rayon confiserie avant que je découvre l’existence d’un paradis cinématographique californien. Le chewing, comme la Marlboro ou le 45-tours (c’était un disque de vinyle qui tournait et faisait du bruit) font partie des « marqueurs » du boomer. Nous mâchions, nous mâchions, et la fumée impure de nos clopes abreuvait les refrains de nos microsillons ! C’est à se demander ce que les millennials ont aujourd’hui à la bouche, à part l’insulte facile à notre égard… Du Red Bull ? Des smoothies ? Des cônes de weed plu- tôt que des Miko ? En tout cas, ils ne semblent plus priser ces barrettes, ces gommettes, ces dominos de gomme sucrée qui permettaient de faire des bulles aussi grosses qu’un œuf et constellaient les trottoirs des grandes métropoles une fois remâchées, épuisées, abandonnées et piétinées sur le bitume. Oui, les « chouïngues » ont incarné le consumérisme idiot, l’infantilisme prolongé, le prêt-à-jeter des Trente pas si glorieuses. Ils nous ont transformés en ruminants, ont musclé nos maxillaires et creusé nos ulcères. Leur disparition signe un peu la fin de l’ère pop, celle de la culture, de l’agriculture jetables. Faut-il les regretter ?

Le chewing-gum (pourquoi pas LA, d’ailleurs ?) fête ses 130 ans en 2021. Ses ventes ont baissé de 20 % en France en 2020 et de 30 % début 2021. Aux États-Unis, inventeur de la chose, ce déclin a atteint les 50 %. En septembre, la marque Mars Wrig- ley a annoncé la suppression de 280 emplois sur 350 dans son usine de Biesheim, en Alsace, qui fabriquait des chewing-gums au format « tablettes ». La faute à la covid ? Au masque, qui empêche de mastiquer au su et au vu de tous ? Des experts arguent que la distanciation sociale a rendu moins impérieuse la nécessité d’une haleine fraîche (les dentifrices ont-ils aussi perdu de leur aura ?). D’autres assurent que la moindre fréquentation des caisses de supermarchés (drive, caisse automatique), où trônaient nos pâtes à mâcher, serait en cause. Ou, tout simplement, le goût n’est plus à ces saveurs qui se fanent, qui s’étiolent ? Des chercheurs japonais ont pourtant trouvé la parade, en mettant au point un chewing-gum électrique dont l’arôme ne disparaît jamais et que l’on peut mâcher dans une longue éternité sucrée.
Alors, finis, les « chouïngues » ? La cancel culture va-t-elle dégommer la gomme ?

 

Faim
Faim De parts
De toi Éparpillées
Autour
De moi
Le feu Dort
Sous tes cils
Rassemble En
Moi Ton filet de soleil

—Florence Signoret

 

Illustration © LOU RIHN...

Quoi qu’on en dise, les « chouïngues » ont marqué nos vies. Je me souviens, gamin, avoir défloré et dévoré avec entrain des gommes de la marque Globo, vendue uniquement dans la région marseillaise, parce que chaque exemplaire contenait une vignette à coller sur un tableau qui, complété, vous faisait gagner le graal : un ballon de football ! Pour moi, comme pour tous ceux de ma génération, un Malabar a été un chewing-gum de couleur rose, au goût… de Malabar, avant d’être un costaud potentiellement dangereux. De même, Hollywood a fait partie de mon panthéon culturel au rayon confiserie avant que je découvre l’existence d’un paradis cinématographique californien. Le chewing, comme la Marlboro ou le 45-tours (c’était un disque de vinyle qui tournait et faisait du bruit) font partie des « marqueurs » du boomer. Nous mâchions, nous mâchions, et la fumée impure de nos clopes abreuvait les refrains de nos microsillons ! C’est à se demander ce que les millennials ont aujourd’hui à la bouche, à part l’insulte facile à notre égard… Du Red Bull ? Des smoothies ? Des cônes de weed plu- tôt que des Miko ? En tout cas, ils ne semblent plus priser ces barrettes, ces gommettes, ces dominos de gomme sucrée qui permettaient de faire des bulles aussi grosses qu’un œuf et constellaient les trottoirs des grandes métropoles une fois remâchées, épuisées, abandonnées et piétinées sur le bitume. Oui, les « chouïngues » ont incarné le consumérisme idiot, l’infantilisme prolongé, le prêt-à-jeter des Trente…

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