La couverture de leur dernier disque (certifié d’or !), Palais d’Argile, vibre d’un bleu profond, pas loin du International Klein Blue… « Nous ne sommes pas toujours d’accord sur tout mais si nous devions résumer notre musique à une couleur, affirme le chanteur Arthur Teboul, le bleu s’imposerait à l’unanimité. » Avec son mélange de chanson, de rock et de pop littéraire et existentielle, Feu! Chatterton s’est taillé une place à part sur la scène française. Arthur Teboul nous livre aujourd’hui une playlist aux dix nuances de bleu, « autour de la nuit, du spleen, d’une déambulation solitaire. »
« BLUE MOON »
de Elvis Presley, Elvis Presley
Elvis, cette voix merveilleuse. Ce qui me touche de prime abord, c’est cette présence à part. Il existe beaucoup de versions de « Blue Moon » par Ella Fitzgerald, Frank Sinatra ou encore Billie Holiday, mais celle d’Elvis est au-delà. L’impression de le voir seul dans la vie, face à la pleine lune – même si elle est bleue. Bien que l’arrangement soit très nu, n’en subsiste pas moins quelque chose d’un peu chaud.
« YOU DON’T KNOW WHAT LOVE IS »
de Chet Baker, Chet Baker Sings and Play
« Tu ne sais pas ce qu’est l’amour, avant de connaître le sens du blues… » La mélodie est d’une grâce infinie, toujours impressionnante chez Chet Baker. Un ange déchu… Ce qui est beau dans l’art, c’est quand la virtuosité est absorbée au point d’atteindre un tel degré de simplicité. Y compris quand Baker joue de la trompette, on ne sent pas sa technique, pourtant très élevée
« ALL I WANT »
de Joni Mitchell, Blue
C’est rare de composer un morceau si libre, dans les mots comme dans la manière de mener son histoire. À cœur ouvert. Comme Chet Baker, si Joni Mitchell dit les choses simplement, elle fait preuve d’une foisonnante virtuosité, pleine de surprises. On voyage vraiment avec elle.
« BLEU FUSCHIA »
de Odezenne, Pouchkine
C’est la chanson qui m’a fait aimer Odezenne. Je n’ai jamais entendu le mot « transpalette » aussi chargé de poésie ! Le morceau commence par l’histoire concrète d’un manutentionnaire à Rungis dont on découvre petit à petit que les pommes qu’il transporte sont bleu fuchsia. Odezenne parvient non seulement à investir avec finesse et subtilité le prosaïque, mais également l’amener vers la fantasmagorie, l’idéal, la bizarrerie…
« INNER CITY BLUES (MAKE ME WANNA HOLLER) »de Marvin Gaye, What’s Going On
Dans un contexte tendu politiquement, Marvin Gaye cherche la paix et l’harmonie. Ce qui me fait vibrer, c’est l’incroyable ligne de basse et cette atmosphère dingue. Comme la plupart des artistes de cette sélection, il parvient à un degré de sophistication dans le son, l’écriture et l’arrangement, mais ne vient jamais étouffer ou ne fut-ce que couvrir l’âme et la spontanéité. La technique est au service du message.
« FAMOUS BLUE RAINCOAT »
de Leonard Cohen, Songs of Love and Hate
Ma chanson préférée de Leonard Cohen. Il y a quelque chose de magique et de charnel. Les petites choses de l’existence deviennent immenses. En tant qu’artiste, c’est une chance de pouvoir canaliser ses frustrations, colères et ses plaies dans la musique. Et en tant qu’auditeur, c’est également une chance d’avoir ces grands poètes qui permettent de saisir pleinement nos propres expériences. Ainsi, ce qui nous fait mal nous fait moins mal.
« BLUE JEANS »
de Lana Del Rey, Born to Die
Quand ses premiers morceaux sont sortis, on aurait pu croire que ce serait un simple buzz d’Internet, un épiphénomène. Mais la volupté de la voix de Lana Del Rey, sa manière de construire ses histoires entre sordide et grandiose ont contribué à dessiner ce nouveau romantisme, pourtant presque moqué à ses débuts, qui influence les générations suivantes. Elle assume d’être une diva tout en cultivant l’imagerie américaine des sixties, ce qui la rend plus profonde, énigmatique : elle est fragile, cassée, triste…
« BLUE VELVET »
de Bobby Vinton, Blue on Blue
Quel chanteur ! Son amplitude, sa précision… En termes d’intention, on est presque à l’inverse de Joni Mitchell et Leonard Cohen : Bobby Vinton, c’est du papier glacé. Impressionnant de perfection. J’aime aussi le côté kitsch de la production, qui a sans doute, malheureusement, condamné ce chanteur américain à être sous-estimé hors de son territoire, y compris en France. Et, forcément, on pense au film homonyme de David Lynch.
« LES MOTS BLEUS »
de Christophe, Les Mots bleus
Avec Christophe, on a partagé des moments musicaux ensemble… Datant de 1974, ce titre n’a pas vieilli du tout. Jean-Michel Jarre en a écrit les paroles qui, il y a quelques années, ne me parlaient guère. Avec l’âge, elles m’ont de plus en plus touché. L’incarnation, l’ambiance, l’interprétation de Christophe, pour qui la langue était une matière sonore comme une autre : ce mélange magique fait des « Mots bleus » un sortilège musical. Je recommande aussi la version lo-fi de Johan Papaconstantino.
« BLUES FOR MAMA »
de Nina Simone, Nina Simone Sings the Blues
Nina Simone transcende tout lorsqu’elle vit sa musique. C’est plus qu’une voix, c’est une âme qu’on écoute. Dans le propos et la composition, ce morceau peut paraître simpliste. Mais son désespoir fascine et terrifie à la fois. Est-ce parce qu’elle touche aux tréfonds qu’elle est capable d’atteindre d’aussi hautes cimes lumineuses ?