Tandis que son dernier album en date, Happy End, réinvente la pop sans paroles, le musicien français évoque pour Bastille Magazine les morceaux instrumentaux qu’il écoute en boucle. « La musique instrumentale, quand ce n’est ni jazz, ni électro, ni de film, ni classique, on est vite perdus dans les rayons des disquaires, déplore le musicien. J’ai essayé de chercher et ce n’est pas évident de trouver. » Sauf si c’est lui qui nous accompagne dans la quête des secrets de la pop instrumentale…
« Dream Puppy »
de The Sweet Enoughs, Marshmallow
Le disque qui a servi de déclencheur pour que je me lance dans l’instrumental, c’est Marshmallow, signé par les Australiens de The Sweet Enoughs. Ce groupe est très bavard, mais ce titre, « Dream Puppy », est nonchalant, un peu hawaïen, un peu kitsch, doté de boîtes à rythmes…. C’est à la limite de l’easy listening, mais j’adore la texture et le développement de ce morceau. J’avais envie de l’avoir fait en l’écoutant !
« Boonghusa »
de Limousine, Siam Roads
Cet album lancinant et exotique me rend maboule. Il y a les couleurs de l’Asie dans la mélodie très groovy de ce titre, et j’aime ces musiques répétitives d’artistes jazz qui n’en jouent pourtant pas ici. Un gentleman, disait Pierre Desproges, c’est quelqu’un qui sait jouer de la cornemuse mais qui s’en abstient. Limousine, c’est pareil !
« Xiberoa »
de Voyou, Chroniques terrestres, volume 1
« Xiberoa » est un morceau assez doux, assez audacieux… Cette nouvelle génération de chanteurs, dont font partie Pomme, Clara Luciani ou Voyou, dispose d’une grande liberté stylistique, sans chapelle. La musique de Voyou est joyeuse, mais ses chansons sont consistantes. Lorsqu’il a sorti cet album instrumental, ça m’a encouragé à me lancer, moi aussi !
« Circling »
de Nils Frahm, Solo Remains
Ce morceau est assez répétitif (tant qu’à faire !), hypnotisant, et résume tout ce que j’aime chez ce musicien allemand : son rapport au son et à la matière, en faible débit. Nils Frahm en dit le moins possible et a beaucoup influencé Happy End. Ainsi, je me suis tenu à cette règle incontournable tout du long de l’enregistrement : m’interdire toute tension. L’énergie en devient constante.
« Lost, Night »
de Bill Frisell, Disfarmer
Bill Frisell est un guitariste de jazz qui a toujours puisé son inspiration dans la culture américaine. En témoigne Disfarmer, enregistré avec violons et guitares. Il accompagne les images d’un portraitiste du fin fond de l’État de l’Arkansas, Mike Disfarmer (1884–1959), qui a photographié les habitants de son village pendant cinquante ans. Ce morceau, comme l’album, est à la fois planant et rural.
« Nashville »
de Béla Fleck et Toumani Diabaté, Throw Down Your Heart: The Complete Africa Sessions
J’ai beaucoup joué de musique africaine avec Angélique Kidjo et Salif Keïta, je suis très sensible à la culture mandingue… Toumani Diabaté, on n’y échappe pas quand on aime la kora ! Mais j’aime aussi le banjo d’une fusée nucléaire, celle de Béla Fleck. Bien qu’ils viennent de mondes différents, ces deux virtuoses ont fait des concerts ensemble, devenus un album, et explorent des endroits accessibles qu’à eux.
« Monolake »
de Jonathan Fitoussi et Jean-Benoît Dunckel, Mirages
Jonathan Fitoussi, c’est le patron du synthé modulaire. Je suis allé chercher un morceau dans un album qu’il a confectionné à quatre mains avec Jean-Benoît Dunckel de AIR, Mirages. « Monolake » en est le dernier titre, à la suite duquel on peut s’endormir, s’évader très loin. Une nappe qui, du début à la fin, évolue peu… ça passe et ça disparaît, sans dramaturgie. Il m’a inspiré pour le morceau « Estremedura », la conclusion de mon album Happy End.
« Concerto pour une voix »
de Saint-Preux, Concerto pour une voix
Je sais, c’est très kitsch, mais quelle composition ! Saint-Preux, c’est une couleur liée à mon enfance. Quelque chose me touche dans ce morceau vocalisé que je prends beaucoup de plaisir à jouer, une sorte de classique pop comme pouvait en faire Michel Legrand… mais en plus cheesy.
« The Barbara Song »
de Gil Evans, The Individualism of Gil Evans
C’est une version de « The Barbara Song » de Kurt Weill, tirée de L’Opéra de quat’sous. Elle dure neuf minutes et on descend dans les marécages. L’écriture est très lente, faite de montées et de descentes. C’est très écrit, mais le climat est dingue ! Wayne Shorter est au saxophone, l’orchestre est magnifique : flûte et basson à l’unisson… Chaque musicien existe en tant qu’être humain vibrant. Gil Evans a fait beaucoup pour la musique en grand ensemble sauvage. J’adore, absolument.
« Les Tulipes »
d’Albin de la Simone, Happy End
Un titre évocateur de ce que j’ai vu pendant le premier confinement : les tulipes grandir à vue d’œil. J’ai assisté à l’éclosion du jardin… Avec son thème tournant en boucle, ce morceau prend de l’ampleur et de la majesté.
Happy End, d’Albin de la Simone,
Tôt ou Tard.