Findhorn (détail) © caroline laguerre
Findhorn (détail) © caroline laguerre

FRIC & LOVE

Lou-Eve Popper et Julien Marsault

Bienvenue à Findhorn, la Mecque du New Age
En soixante ans, la Fondation Findhorn, installée dans le petit village écossais du même nom, a attiré des centaines de milliers de visiteurs en quête de sens. Temple spirituel pour certains, la Fondation est accusée de dérive sectaire et de racket par ses détracteurs.
Un petit groupe est assis en rond dans le ventre d’une étrange construction en pierre, sorte de champignon à ciel ouvert recouvert de mosaïques aux couleurs vives. Après quelques mots échangés entre les participants, des bougies s’allument, un gong retentit : à 8h30 du matin, la séance de méditation quotidienne commence. Ce n’est qu’au bout d’une demi-heure de silence, uniquement troublé par le bruit du vent dans les pins alentour, que les sexagénaires présents rouvrent les yeux. Encore un peu endormis, les uns et les autres déposent leur coussin de méditation dans la petite extension au toit herbeux fermée d’une porte en bois. Les échanges sont cordiaux, bienveillants. « Bienvenue au pays des hobbits », glousse l’une des membres de l’assistance.
C’est vrai qu’à première vue, la Fondation Findhorn semble tout droit sortie d’un roman de Tolkien à l’ère du réchauffement climatique. Cette communauté New Age, l’une des plus vieilles d’Europe, s’est établie sur la côte nord-est de l’Écosse au début des années 1960. Et ressemble aujourd’hui à un petit îlot de paradis écolo. De pimpantes allées serpentent autour de maisons en bois surmontées de panneaux solaires et percées de grandes fenêtres orientées plein sud, certaines sont bordées par des potagers. Non loin de là, les jardiniers de la communauté bichonnent des légumes de saison, sans pesticides évidemment, dans d’immenses serres collectives. Quand ils n’y font pas leur marché, les 500 habitants vont écouter un concert au centre culturel ou déjeunent dans l’un des deux restaurants du coin, où, circuit court oblige, on peut payer avec la monnaie locale. Pendant que les résidents prennent du bon temps, les pales de trois éoliennes tournent à plein régime pour produire une électricité verte tandis qu’un ingénieux système de phytoépuration traite les eaux usées sans produits chimiques. Et pourtant, la question environnementale n’est pas la priorité des habitants. Rosie, une Irlandaise à la voix douce mais au regard inflexible, membre de l’éco-village depuis près de quarante ans, ne louvoie pas : « Nous sommes avant tout une communauté spirituelle. » Depuis sa naissance en pleine période hippie, la Fondation Findhorn est en effet connue comme « le Vatican du New Age ». On y prône « l’écoute intérieure, l’intelligence de la nature et l’amour actif ». De la bienveillance agrémentée d’une bonne dose de développement personnel. Sur place, les symboles ésotériques accrochent partout le regard. D’immenses ailes d’ange à taille humaine ont été gravées sur la porte d’entrée du centre culturel. Plus loin, en s’enfonçant dans le village, une petite construction joufflue accueille les mordus de méditation. Le « sanctuaire de la nature », comme chacun l’appelle ici, n’est d’ailleurs pas bien loin d’une petite clairière. Lors du solstice d’hiver, une cérémonie y a lieu, où l’on peut venir déposer une bougie et se connecter à « son ange de l’année ». Pour ceux qui seraient plutôt branchés mère nature à l’amérindienne, d’autres rituels chamaniques se tiennent dans les grands tipis situés à l’est. Là encore, rien n’est laissé au hasard. « La plus grande tente représente l’esprit féminin tandis que le grand poteau voisin incarne le masculin », explique sur le ton de la confidence Britta Schmitt, une Allemande trentenaire chargée de la communication. 

Findhorn © caroline laguerre
Sur place, les habitants prennent très au sérieux ce bricolage de croyances. Swan Treasure, une Italienne un peu perchée, affirme, l’œil brillant, que la communauté lui a permis d’établir un lien plus profond avec « les royaumes de l’invisible ». Ancienne « conseillère transpersonnelle » adepte des « guérisons métaphysiques » à Londres, cette quinquagénaire raconte avoir été « appelée par l’Ange de Findhorn » en 2011. Après avoir travaillé de manière intermittente pour la fondation pendant près de huit ans, la graphiste de formation s’est ensuite lancée en 2019 dans un nouveau projet : la création d’un jeu de cartes, L’Oracle de l’Esprit de Findhorn, censé nous permettre de « découvrir notre vraie nature ». Son amie Dominic Didinal estime, pour sa part, avoir trouvé sa voie en suivant les préceptes mystiques de Caroline Myss, auteure américaine d’ouvrages de développement personnel, promettant à tous ses lecteurs d’éveiller leur « potentiel sacré ».
Les ingrédients de cette tambouille mystique sont à chercher du côté des fondateurs. Les Britanniques Peter et Eileen Caddy, leurs trois enfants ainsi que leur amie canadienne Dorothy MacLean débarquent en 1962, non loin du petit village de pêcheurs de Findhorn. Vivant à peine des prestations sociales, le groupe s’installe dans deux caravanes, sur ce qui n’est alors qu’un terrain vague. Sans avoir jamais planté une graine, le trio parvient, contre toute attente, à faire pousser quantité de légumes aux tailles hors-norme. De quoi faire les gros titres de la presse locale. Questionnés sur ce prodige, les comparses affirment avoir établi une connexion intime avec les « devas » de la nature, sortes d’êtres divins spécialisés dans le maraîchage… Les conseils avisés de ces esprits des salades et autres carottes leur auraient permis de faire sortir de terre des choux de plusieurs kilos. Certains sceptiques diront que ce résultat tient plutôt au microclimat dont jouit la région. Quoi qu’il en soit, la légende était née, attirant depuis des milliers de visiteurs en mal de spiritualité. 

L’ancien terrain vague a été transformé en un petit éden fleuri, appelé pompeusement « le jardin originel ».

Cependant, les trois fondateurs ont une histoire personnelle qui piquerait l’intérêt de n’importe quel psychiatre diplômé. Lorsqu’ils arrivent sur la magnifique côte de Moray, les trois comparses viennent de s’extirper d’une secte religieuse sévissant sur l’île de Mull, à l’ouest de l’Écosse. À la fin des années 1950, ils parviennent à trouver du travail à l’hôtel de Cluny Hill, somptueuse bâtisse victorienne située dans le village voisin de Forres. Leurs relations avec le directeur de l’établissement se détériorent lorsqu’ils décident de couper les arbres de la petite colline sur laquelle est juché l’hôtel. Dans son autobiographie, In Perfect Time: Memoirs of a Man for the New Millennium (non traduite, publiée en 1997 par la Findhorn Press), Peter Caddy expliquera qu’ayant reçu des messages de ses « frères de l’espace », une piste d’atterrissage s’imposait. « Peter Caddy a quitté la communauté en 1979. Ces événements sont vieux de quarante ans », tente de temporiser Janet Limb, chargée de la communication. Pourtant, les trois fondateurs, aujourd’hui décédés, sont complètement divinisés à Findhorn. L’ancien terrain vague a été transformé en un petit éden fleuri, appelé pompeusement « le jardin originel ». Tout y a été laissé en l’état, y compris l’une des caravanes, au bleu désormais délavé. « C’est un lieu à l’atmosphère particulière. Quand je suis arrivée la première fois, j’ai eu l’impression de pénétrer dans le saint des saints », confie Britta. Au cœur du centre culturel, leurs trois portraits sont affichés en grand. Quant au livre d’Eileen Caddy, La Petite voix. Méditations quotidiennes, publié pour la première fois en 1989, certains le considèrent comme leur Bible. « Je le lis tous les jours », confirme Rosie.
Cette dernière arrive à la Fondation Findhorn au début des années 1980. À l’époque, des trentenaires célibataires et des familles entières venaient encore s’y installer, attirées par l’effervescence du lieu. Mais des décennies plus tard, le ton a changé : la communauté ressemble à un club de troisième âge, ouvert seulement aux plus riches. Et pour cause : jusqu’à il y a peu, tout nouvel aspirant devait, pour rejoindre la fondation, réaliser de multiples stages immersifs d’un coût de plusieurs milliers d’euros. « Cela peut sembler beaucoup mais en échange, nous offrons le lit et le couvert. Par ailleurs, nous avons des bourses pour les personnes modestes », se défend Judy MacAllister, ex-PDG de la fondation. Mieux valait tout de même avoir une solide trésorerie de côté. Car une fois ces stages à prix d’or accomplis, six mois de travail bénévole pour la communauté incombaient encore aux candidats. Seule l’irruption du Covid-19 et l’arrêt des activités sur le site ont mis fin à ces onéreux programmes d’intégration. La fondation se targue d’être désormais dans une phase de « refonte » et prévoit des stages plus « inclusifs ». 
Avant la pandémie, ceux qui avaient la chance d’être embauchés pouvaient alors choisir de toucher un petit salaire et d’avoir leur propre logement. Autre option : devenir résident au sein de la fondation, c’est-à-dire être logé et nourri et gagner un peu d’argent de poche, soit 75 livres par semaine (88 euros). Certains employés de longue date, comme Britta, n’y trouvent rien à redire. « Je travaille une vingtaine d’heures par semaine et je vais me baigner tous les matins avec les dauphins, c’est la vie rêvée », nous confiait-elle au printemps dernier. Mais d’autres ont dû puiser dans leurs réserves financières pour continuer à profiter des petits plaisirs de la vie, partir en vacances par exemple. Swan Treasure reconnaît que seules ses économies lui ont permis de rester à flot aussi longtemps, tout en affirmant que « l’argent n’est pas un problème, sauf si vous tenez à en faire un problème ». Un argument un peu léger pour plusieurs résidents, qui réclamaient depuis longtemps d’être augmentés. L’an dernier, la fondation a fini par accéder à leurs demandes : elle a offert à tous ses résidents la possibilité de devenir locataires de la Fondation en échange d’un salaire à peine au-dessus du minimum légal. 
Pour ceux qui voudraient s’installer définitivement, il est aussi possible de devenir propriétaires au sein de la Fondation Findhorn. Mais là encore, les prix ont considérablement augmenté avec le temps. En 2019, les écoconstructions du « domaine des rêves », situé dans la partie orientale de l’éco-village, coûtaient en moyenne 318 000 livres (374 000 euros). Bien plus, donc, que la première maison de la communauté, construite trente ans plus tôt en fûts de whisky pour la modique somme de… 10 000 livres (12 000 euros). « C’est que l’endroit est devenu très prisé », balaie Britta. La chercheuse norvégienne Amsale K. Temesgen avance une explication plus prosaïque : au moment de son extension, la fondation a fait ériger des logements écologiques aux coûts beaucoup plus élevés que prévu. Résultat, les prix se sont envolés. « Nous avons toujours essayé de mettre en place des logements sociaux », insiste pourtant Judy McAllister. Pour le moment, seuls les plus aisés peuvent néanmoins se payer une maison sur place. Comme Sophie Colin, ex-employée de la City à Londres. Il y a six ans, cette passionnée de yoga et de spiritualité a tout lâché pour venir s’installer dans la communauté. Après avoir dépensé toutes ses économies pour s’offrir un logement au cœur du « domaine des rêves », elle vit désormais avec un salaire dérisoire. De fait, les économies de bouts de chandelles sont devenues un mode de vie. Mais la Française ne regrette pas son geste, étant désormais en mesure de consacrer tout son temps à son « développement personnel ». Mais d’autres ont bien moins vécu l’expérience Findhorn. 

Après avoir dépensé toutes ses économies pour s’offrir un logement au cœur du « domaine des rêves », Sophie vit désormais avec un salaire dérisoire.

Plus au sud, à deux pas d’une gare de province, emmitouflés dans des doudounes en plastique bon marché, des clients se pressent à l’intérieur d’un café. Les murs sont aussi gris que le ciel. La lumière est blafarde. Un homme d’une soixantaine d’années passe la porte de l’établissement. Le pas est hésitant. Sous l’allure défraîchie, on devine la splendeur passée. D’un geste las, il retire un bonnet difforme puis s’assoit à un coin de table. De son temps passé à Findhorn, l’homme n’a plus qu’un souvenir amer. « Cette vie, j’en attendais plus », résume-t-il en parlant de sa quête spirituelle. Comme tant d’autres, Steve Nicholls voulait apprendre à se connaître. La fameuse midlife crisis, comme on dit ici. Il se lance à la recherche d’un éco-village pour l’accueillir, sans succès. Trop de passionnés des chemtrails, de reptiliens et autres complots farfelus. Puis il découvre la fondation à la fin des années 2000. Le compte en banque pas trop mal loti, il y enchaîne les visites pendant quelques années. « C’était très cher, mais ils m’ont persuadé de continuer. » Jusqu’à penser y passer une partie de ses vieux jours. Développer son esprit dans un cadre idyllique, quelle bonne idée… Cet ancien inspecteur des poids et mesures s’installe dans le fameux village en commençant par y travailler comme agent de maintenance. À la table du café, les anecdotes sur la communauté s’enchaînent entre deux digressions sur sa vie d’avant. L’homme vante son « exceptionnel Q.I. », sa « très grande habileté manuelle », se remémore les bons moments passés avec sa supérieure de l’époque, Michaela. « J’étais dans une période très créative. » Tout allait bien pour Steve, du moins au début.
Au-dehors, une fine neige recouvre les briques rouges d’un village entré de force dans l’ère post-industrielle. Le soleil se lève à peine. La discussion se transforme soudain en exutoire. « C’était fou, je devais payer pour bosser. Quelle connerie… » Le bonhomme s’épanche ensuite longuement sur les salaires de misère, ressasse une sombre histoire d’accès à ses données médicales, évoque « des techniques destinées à briser nos défenses ». Comme ces sessions collectives où l’on s’enlace à la volée, la musique à plein volume, récitant une sorte d’incantation, droit dans les yeux : « Je t’aime, je te fais confiance. » De la soi-disant reprogrammation mentale à vous faire perdre la raison. À ce moment-là, Steve prend conscience « que quelque chose ne va pas ».
Au fil des mois, les déconvenues se multiplient. L’homme se remémore le suicide de l’un des membres de la communauté, Martin. Des différends avec la direction de la fondation apparaissent. On l’accuse d’être « colérique, psychotique, délirant ». Lui dénonce avec une pointe d’angoisse une « campagne de diffamation », sans pouvoir vraiment le prouver. La cure spirituelle devient un lointain souvenir. Avant d’être « banni » des lieux, Steve affirme avoir été surpris en possession d’un exemplaire de Hypocrisy and Dissent within the Findhorn Foundation. Un livre écrit dans les années 1990 par un critique majeur de la fondation : Stephen J. Castro. Ce pamphlet, écrit par un ancien membre, retrace les « désaccords d’une communauté en pleine expansion ». Des histoires de conflits internes, de management toxique. La personne qui le surprend en possession de l’ouvrage le rabroue vertement. « C’était comme de l’ail pour un vampire », raconte Steve. Aujourd’hui, ce dernier craint de se faire harceler, la communauté ayant la réputation de mener la vie dure à ses détracteurs.
Sur ces accusations et d’autres, la direction ne préfère pas s’étendre. Niant catégoriquement tout recours à l’intimidation, celle-ci affirme « tenir des réunions régulières entre collègues, qui sont encouragés à exprimer leurs opinions ». Des propos fortement contestés. C’est que la fronde contre ce « Vatican du New Age » ne date pas d’hier. Entre la fin des années 1990 et le début des années 2000, les critiques contre la communauté s’accumulent. Certains en condamnent déjà les égarements, des méthodes de management à la pratique de la respiration holotropique, sorte de technique d’hyperventilation pouvant mener à des délires transcendantaux, très populaire à l’époque. Au point que certains viendront à s’inquiéter de potentielles dérives et de réels dangers pour les participants. « Je n’ai jamais essayé de drogues, mais je pense que ça y ressemble, confie Steve, affirmant que des sessions avaient lieu régulièrement à Findhorn. On entre dans un état dissociatif. Certains ont dû avoir des problèmes à cause de ça. »

Jack dénonce les risques pour la santé mentale d’une telle situation. Sombrer dans le New Age, c’est souvent se croire tout-puissant sans vraiment l’être. 

Comme ailleurs en Europe et même dans le monde, la culture New Age est souvent vue d’un mauvais œil, en raison de son bric-à-brac idéologique et de son rapide développement économique. Faire payer des cours d’élévation spirituelle, de coaching en énergie rapporte. Gros. Aujourd’hui encore, les dérives complotistes et la médecine alternative ne sont jamais bien loin de ces délires mystiques. Avec, comme porte d’entrée, le rayon « développement personnel » de toute bonne librairie mainstream. Et cela en inquiète plus d’un, dont John Greenaway, rencontré à son domicile. Un vieil homme un peu perdu qui, comme Steve, croit toujours « aux énergies, aux esprits », mais est revenu de son expérience à Findhorn. La fondation est pour lui une bonne idée qui « a tout doucement glissé vers l’occultisme ». Auteur d’un ouvrage sur la communauté, In the shadow of the New Age, cet ancien employé du milieu éducatif y a vécu quelque temps au milieu des années 1970 avant d’en devenir un critique acerbe. Comparant les errements de la communauté à l’hystérie scientologue, celui-ci voit avant tout dans l’éco-village une opération marketing, attirant même de multiples financements publics. « Ils ont poussé le concept jusqu’au ridicule et font payer à leurs membres des tarifs aberrants. Les victimes ignorent tout de leurs techniques de conditionnement. » Comme chez Steve, le discours est confus. Franc-maçonnerie, nouvel ordre mondial, corruption… Le réquisitoire part dans tous les sens, au risque de perdre en crédibilité. Sur la table de son modeste salon traînent de vieux documents liés à la fondation, des livres illustrés de mystérieuses pyramides et des correspondances privées. Un parfum de complotisme embaume la pièce, sans qu’il soit possible d’en saisir précisément la provenance. Une chose est sûre, John considère que la communauté n’est pas claire dans son fonctionnement idéologique : « La fondation n’a rien d’une démocratie ou d’un village. C’est un système dirigiste, oligarchique. »
Si les critiques contre la fondation se sont calmées avec le temps, un certain ressentiment persiste au sein de la population du village, furieuse de voir son nom soit associé à celui d’une communauté « hippie ». Depuis les années 1970, la communauté n’a cessé de s’élargir, rachetant l’ancien l’hôtel de Cluny Hill ainsi que de nouveaux terrains à l’est et au nord. Pour les voisins de l’éco-village, cette expansion continue constitue une forme d’intrusion, doublée d’une attitude hostile. Attablé à un restaurant donnant sur la plage, un quadragénaire grommelle : « Ils ne veulent pas nous voir. Quand on les rencontre dans les dunes, ils se cachent dans les broussailles ! » Pour autant, avoir la crème de la communauté New Age près de chez soi recèle des avantages. Tous les ans, la fondation accueille près de 4 000 visiteurs venus du monde entier pour apprendre à méditer, cuire du tofu bio ou participer à des cours destinés à « explorer l’activisme commercial ».  Alors, évidemment, difficile pour l’économie locale de s’en priver. Sans compter que les villageois ne sont pas tous hostiles à un tel mode de vie. Certains en apprécient le côté fantasque. Comme cette dame, rencontrée sur la baie de Findhorn : « Moi, je trouve que ça amène des gens intéressants. J’aime bien aller y prendre un café de temps en temps. Mais je ne pourrais pas y vivre, il n’y a pas assez d’intimité. »
Un avis rejoint par un religieux officiant dans la région, Jack. Le genre à faire confiance aux scientifiques, ouvert sur le monde. Que des gens s’y plaisent, y trouvent parfois leur bonheur, lui y croit. Leur spiritualité faite de bric et de broc ne l’émeut pas plus que ça. Non, le souci d’après lui, c’est l’argent : « Beaucoup de ces gens sont issus des classes moyennes, bourgeoises. » Pour eux, en cas d’expérience insatisfaisante, sortir le chéquier et s’allonger sur un divan n’est pas un problème. « Mais d’autres, moins solides financièrement, se retrouvent appauvris, endettés. » De quoi créer une dépendance économique et psychologique à la limite du débordement sectaire ? L’organe de prêt local, le Credit Union, confirme filer un coup de main à certains membres, sans vraiment en dire plus. Jack dénonce ainsi les risques pour la santé mentale d’une telle situation. Sombrer dans le New Age, c’est souvent se croire tout-puissant sans vraiment l’être. Sans nommer qui que ce soit, le vieil homme tacle un système « qui ne veut pas se remettre en cause » malgré des tensions récurrentes. La fondation est-elle si néfaste ? Du côté des autorités locales, le secret médical l’emporte. La Forres Gazette, le canard du coin, se refuse aussi à tout commentaire. Rares sont ceux qui osent en parler publiquement, comme Steve Nicholls ou John Greenaway. Si les autorités s’en soucient peu, au fil des années, la fondation s’est tout de même vue affublée d’une belle réputation de communauté « moitié-hippie, moitié-cinglée », dixit le Guardian. On s’en moque volontiers sans nécessairement s’inquiéter de ces apparats sectaires. The Inform, organisme britannique qui étudie les nouveaux mouvements religieux, déclare même « ne pas être en mesure de donner son avis », manquant d’informations récentes sur le sujet.
Pendant ce temps, la Findhorn Foundation poursuit son expansion, un moment freinée par la pandémie. L’arrêt brutal du tourisme en pleine crise du Covid-19 a été dévastateur. « Nous avons perdu du jour au lendemain plus de 80 % de nos revenus, affirme la direction. Avec la fin du chômage partiel, nous avons dû faire des choix difficiles. » C’est-à-dire licencier un peu moins de la moitié des employés. Une situation à en faire dérailler plus d’un, dont Joseph Clark. Après seize ans de bons et loyaux services, celui-ci se retrouve à la rue, sans emploi. En représailles, il a mis le feu. Deux bâtiments emblématiques de la fondation ont disparu un matin d’avril 2021. Silencieux depuis, le quinqua a été condamné à trois-cents heures de travaux d’intérêt général. Par voie de presse, la direction des lieux appelle de son côté à la générosité du public. Un succès. « Comme le phénix, nous renaîtrons de nos cendres », a promis la fondation. ...

Bienvenue à Findhorn, la Mecque du New Age En soixante ans, la Fondation Findhorn, installée dans le petit village écossais du même nom, a attiré des centaines de milliers de visiteurs en quête de sens. Temple spirituel pour certains, la Fondation est accusée de dérive sectaire et de racket par ses détracteurs. Un petit groupe est assis en rond dans le ventre d’une étrange construction en pierre, sorte de champignon à ciel ouvert recouvert de mosaïques aux couleurs vives. Après quelques mots échangés entre les participants, des bougies s’allument, un gong retentit : à 8h30 du matin, la séance de méditation quotidienne commence. Ce n’est qu’au bout d’une demi-heure de silence, uniquement troublé par le bruit du vent dans les pins alentour, que les sexagénaires présents rouvrent les yeux. Encore un peu endormis, les uns et les autres déposent leur coussin de méditation dans la petite extension au toit herbeux fermée d’une porte en bois. Les échanges sont cordiaux, bienveillants. « Bienvenue au pays des hobbits », glousse l’une des membres de l’assistance. C’est vrai qu’à première vue, la Fondation Findhorn semble tout droit sortie d’un roman de Tolkien à l’ère du réchauffement climatique. Cette communauté New Age, l’une des plus vieilles d’Europe, s’est établie sur la côte nord-est de l’Écosse au début des années 1960. Et ressemble aujourd’hui à un petit îlot de paradis écolo. De pimpantes allées serpentent autour de maisons en bois surmontées de panneaux solaires et percées de grandes fenêtres orientées plein sud, certaines sont bordées par des potagers.…

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