Médias, les dangers des métavers

Clara Schmelck

Quand Arte développe son offre de programmes en réalité immersive, le groupe européen le sait bien : un reportage en immersion numérique aura plus d’impact sur l’internaute qu’un reportage vidéo. Les entreprises de médias, dans un contexte de crise des revenus issus de la presse, voient dans cette forme de connexion à l’univers du jeu une opportunité de croissance au moyen d’une monétisation de l’attention. Dans l’univers 100% numérique du métavers – contraction de méta et univers pour désigner un double numérique du monde physique –, les entreprises ou les marques peuvent créer leurs propres modules de conception ancrés dans le monde réel. Et surtout, au contraire des lecteurs, dont le comportement est volatil, leurs avatars restent dans le jeu. Si un concert en métavers d’Ariana Grande peut rassembler 78 millions de téléspectateurs, pourquoi un reportage en immersion d’un grand quotidien d’in- formation ne pourrait-il pas en faire autant, moyennant un accès à l’événement d’une vingtaine d’euros ? Autant dire que le métavers est une promesse de revenus durables pour les médias d’information.

La réalité immersive se situe à la croisée de la trajectoire individuelle autonome et du plan commun. C’est un espace où nous pouvons nous exprimer, parfois par le truchement d’avatars, et communiquer pour travailler, discuter ou jouer, sans les barrières sociales de la vie réelle. En créant des avatars, les membres d’un réseau redéfinissent les notions d’identité personnelle et d’intersubjectivité. L’origine et l’identité ne sont plus amalgamées. Sur le plan politique et philosophique, le métavers peut provoquer des changements de paradigmes radicaux et bouleverser les thématiques servies parfois ad nauseam dans la presse, comme la crise économique, la restauration de l’identité nationale, l’immigration ou l’intégration.
Dans le même temps, le métavers modifie la philosophie de l’écriture de l’information. Qui est désormais ce JE, cet utilisateur qui consomme et commente l’information ? La vie personnelle du lecteur engagé à travers son avatar peut entrer en écho avec le récit dans lequel il est immergé. Il y projette sa propre expérience de l’existence, ses propres aspirations et ses propres craintes. Le storytelling mute alors en récit immersif. L’information proposée par l’expérience d’immersion devient l’objet d’une quête. À l’ordre logique de la narration se substitue la logique de récompense du jeu vidéo : le récit est un parcours dans lequel les événements sont racontés de manière à ce que le lecteur y lise une progression dans sa propre quête.

Or la réalité du monde ne dépend pas des motivations et des buts individuels, mais relève d’une nécessité aveugle qui échappe à la conscience et à la volonté des acteurs du drame qui se joue. Il y a une contradiction diamétrale entre le jeu et l’ordre du monde. Le virtuel joue : le réel déjoue. Le déroule- ment des événements contredit tout plan conçu a priori. Comprendre le monde exige de céder à l’épreuve du réel. C’est pourquoi l’individu qui lit le journal en qualité d’avatar, à l’instar d’un jeu vidéo qui transforme l’utilisateur en personnage virtuel, est ins- tallé dans une dimension ludique et non critique. Il n’est donc pas engagé à développer des habitudes de consommation de l’information contradictoire avec les principes du reportage, du portrait, de l’enquête.

Il sera difficile d’adapter les principes déontologiques du journalisme à ce que l’on pourrait appeler « l’infoludie ». S’ils n’y parviennent pas, les médias risquent de plonger dans l’industrie du divertissement, et de ne plus assumer leur fonction de vigie dans un monde qui en a plus besoin que jamais....

Quand Arte développe son offre de programmes en réalité immersive, le groupe européen le sait bien : un reportage en immersion numérique aura plus d’impact sur l’internaute qu’un reportage vidéo. Les entreprises de médias, dans un contexte de crise des revenus issus de la presse, voient dans cette forme de connexion à l’univers du jeu une opportunité de croissance au moyen d’une monétisation de l’attention. Dans l’univers 100% numérique du métavers – contraction de méta et univers pour désigner un double numérique du monde physique –, les entreprises ou les marques peuvent créer leurs propres modules de conception ancrés dans le monde réel. Et surtout, au contraire des lecteurs, dont le comportement est volatil, leurs avatars restent dans le jeu. Si un concert en métavers d’Ariana Grande peut rassembler 78 millions de téléspectateurs, pourquoi un reportage en immersion d’un grand quotidien d’in- formation ne pourrait-il pas en faire autant, moyennant un accès à l’événement d’une vingtaine d’euros ? Autant dire que le métavers est une promesse de revenus durables pour les médias d’information. La réalité immersive se situe à la croisée de la trajectoire individuelle autonome et du plan commun. C’est un espace où nous pouvons nous exprimer, parfois par le truchement d’avatars, et communiquer pour travailler, discuter ou jouer, sans les barrières sociales de la vie réelle. En créant des avatars, les membres d’un réseau redéfinissent les notions d’identité personnelle et d’intersubjectivité. L’origine et l’identité ne sont plus amalgamées. Sur le plan politique et philosophique, le métavers peut provoquer…

Pas encore abonné(e) ?

Voir nos offres

La suite est reservée aux abonné(e)s


Déjà abonné(e) ? connectez-vous !



Zeen is a next generation WordPress theme. It’s powerful, beautifully designed and comes with everything you need to engage your visitors and increase conversions.

Top Reviews