Quand Julia Roberts est apparue dans la série Homecoming sur Amazon Prime en 2018, des sourcils curieux se sont levés pour accueillir l’actrice oscarisée. Mais la surprise se trouvait ailleurs. Cette histoire, située dans un centre de soins pour anciens combattants, était l’adaptation d’un podcast de Gimlet Media (racheté par Spotify) qui avait connu un succès d’estime. Depuis, les producteurs d’Hollywood tendent l’oreille vers ces nouvelles créations originales. En quatre ans, le phénomène s’est accéléré. Amazon renouvelle l’expérience avec The Horror of Dolores Roach, une comédie noire de Gimlet, tandis que Julia Roberts a rempilé aux côtés de Sean Penn dans Gaslit, adaptation du podcast Slowburn pour Starz. Le passage par la case audio est un moyen efficace de tester des récits originaux. Cette évolution rapide n’a pas échappé aux organisateurs du Festival Séries Mania. Le Forum du festival a innové cette année avec des séances de pitches de podcasts et des rencontres entre producteurs télé et studios de contenus audio. « Nous sommes dans la démarche de proposer une sélection de podcasts à un auditoire en attente de nouvelles idées. On s’inscrit dans un marché global de l’adaptation comme cela est déjà le cas pour le livre », explique Bastien Gave, responsable éditorial de Séries Mania Forum. Ces nouvelles rencontres « répondent à une demande d’acteurs du secteur audiovisuel et visaient à réfléchir aux moyens de structurer une distribution qui permet de gérer les droits d’adaptation du podcast d’un pays à l’autre ».
En France, Gaumont Télévision et le studio Nouvelles Écoutes se sont associés pour le développement d’une fiction audio et son passage en fiction audiovisuelle. Ces synergies naissantes sont importantes pour une économie du podcast dont la solidité a besoin d’être confortée. « Cela permet à Gaumont d’aller voir une chaîne avec un support existant, avec une écriture fictionnée, avec des voix marquantes d’acteurs ou d’actrices connus et surtout un retour d’expérience », note Bastien Gave. Si les coûts de production des podcasts ne cessent de croître, ils demeurent très inférieurs à ceux de la fiction télé. Cela ne veut pas dire pour autant que les risques financiers sont négligeables. L’économie des studios demeure fragile. « Pour l’instant, il n’est pas facile de gagner de l’argent avec de la fiction audio », remarque Thomas Le Petit-Corps, auteur de la série d’anticipation Silencio produite par le studio BaBaBam. « Mais si on prend les choses dans leur globalité, cela fait aussi parler du producteur et cela attire l’attention des marques. Finalement, c’est une bonne vitrine. »
Toute la question tient à la professionnalisation progressive de la production de podcasts. Il n’existe pas de centre de formation ou de cursus d’apprentissage comme c’est le cas pour les séries. Cette absence est à la fois un inconvénient et un avantage. Un inconvénient en ce que les studios apprennent en marchant et pratiquent l’équilibrisme et un avantage car ils jouent pleinement leur rôle de défricheurs de talents. Les budgets étant ce qu’ils sont, les podcasts ont créé un appel d’air pour les jeunes créateurs aux côtés de scénaristes chevronnés engagés dans des productions télévisuelles plus onéreuses. La fiction audio offre en outre la possibilité d’explorer des genres comme la science-fiction ou l’heroic-fantasy qui plaisent à des publics jeunes et dont la production est très coûteuse à la télévision ou au cinéma.
Un autre aspect attractif du podcast pour les créateurs en herbe est sa relative immédiateté. « Cela va assez vite », poursuit le scénariste trentenaire. « On écrit le script. Puis, on entre en production et on voit rapidement le résultat. » Cette formation sur le tas se révèle prometteuse. Depuis ses premiers pas dans le métier fin 2018, Thomas Le Petit-Corps a fait de l’écriture son activité à temps plein profitant du caractère transmédias des podcasts. Une BD jeunesse, un roman et un film d’animation pour France.tv Slash complètent ses activités de podcasteur.