L’élection présidentielle a été marquée par deux éléments principaux au second tour : une abstention massive (28 %) et la présence de l’extrême droite à un niveau jamais vu jusqu’alors (41,5 %). La faiblesse de la démocratie française devient dangereuse car les citoyens sont en état d’insurrection permanente. Comment associer la population à la vie politique, à la vie de la Cité ? Les premiers débats qui ont suivi le scrutin ont porté sur la représentativité du Parlement. Certains ont ressorti l’idée d’imposer le scrutin proportionnel – partiel ou intégral – aux élections législatives. Ne s’agit-il pas d’une solution à courte vue destinée à préserver les intérêts de quelques politiciens ?
La démocratie française souffre de deux maux : son présidentialisme qui confie à un seul homme des pouvoirs exorbitants, et le niveau décevant des politiciens, qui n’ont, pour la plupart, pas d’horizon au-delà de la prochaine échéance électorale.
Le premier mal a été identifié de longue date. La Constitution de la Ve République a été élaborée pour un homme à la stature imposante, le général de Gaulle, à une époque marquée par les guerres coloniales. À la suite de la faillite de la IVe République, il devenait urgent de renforcer l’exécutif pour lui permettre de gérer des conflits qui menaçaient l’unité nationale. Plus de soixante ans plus tard, la situation n’est plus la même. Et un pays ne peut pas dépendre du bon vouloir d’un monarque républicain. Il nous faut sortir du présidentialisme pour choisir entre un régime présidentiel, semblable à celui des États-Unis, et un régime parlementaire, comparable à celui de l’Allemagne. Plutôt que de faire confiance aux hommes, il est temps de remettre les institutions au cœur de la réflexion sur la démocratie. Comme l’expliquait Montesquieu, les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire doivent être égaux, sauf à risquer d’aboutir à un régime absolutiste. La France a un exécutif qui écrase tout, au motif que le président de la République a été élu au suffrage universel direct et qu’il bénéficierait donc d’une légitimité supérieure à celle de tous les autres élus.
Tout en conservant cette élection, à laquelle tiennent les Français si l’on en croit les sondages, un rééquilibrage est indispensable. Dans un régime réellement démocratique, le Parlement doit pouvoir contrôler l’exécutif. Il convient donc de lui donner les moyens institutionnels de tenir tête au chef de l’État. Cela passe par la suppression du droit de dissolution et, partant, par celle du poste de Premier ministre, tout en donnant au Parlement la totale maîtrise de son ordre du jour et la validation de toutes les nominations. Ce sont des mesures cruciales pour favoriser une culture du compromis.
Le second mal, le niveau des politiciens, est plus facile à traiter qu’on le pense. En redonnant sa noblesse à la politique et en revalorisant le Parlement, on fera venir « les meilleurs », qui désertent le service du public depuis plusieurs décennies pour aller dans le secteur privé. Avec un Parlement plus actif, les élus auront le sentiment de servir à quelque chose. Les grands partis n’auront pas d’autre choix que d’abandonner les slogans électoraux pour une réelle production intellectuelle. Tout doit être fait pour renforcer l’implication des citoyens, en particulier les jeunes – 41 % des 18-24 ans s’étant abstenus lors de la dernière présidentielle. Il est plus que temps d’ouvrir les portes et les fenêtres en disant tout simplement aux Français que le pouvoir n’est exercé qu’en leur nom et que sans eux rien n’est possible. Qu’ils doivent s’investir, en se portant candidats aux différents scrutins. Cela peut ressembler à une révolution copernicienne. Mais sans cette nouvelle approche, chaque scrutin continuera d’être un référendum pour ou contre le titulaire du mandat. La France a besoin d’institutions modernisées pour lutter contre les périls qui la menacent à court terme et pour préparer l’avenir de ses enfants afin que personne ne puisse se sentir laissé de côté.