POP
Je me sens ancrée dans la terre, mais aussi dans le ciel » : si Izïa est une chanteuse terrienne, qui habite la scène comme peu d’autres, c’est aussi une jeune femme pour qui la spiritualité a toujours compté. Elle ne craint pas les manifestations mystiques, et, pendant l’enregistrement de son nouveau disque, elle a plusieurs fois ressenti, très fort, la présence de Jacques Higelin, son père. Quand il est décédé, en 2018, elle a été dévastée. En témoignait l’album qui a suivi, Citadelle (2019), où elle chantait, en évoquant leur ville refuge de Calvi : « On dirait que tu danses quand tu marches dans les rues, je me souviens / Tes deux bras tendus qui me soulèvent, Citadelle, je me souviens. »
Aujourd’hui, le bien nommé La Vitesse livre quelques ballades (bouleversantes) mais fait de la pop une multiplicité de possibles sonores up tempo, entre chanson, rock et électro. On entend même de la techno sur « Dehors c’est la vie » ! « J’ai quinze ans de carrière, j’ai enregistré cinq albums, commente Izïa. Je n’ai pas envie de m’enfermer dans une seule catégorie. On me parle du rock, avec lequel je me suis fait connaître… qui n’est autre que la liberté d’être soi, de varier les plaisirs ! Après les confinements, je voulais faire un disque dans la joie, dans la paix… dans le bonheur, en fait. » C’est au sein des studios La Frette qu’Izïa et son complice musical Bastien Burger, également père de son enfant, ont décidé de travailler durant l’été 2021. De grands noms y sont passés, de Nick Cave à Marianne Faithfull, en passant par les Arctic Monkeys : « Tout a été écrit et produit dans cet endroit magique, qui m’a rendue extrêmement prolifique… Des morceaux me sont venus comme s’ils m’attendaient, là, à la Frette. »
Celle qui a reçu le César de la révélation féminine en 2013 apparaît actuellement dans un film Netflix, Loin du périph’, et bientôt en salle dans Le Chemin des pierres, au côté de Jean Dujardin. Mais elle préfère se concentrer sur sa tournée : « Quand on est actrice, on est au service de l’autre, on dépend de son désir… Même si je donne tout ce que j’ai pendant les prises, je ne suis pas l’initiatrice de ma propre énergie, laquelle m’est précieuse pour les concerts. » Car Izïa est une bête de scène qui tourne à guichet complet. Déjà, lors de ses premiers concerts, alors qu’elle n’était pas encore majeure, on se souvient de ses longs cheveux qui s’agitaient, de sa voix étonnamment rugissante, à la Joplin, depuis capable de moult variations. Survenu alors qu’elle commençait à peine à défendre Citadelle sur scène, le confinement a été éprouvant pour Izïa : « J’ai grandi sur scène, je n’ai jamais connu aucune autre vie. En ce moment, je me demande pourquoi je ne me réveille pas dans un tour-bus ! La nuit, je rêve de mes concerts à venir… J’ai besoin de chanter à pleins poumons. »
« En ce moment, je me demande pourquoi je ne me réveille pas dans un tour-bus ! La nuit, je rêve de mes concerts à venir… J’ai besoin de chanter à pleins poumons. »
Et ce titre, La Vitesse ? « Parce que c’est ça, la vie : des grandes prises d’élan et des ralentissements nécessaires ». On a beau danser sur un titre comme « Étoile Noire », la mélancolie demeure. « Je n’arrive pas à faire une musique légère et joyeuse, même si je la veux entraînante ! s’exclame-t-elle. Je n’ai jamais autant parlé à la première personne, et de thèmes universels. Nous traversons tous des détresses similaires. J’ai vraiment ouvert mes tripes pour les poser sur la table… J’avais beaucoup de choses à dire. » Y compris en peu de mots, comme sur « La Vie, L’Amour, La Mort », du nom de l’ouverture, superbe, du disque. « Mon père m’en parlait souvent et je pense qu’il en était terrifié, donc il exorcisait ses peurs avec des morceaux comme “Le berceau de la vie”… Ces trois mots se sont transformés en chanson, elle-même devenue une prière, comme souvent dans mon corpus. » La présence de Jacques Higelin est alors quasi palpable.
Depuis notre première rencontre, Izïa a toujours parlé de son père, assumant son ascendance avec fierté. Parce que ce père iconique et cette petite fille débordante d’émotions ont été longtemps fusionnels : « C’est un amour immense, et quelle chance de l’avoir vécu ensemble. C’est dingue d’avoir pu partager ces moments avec lui, y compris sur scène… On s’est fait la vie royale ! » Royale, titre d’un des morceaux les plus surprenants de La Vitesse, qui devrait, sur scène, prendre encore une autre dimension… Izïa nous offre alors son large sourire communicatif. Comment lui résister ?
Izïa, La Vitesse, Naïve/Believe. En tournée dans toute la France.