Melody’s Echo Chamber : morceaux choisis

Sophie Rosemont

Après avoir fait ses débuts sous le nom de My Bee’s Garden, Melody Prochet se lance en solo en 2012, cultivant une pop-rock psychédélique évanescente dont on retrouve, dix ans plus tard, la grâce dans son troisième album, Emotional Eternal – enregistré avec les musiciens suédois Reine Fiske et Lars Fredrik Swahn. Entre les langues de Molière et de Shakespeare, réverbe et batterie lancinante, Melody réinvente l’héritage sixties, mais pas seulement… En témoignent ses morceaux choisis, déclinés autour de l’introspection qui mue ses compositions comme celles des autres qu’elle nous présente ici.

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« PRÉLUDE EN DO MAJEUR » Jean-Sébastien Bach
« Bach semble avoir caché une clef de voûte qui ouvrirait la porte du Mysterium de la vie dans ses arpèges, cette porte d’entre deux mondes. Cette pièce résonne d’éternel, j’aime la circularité de sa structure… Je me souviens avoir commencé à étudier l’alto en jouant indéfiniment toutes les suites de Bach – tout était écrit en arpèges – dont je ne réalise que maintenant l’influence dans mon écriture. »

« SA BLEV DET BESTÄMT » Dungen
« J’ai entendu Dungen pour la première fois en 2011 car c’était le groupe sacré et l’influence principale de mon producteur de l’époque. Je n’ai pas tout de suite compris leur musique. Ce n’est que quelques années plus tard que j’en ai saisi la profondeur, la poésie et la beauté. En 2015, nos chemins se sont croisés au festival Lévitation d’Angers. Nos âmes se sont reconnues en un éclair. J’ai déménagé en Suède un mois après pour commencer une nouvelle épopée musicale avec eux. En a découlé ma collaboration avec Reine Fiske et Lars Fredrik Swahn sur Bon Voyage et Emotional Eternal. La musique de Dungen est infusée de grands espaces, de nature majestueuse et épique, de folklore. Ce sont les grands frères de cette vague de retour de la musique psychédélique, et c’est une joie de créer avec eux. »

« PRESENT TENSE » Jonny Greenwood
« Je me souviens avoir découvert la musique de Jonny Greenwood dans ses pièces pour ondes Martenot inspirées par Olivier Messiaen. Elle a été un pont important entre musique classique et alternative, dans l’exploration de la distorsion subtile, les archets de guitares électriques, les glissandos et les accords aussi dangereux que doux. Il a cette capacité à créer des paysages distordus avec tension, beauté organique, abstraite, expressive… Sa musique m’émeut terriblement. »

« VITAMIN C » Can
« Jakie Liebezeit, le beatmaker et batteur de Can, a ce pouvoir de me réveiller d’une certaine apathie. J’écoute plus le silence que la musique ces derniers temps, et, dès que je l’entends, le corps se met à vibrer de joie, presque d’euphorie. Ça rappelle presque des rythmes de transcendance. Le jeu est organique et naturel. D’ailleurs, cette notion enfantine de « jouer » est très présente dans ses explorations sonores… J’aime qu’il s’ancre dans la monotonie du rythme en l’étoffant de surprises avec délicatesse. C’est d’une incroyable virtuosité. »

« BEFORE WE BEGIN » Broadcast
Ma seule et unique chanson sur les troubles politiques de mon pays. Il explique tout ce que j’ai à dire sur le sujet. Mon seul regret est de ne pas avoir mis un peu de piano ou quelque chose d’autre lors du deuxième couplet où les accords sont submergés par la batterie, la basse et les cordes. Mais bon, personne ne s’en soucie sauf moi…

« LE MARTIEN » par Françoise Hardy
« L’album La Question, de Françoise et Tuca, a accompagné deux années inconfortables de ma vie, d’errances parisiennes… Peut-être ai-je pu reconnaître la tristesse et la désillusion que je ressentais dans leur écriture poétique, et me perdre dans leurs paysages mélancoliques d’une beauté aux arrangements lunaires. »

« CLUBE DA ESQUINA » Lô Borges
« Cette musique brésilienne a été une révélation, par la richesse harmonique des accords et la chaleur de la production. On sent le soleil qui brûle la peau, le sel et la misère qui ouvrent à l’expression d’une essence vitale. La communion de ces deux âmes que sont Milton Nascimento et Lô Borges, dans une félicité de jeunesse et d’amour, me touche beaucoup.  »

« ROMANIAN FOLK DANSE » Béla Bartok
« Cet ethnomusicologue et compositeur hongrois a étudié la musique folklorique et les liens entre les cultures. La version de l’orchestre du Danube est magique. Le contraste entre la rigidité et la rigueur des musiciens classiques et la rugosité et la liberté du jeu des instrumentistes folkloriques est d’une harmonie parfaite. Étrangement, c’est la musique que je chantonnais pour nous apaiser quand j’ai donné naissance à ma fille. C’est peut-être ce même lien et cet amour pour le folklore et la nature qui me lient à Reine et Swahn. »

«  SVEFN-G-ENGLAR » Sigur Ros
« C’est la création de la vie, le morceau de rêverie de ma propre famille. Ces archets de guitare électrique créent dans mon esprit des mondes parallèles de nature vierge et protégés de la destruction humaine où j’aime me réfugier. La pochette de l’album représentant un fœtus fait aussi écho à un retour originel. Ce disque a semé des graines de musique ambient pour Emotional Eternal. »

« AC KAPIYI GIR ICERI » Ozdemir Erdogan
« C’est une icône de la musique psychédélique turque des années 1970, avec Selda Bagcan que m’a fait découvrir Reine Fiske. Je ne comprenais pas les paroles, pourtant la musique me touchait profondément. Puis j’ai lu la traduction en anglais : “La solitude erre dans les rues humides de mon cœur, si tu regardes par ma fenêtre embuée, mon monde est complètement noir, si tu savais pourquoi ? Ouvre la porte, entre dans mon cœur qui t’attend / Pourquoi est-ce que je me soucie de ce monde si tu n’es pas à mes côtés ?” »



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