Votez Josefa !

Olivier Liron

En parlant des élections avec un ami, je me suis exclamé en guise de boutade : c’est ma grand-mère Josefa, 92 ans, qui devrait se présenter ! Il m’a répondu : peut-être que ta grand-mère est exceptionnelle, mais au moins Zemmour, il fait entendre ses idées ! Alors que ta grand-mère, elle les garde pour elle. Alors j’ai eu l’idée de concocter un programme pour ma grand-mère.
Josefa présidente rendrait obligatoire la couverture pour la sieste après le repas : « Tapa te bien ! » Couvre-toi bien ! 
Josefa présidente rendrait la solidarité obligatoire et accueillerait chez elle les sans-papiers, comme quand elle est arrivée en France et qu’elle dormait avec ma mère dans une chambre de bonne de la Porte de la Muette. 
Josefa présidente instaurerait la paëlla ou le couscous du dimanche midi comme nouvelle agora et démocratie directe. Chacun sa part !
Josefa présidente mettrait fin à la guerre en Ukraine, parce que « la guerre, c’est ne rien comprendre ». Quand elle avait dix ans, en 1940, elle a vécu la répression de la guerre civile espagnole. Son beau-frère a été assassiné par les franquistes. Son neveu a sauté sur une mine dans un terrain vague. Il est mort dans ses bras, le petit Luisito, dans une voiture qui les emmenait vers l’hôpital, son sang se vidait dans les bras de Josefa. Quand la guerre s’est déclarée, elle était encore une enfant. Madrid a été bombardée et elle ne comprenait pas pourquoi il fallait se réfugier dans la cave de l’immeuble d’à côté. Pourquoi le sang des enfants coulait dans les rues. 
Josefa présidente préserverait le système de santé, car elle aime beaucoup « le docteur Balavoine, le chanteur », qui la suit au quotidien. Même si en réalité ce praticien de banlieue s’appelle le Dr Malavoy.
Josefa présidente faciliterait la naturalisation des travailleurs étrangers, car elle-même a été accueillie et naturalisée en France, comme ma mère. Elle y a trouvé du travail, comme femme de ménage, puis comme cuisinière à la crèche de Pantin. Elle faisait à manger pour 80 personnes chaque jour. Le repas n’était pas prévu pour les employés, mais ses purées étaient tellement bonnes que les collègues restaient manger à la cantine. 
Josefa présidente s’occuperait du logement social ; avant d’obtenir son HLM en 1974, la famille vivait dans un taudis de Saint-Denis, sans chauffage ni toilettes. Dix années de misère qu’elle a traversées en souriant. Lorsqu’elle raconte mai 68, elle s’exclame : « J’étais obligée d’aller travailler avenue de Matignon en passant à l’arrière des camions militaires ! » Envers de l’histoire sociale, les invisibles – les étrangers. 
Josefa présidente devra bien s’entourer pour la question du mariage pour tous, car elle a hérité de sa génération une profonde homophobie – qui m’a parfois posé problème, mais je suis sûr qu’avec de bons conseillers, elle serait capable de comprendre que (même son petit-fils est bisexuel) : il n’est pas grave d’être un maricon (un pédé).
Josefa présidente défendrait l’école de la République contre les réformes qui visent à l’affaiblir, à reconduire les inégalités. Quand la famille est arrivée en France, ma mère, Marinieves, avait neuf ans. Elle a dû affronter de violentes discriminations, mais l’école lui a permis de faire des études jusqu’au lycée, puis de devenir enseignante à son tour. L’école a servi d’ascenseur social à toute la famille.
Josefa présidente cuisinerait des torrijas, du pain perdu enrobé de caramel, à tous ses électeurs. Une bonne raison de voter pour elle !
Josefa présidente s’occuperait d’améliorer les conditions de travail des ouvriers et des travailleurs étrangers, comme mon grand-père Fernando, qui a commencé à l’usine à 14 ans. Né à Cadix, recueilli à cinq ans dans un orphelinat de Séville où il a appris à compter (c’est lui qui a donné à ma mère la bosse des maths), Fernando a été brisé par le travail. D’abord à l’usine d’aluminium de Madrid, puis dans une fonderie à Beaumont, dans des conditions extrêmes, émaillées de nombreux accidents. Josefa est veuve depuis presque trente ans.
Josefa présidente instituerait les dominos comme sport national et les mots fléchés comme activité nécessaire au peuple.
Josefa présidente, Bastille Magazine serait l’organe de presse officiel !
Votez Josefa en 2022 !  ...

En parlant des élections avec un ami, je me suis exclamé en guise de boutade : c’est ma grand-mère Josefa, 92 ans, qui devrait se présenter ! Il m’a répondu : peut-être que ta grand-mère est exceptionnelle, mais au moins Zemmour, il fait entendre ses idées ! Alors que ta grand-mère, elle les garde pour elle. Alors j’ai eu l’idée de concocter un programme pour ma grand-mère. Josefa présidente rendrait obligatoire la couverture pour la sieste après le repas : « Tapa te bien ! » Couvre-toi bien !  Josefa présidente rendrait la solidarité obligatoire et accueillerait chez elle les sans-papiers, comme quand elle est arrivée en France et qu’elle dormait avec ma mère dans une chambre de bonne de la Porte de la Muette.  Josefa présidente instaurerait la paëlla ou le couscous du dimanche midi comme nouvelle agora et démocratie directe. Chacun sa part ! Josefa présidente mettrait fin à la guerre en Ukraine, parce que « la guerre, c’est ne rien comprendre ». Quand elle avait dix ans, en 1940, elle a vécu la répression de la guerre civile espagnole. Son beau-frère a été assassiné par les franquistes. Son neveu a sauté sur une mine dans un terrain vague. Il est mort dans ses bras, le petit Luisito, dans une voiture qui les emmenait vers l’hôpital, son sang se vidait dans les bras de Josefa. Quand la guerre s’est déclarée, elle était encore une enfant. Madrid a été bombardée et elle ne comprenait pas pourquoi il fallait se réfugier dans la cave de l’immeuble d’à côté. Pourquoi le sang des enfants…

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