L’avenir de la France ? Sa place dans le monde de plus en plus instable ? Sa place dans les révolutions technologiques qui rebattent les cartes économiques ? Sa capacité à conserver une autonomie de décision en maîtrisant mieux ses finances publiques et en faisant des investissements d’avenir ? Sa stratégie pour améliorer les services publics, en premier lieu l’école et l’hôpital, au bénéfice des citoyens ? Ces questions n’ont pas été débattues durant cette campagne présidentielle, la plus décevante de la Ve République.
Certes, les candidats ont énuméré des mesures mais personne n’a pu comprendre quelles étaient leurs visions respectives pour le pays. La faute à la pandémie de Covid ? La faute à la guerre en Ukraine ? Tous les prétextes peuvent être avancés. La réalité est que le système politique français, que l’on dit à bout de souffle depuis des décennies, est mort. Aucun des deux grands partis ayant structuré la vie politique depuis l’après-guerre n’a produit un travail de réflexion depuis les années 1980. Pire, toutes les formations ou presque ont décidé d’opter pour le marketing politique en ciblant des catégories particulières.
Emmanuel Macron avait compris, en 2017, l’impasse dans laquelle se trouvait le pays. Il a été élu sur la promesse de renouvellement et de transformation de ce système. Il a réussi à éliminer la gauche républicaine puis à affaiblir la droite républicaine : ces deux familles qui ont tour à tour dirigé la France pendant soixante ans ne représentent plus, ensemble, que 6 % des suffrages exprimés ! Tactiquement, c’était bien joué car cela lui permettait d’incarner ce que ses partisans nomment « le camp de la raison » face aux extrémistes. Avec l’assurance, croyaient-ils, de gagner à tous les coups.
Mais la démocratie n’est pas que théorie et calculs tactiques. Elle suppose des débats politiques vigoureux car elle repose sur une alternance entre deux camps, deux visions, pour le pays. Faute d’un débat clair, l’abstention devient massive. Si on établit un affrontement entre un « camp de la raison » et des extrémistes, le risque de voir les extrémistes arriver au pouvoir est certain, puisqu’on en fait la seule force d’alternance. Cela s’est produit aux États-Unis, en Italie et au Royaume-Uni ces dernières années. Comment croire sérieusement que la France ait vocation à être épargnée ?
La campagne pour les élections législatives de juin doit être l’occasion de redonner sa noblesse à la politique, de retrouver le goût du débat sur l’avenir du pays. Cela suppose de revenir à des fondamentaux avec deux camps républicains proposant aux Français deux visions, opposées certes, mais ne remettant pas en cause les bases de la démocratie. Cela demandera du temps mais il faut s’y mettre dès maintenant pour éviter que la France plonge dans un état de guerre civile froide permanent, et pour qu’elle offre de nouveau des perspectives à ses enfants.
