Taïwan au temps du Covid

Éric Faye

L’arpenteur K. attend qu’on lui permette d’entrer au Château, où il a rendez-vous. Il patiente très longtemps, en vain… Ce que vit le héros de Kafka, je l’ai connu en espérant deux années durant la délivrance d’un visa pour Taïwan, en vue d’un séjour en résidence d’auteur, sans cesse reporté pour cause de pandémie. Ah, Taïwan, modèle d’efficacité face au Covid-19 ! Et puis, voilà qu’un jour d’avril le visa arrive enfin, lorsque je n’y crois plus. Malgré la quasi-fermeture de ses frontières, Taïwan fait une exception pour moi… Restent deux obstacles à franchir : le test PCR car, s’il est positif, pas de voyage ; et, à l’aéroport, l’épreuve du thermomètre : s’il dépasse 37,5°, pas de voyage… 36,6 ? Ouf ! J’embarque ! Au total, 35 passagers à bord du Boeing, conçu pour huit fois plus. Les hôtesses ont l’air d’infirmières avec leurs combinaisons blanches, leurs visière, masque, gants… Chaque passager a droit à une rangée. Un vrai jet privé !
À l’aéroport de Taipei, est-ce donc la fashion week, ou un bal costumé ? Le comité d’accueil, composé d’étranges cosmonautes bardés de protections, nous oriente vers une salle où nous passons un test PCR rapide. Chacun est appelé par les six derniers numéros de son passeport. Et hop, tendez la narine ! Suit une attente anxieuse, car tout positif est hospitalisé, pour qui sait combien de temps. Rassuré en une heure, je passe à l’étape suivante, obligatoire : acheter une carte SIM taïwanaise afin que la police puisse s’assurer que je ne quitterai pas ma chambre d’hôtel durant les dix jours de quarantaine. Et interdiction formelle d’éteindre le téléphone, car on ne pourrait plus me géolocaliser ! Ensuite, les cosmonautes me dirigent vers un taxi réaménagé pour le transport de pestiférés.

Je peux aller sur le balcon – avec un masque. C’est une chance : au Japon, ceux qui font une quarantaine à l’hôtel n’ont pas le droit d’ouvrir la fenêtre.

À l’entrée de l’hôtel Simple+, la réceptionniste masquée, perdue dans une combinaison, m’asperge de spray. Est-ce la coutume pour accueillir les « longs nez » ? Comme je vais pour faire le check-in, elle me désigne l’ascenseur : « Montez dans votre chambre, vite ! Check-in plus tard, par téléphone ! »
C’est de la chambre que j’écris, au 6e jour de quarantaine. Le cadran et le cordon du téléphone sont enrobés de plastique, tout comme les interrupteurs, pour éviter que mes doigts ne les contaminent. Trois fois par jour, je prends ma température, puis je photographie le thermomètre et envoie par WhatsApp le cliché à la réception. Tous les matins, je reçois un texto du CECC, le centre de contrôle épidémique, me demandant de répondre par le chiffre 1 si je me sens bien, par 2 si je présente des symptômes. Et chaque fois, on me rappelle ceci : « The CECC cares about you. » J’oubliais : le premier jour, un flic m’a téléphoné pour me rappeler les consignes. Il parlait un anglais baroque et répétait qu’il voulait connaître mon « road number ». Comment ? Jusqu’à ce que je finisse par comprendre qu’il voulait dire « room number ».
De tristes plateaux-repas sont déposés à heures fixes devant ma porte, dans le couloir où règne une température glaciale. Je peux aller sur le balcon – avec un masque. C’est une chance : au Japon, ceux qui font une quarantaine à l’hôtel n’ont pas le droit d’ouvrir la fenêtre. De là, j’observe la rue : les passants masqués, les fenêtres grillagées, trois arbres et le salon de beauté Wonderful Jojo ; et surtout, je profite des relents de cuisine. Avant-hier, dans ma chambre 801, l’électricité est tombée en panne. J’ai appelé la réception et un cosmonaute est accouru ; il a fourragé un bon moment dans le faux-plafond avant de me dire qu’il ne pouvait rien faire. On m’a changé de chambre et j’ai pu ainsi bouger…
Et pendant ce temps-là, Taïwan connaît sa première forte flambée de cas. Plus de 23 000 hier, contre une centaine voici un mois. Du jamais vu. Qui sait, lorsque je sortirai de quarantaine, peut-être serai-je le seul humain en bonne santé à Taïwan ? J’aurai alors une semaine d’autosurveillance à effectuer ; rien de bien méchant. Après quoi, je serai… LIBRE !...

L’arpenteur K. attend qu’on lui permette d’entrer au Château, où il a rendez-vous. Il patiente très longtemps, en vain… Ce que vit le héros de Kafka, je l’ai connu en espérant deux années durant la délivrance d’un visa pour Taïwan, en vue d’un séjour en résidence d’auteur, sans cesse reporté pour cause de pandémie. Ah, Taïwan, modèle d’efficacité face au Covid-19 ! Et puis, voilà qu’un jour d’avril le visa arrive enfin, lorsque je n’y crois plus. Malgré la quasi-fermeture de ses frontières, Taïwan fait une exception pour moi… Restent deux obstacles à franchir : le test PCR car, s’il est positif, pas de voyage ; et, à l’aéroport, l’épreuve du thermomètre : s’il dépasse 37,5°, pas de voyage… 36,6 ? Ouf ! J’embarque ! Au total, 35 passagers à bord du Boeing, conçu pour huit fois plus. Les hôtesses ont l’air d’infirmières avec leurs combinaisons blanches, leurs visière, masque, gants… Chaque passager a droit à une rangée. Un vrai jet privé ! À l’aéroport de Taipei, est-ce donc la fashion week, ou un bal costumé ? Le comité d’accueil, composé d’étranges cosmonautes bardés de protections, nous oriente vers une salle où nous passons un test PCR rapide. Chacun est appelé par les six derniers numéros de son passeport. Et hop, tendez la narine ! Suit une attente anxieuse, car tout positif est hospitalisé, pour qui sait combien de temps. Rassuré en une heure, je passe à l’étape suivante, obligatoire : acheter une carte SIM taïwanaise afin que la police puisse s’assurer que je ne quitterai pas ma chambre d’hôtel durant…

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