QUATUOR DEBUSSY & KERENN ANN © Fred Mortagne

Keren Ann : reprises sans emprises

Sophie Rosemont

Un « Lay Your Head Down » à la saccade sophistiquée. Le retour aux sources de « L’Illusionniste ». « Strange Weather », plus abrupt que jamais. Le « Jardin d’hiver », jadis confié à Henri Salvador, aujourd’hui cultivé avec cette grâce dont elle a le secret… Certes, Keren Ann n’est pas la seule à avoir eu l’idée de revisiter son propre répertoire : depuis toujours, la pop culture est férue d’autocitations en tout genre. En l’espace de quelques mois, Moby publie une Reprise symphonique et Louis Chedid revoit ses partitions avec le pianiste Yvan Cassar. Mais en s’alliant avec le prestigieux Quatuor Debussy, dont les cordes sont les plus belles de France, Keren Ann touche juste – au plus près des tripes. Pas de pathos, mais de l’exigence, encore et toujours.

Keren Ann s’est souvent aventurée hors du domaine rock, dans le symphonique, la pop, l’électro ou, bien sûr, le folk. Ce projet-ci a pris naissance en octobre 2017, à la Chapelle de la Trinité, à Lyon, lors d’un concert avec le Quatuor Debussy, à la suite duquel les musiciens ont tous été victimes d’une forme de « baby blues ». « Comment préparer un tel concert pour ne le faire qu’une seule fois ? s’est-elle alors interrogée. Nous avons donc décidé d’investir des lieux assez magiques, des théâtres, des chapelles, le Barbican à Londres… Plus on en faisait, plus on recevait des propositions. Puis, en mars 2020, nous avons dû interrompre notre tournée. » S’ils se retrouvent sur scène, ici et là, entre deux confinements, Keren Ann et l’ensemble formé par Christophe Collette (premier violon), Emmanuel Bernard (deuxième violon), Vincent Deprecq (alto) et Cédric Conchon (violoncelle), finissent par enregistrer le fruit de leur alliance en studio. En live, durant deux jours. « À l’ancienne, donc, où l’on peut bénéficier des textures de chaque instrument, de chaque partie, entre minimalisme et richesse, commente Keren Ann. Le disque est fidèle tant à l’architecture et aux progressions harmoniques de mon écriture qu’aux arrangements du Quatuor Debussy. » La patte rock’n’roll de Keren Ann s’y fait entendre, non seulement par l’enregistrement organique mais aussi par un timbre déployé loin de l’ambiance feutrée de son home studio. Un timbre qui, à la fin de ses performances scéniques, résonne souvent a capella, persistant à accompagner les spectateurs après le spectacle. « Le rock’n’roll, chez
moi, se trouve dans la diversité du son que je recherche, l’énergie, l’attitude, l’intention… confie-t-elle. Je suis liée aux éléments du lieu, de béton ou de bois. Mon jeu live, à la guitare ou au piano, c’est ma plus forte expression… comme le Quatuor Debussy : quand il fait du Tchaïkovski, c’est rock ! » 

Keren Ann & Le Quatuor Debussy, Naïve/Believe.
En tournée :
le 4 février à Dardilly,
le 22 mars à Montbéliard,
le 23 mars à La Louvière,
le 25 mars à Grasse,
le 29 mars à Maubeuge,
le 30 mars à Châlons-en-Champagne,
le 1er avril à Muret,
le 20 mai à Arques,
le 21 mai à Argenteuil.

Quand on se reprend soi-même, comment (se) choisir ? D’autant plus lorsqu’on compte huit albums studio, de La Biographie de Luka Philipsen, paru en 2000, à Bleue, sorti en 2019, en passant par La Disparition (2002), Nolita (2004) ou 101 (2011). Sans oublier moult chansons écrites pour les autres : le groupe islandais Bang Gang, Sylvie Vartan, Emmanuelle Seigner, Vincent Delerm, Benjamin Biolay… « Ce qui m’a aidée, c’est de me dire que c’était un premier volume, répond la musicienne. On en choisit dix, mais il peut y en avoir dix autres. Chaque morceau a ses raisons d’y être… et ce ne sont pas forcément les mêmes. Comme “Strange Weather” : il en existe tellement de versions différentes, pour des séries, par des groupes anglais, celle, superbe, d’Anna Calvi et de David Byrne… Celle-ci est la plus épurée, et méritait d’être mise en avant. “You Have It All to Lose”, elle, n’est jamais sortie en single. Or, à chaque fois qu’on la joue sur scène, il y a un moment de grâce, où l’on sent qu’on est ensemble. » Figure également « Les Jours heureux », incarnée par Mélanie Thierry dans la récente comédie musicale Tralala, des frères Larrieu. « C’est une très belle scène du film… Quand on reprend mes chansons, je me sens honorée de cette nouvelle vision, parfois même de la seconde lecture, qu’offre l’artiste. La voix, c’est l’instrument le plus intime, et lorsqu’on entend une autre que la sienne chanter un titre auquel on a déjà donné vie, c’est touchant. » À l’image de l’usage des cordes ici, tantôt caressantes, tantôt électrisantes, qui transportent un corpus déjà exploré en territoire inconnu.  



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