Passé de la lumière aux coulisses, J2M est toujours là
Jean-Marie Messier a connu la gloire dans les années 1990, puis la déchéance avec son éviction de Vivendi. Aujourd’hui plus discret, l’ancien PDG a renfilé son costume de banquier, travaillant sur une opération à 13 milliards d’euros : la fusion Veolia-Suez.
Le mariage est leur métier, mais pas l’amour. Leurs costumes sont austères, leurs cravates nouées sans fantaisie. À leur poignet, des montres chères mais discrètes, à leurs pieds des Richelieu soigneusement cirées. Les stratégies sont rangées dans des mallettes en cuir, les chiffres ordonnés en colonne. Ce sont les banquiers d’affaires : ils interviennent pour nouer des alliances dans le monde du business, créer de nouvelles sources de richesse et optimiser l’existant – sans jamais s’oublier au passage. Peu leur importe que les OPA soient hostiles ou amicales, que les actionnaires se déchirent et que les salariés soient bouleversés. Ils bataillent dans l’ombre pour que les unions soient fécondes. Tous sont inconnus, tous sont invisibles. Tous, sauf un : Jean-Marie Messier.
Jean-Marie Messier ©Kevdn
Le fils prodigue, qui fut un temps le patron le plus connu de France, est de retour. Depuis ses années flamboyantes à la tête de Vivendi et la déroute tout aussi extraordinaire qui s’est ensuivie, il s’était fait discret. Terminés, les flashs, les tapis rouges, les photos avec des stars du cinéma et le penthouse new-yorkais façon maître du monde à 17 millions de dollars. Cela fait bientôt vingt ans qu’il fait profil bas, refuse les Unes des magazines et évite les soirées trop mondaines, les clubs trop en vue, les événements trop médiatisés. Il navigue sous les radars, invisible, mais en réalité, il est revenu à Paris il y a une douzaine d’années et y a entamé sa remontada personnelle en reprenant son métier d’origine, banquier d’affaires. Épisodiquement, son nom est évoqué au détour d’un paragraphe dans les gazettes financières. On y a d’abord appris qu’il avait créé sa propre banque d’affaires, Messier & Associés, en 2003. Qu’il avait fait alliance avec l’une des stars du secteur, Erik Maris, en 2010, pour fonder Messier Maris & associés. Puis qu’il était intervenu dans le dossier CMA-CGM (Compagnie maritime d’affrètement – Compagnie générale maritime), la même année, au côté de l’armateur marseillais et face à Christine Lagarde, à l’époque où la ministre de l’Économie envisageait de désosser l’armateur alors surendetté. Au fil des ans, les mentions de son nom se sont multipliées dans la presse économique, mais elles ne faisaient qu’affleurer la surface sans y créer de remous : il ne recevait plus la presse, qui n’avait donc que des bribes d’informations à publier. Il était devenu une ombre, une présence. Un souffle. Mais à la fin de l’été 2020, Jean-Marie Messier n’a plus pu se cacher. Banquier conseil d’Antoine Frérot, le président de Veolia, on l’a retrouvé en pleine lumière, au cœur du raid contre Suez. Pendant quelques mois, le public médusé et un peu perdu a assisté à ce psychodrame capitaliste, avec des patrons qui s’insultent par médias interposés, des actionnaires furieux et l’Élysée accusé d’intervenir en sous-marin. Et Jean-Marie Messier, de nouveau sur le ring.
Il est resté le même, avec sa mécanique intellectuelle insatiable et sa délectation pour la victoire arrachée avec les dents.
C’est là que le monde des affaires a compris que Jean-Marie Messier n’avait pas changé. Il était resté le même, avec sa mécanique intellectuelle insatiable, son obsession pour le coup d’avance et sa délectation pour la victoire arrachée avec les dents et sur le fil, à la hussarde. Son silence de plus d’une décennie ne signifiait pas qu’il était à terre, comme on aurait pu le croire, mais simplement qu’il avait décidé de rester en coulisses, avec les armées de banquiers d’affaires, plutôt que de monter sur la scène, aux côtés des patrons. « En réalité, s’il ne parle plus, c’est qu’il considère que ça n’est pas utile à son business, explique l’une de ses amies les plus proches. Il faut toujours chercher le rationnel chez Jean-Marie. » Si Veolia-Suez l’a poussé de nouveau sous les feux de la rampe, il n’a accepté de parler du fond de ce dossier ni à Bastille Magazine, ni à aucun autre média. Mais il n’était à vrai dire pas très difficile à repérer : « Nous avons tous notre signature, une manière de travailler qui nous est propre, décrit un avocat d’affaires reconnu. Lui se distingue par son agressivité dans les stratégies qu’il propose à ses clients. Dans le dossier Suez, par exemple, il n’a absolument pas choisi le chemin d’une transaction négociée. » Philippe Sauquet, retraité du comité exécutif de Total, dont il dirigeait la branche Raffinage-Chimie jusqu’en mars 2021, a longtemps eu recours aux services du banquier Jean-Marie Messier pour le conseiller dans sa stratégie d’acquisitions dans les énergies renouvelables. Il appréciait cette manière très caractéristique de foncer droit devant sans se préoccuper des obstacles : « C’est un iconoclaste, un intuitif, il s’illustre dans des opérations qui font bouger les lignes. Il n’a que peu d’états d’âme quand il faut les mener à bien. » Dans le dossier Veolia-Suez, « il a eu un rôle important dans le choix de la brutalité, à chaque étape du processus, confirme un témoin de la première heure du deal. Ce qui le définit en tant que conseiller, c’est son culte de l’offensive. Il ne se préoccupe pas de compter les victimes après son passage. Certains estiment que cela fait partie de son charme… ».
Il est aisé de trouver Jean-Marie Messier sympathique. Son apparence physique joue pour lui. Les traits de son visage, en rondeur, lui ont permis de conserver un aspect juvénile. Évidemment, il ne faut pas s’y tromper. « Sa sympathie apparente cache une froideur réelle : il se préoccupe beaucoup plus du business que des hommes », confirme Alain Dinin. Le président de Nexity, client fidèle et ami loyal de Messier, réfléchit quelques secondes, avant de rire franchement : « Il ressemble à un gros nounours, il est mignon, il paraît tout gentil. Mais c’est comme un panda ou un ours brun : c’est sympa à regarder, mais ça reste des animaux sauvages ! » Alain Dinin se prépare doucement à quitter la vie active. S’il parle sans fard, c’est qu’il est suffisamment puissant pour ne craindre ni les jugements du Tout-Paris qui n’aime pas Messier, ni ceux de Jean-Marie Messier lui-même, qui a formellement interdit à son entourage de parler à Bastille. Sa volonté a été presque unanimement respectée, signe que son influence reste intacte… malgré tout.
Car il est aujourd’hui de bon ton, dans les cercles économiques et financiers, de mépriser ouvertement J2M. « Je ne parle qu’en bien des gens, c’est pourquoi soit je vous mens, soit je ne vous parlerai qu’en off. Je ne tire pas sur les ambulances », tacle méchamment un homme de pouvoir dont l’influence s’étire sur des décennies et s’étend sur l’intégralité du monde des affaires. Son avis vaut loi, et il est catégorique : « Ce n’est pas un personnage important de la scène parisienne. C’est aujourd’hui un homme seul. » Parmi ceux qui occupaient déjà des postes de pouvoir dans les années 1990, rares sont ceux qui ont oublié la chute de Jean-Marie Messier superstar. « Nous gardons une empreinte rétinienne de sa folie, de sa démesure », assure un témoin de l’époque Vivendi. C’est vrai : Jean-Marie Messier est monté incroyablement haut, avant de retomber en piqué façon crash aérien. Devenu à 39 ans patron de la Générale des Eaux (dont le pôle Environnement est ensuite devenu Veolia), conglomérat de 220 000 salariés qu’il va rapidement renommer Vivendi, il a eu l’intuition de l’importance qu’allait prendre le numérique dans nos vies contemporaines. C’est lui qui a lancé son groupe dans une série d’acquisitions bien ciblées, mais onéreuses : Universal, Canal, Pathé, Seagram… Vivendi se réorganise en deux pôles bien distincts, le divertissement d’un côté, l’environnement de l’autre. Un quart de siècle plus tard, dans un monde dirigé par le numérique et en surchauffe climatique, il est aisé de reconnaître que son intuition était parfaitement juste, mais à l’époque, la stratégie de Messier vire à la catastrophe : l’année 2001 se solde par une perte historique de 13,6 milliards d’euros. Le conseil d’administration ne fait alors pas de cadeau à celui que l’on surnomme alors « J6M » pour « Jean-Marie-Messier-Moi-Même-Maître-du-Monde », et le met à la porte sèchement au terme de six mois de bagarre épuisante et sans aucune pitié. « J’ai le sentiment que l’on a plutôt sanctionné son comportement, le trop grand plaisir qu’il prenait à sa réussite, que sa stratégie et les décisions qu’il a effectivement prises », soupire Alain Dinin. Le 1er juillet 2002, suite à un conseil d’administration en forme de tribunal, c’est la fin du premier acte. Le jeune premier, 45 ans, est chassé.
Il se réfugie dans un premier temps aux États-Unis pour se faire oublier et digérer sa défaite, comme il le racontera dans Mon vrai journal (Balland, 2002) : « Traverser une telle épreuve, c’est dur. Du jour au lendemain, le vide… En étant écœuré, meurtri, culpabilisé vis-à-vis des salariés et des actionnaires. En comprenant qu’un échec assumé renforce et que la seule vraie revanche qui vaille est celle qu’on mène sur soi-même. » Alors il se remet au travail, et revient au métier de banquier d’affaires. Il a débuté sa carrière en 1986, au sortir de l’ENA, comme conseiller technique chargé des privatisations au sein du cabinet d’Édouard Balladur, alors ministre de l’Économie. Mais il a surtout commencé à se faire connaître à partir de 1989 quand il a rejoint la banque Lazard. Pendant les cinq années où il y a travaillé, il s’est révélé brillant. Personne, dans le Tout-Paris de la finance, ne doutait alors qu’il était promis à une carrière exceptionnelle. Le souvenir de cette réussite éclatante lui est certainement revenu en mémoire, alors qu’il se trouvait seul à New York, à l’été 2002. C’est à ce moment-là qu’il a décidé de lancer sa propre boutique, Messier & Associés. En serrant les dents, celui qui était devenu un paria à Paris est allé chercher ses clients un par un. Il avance, sûr du succès à venir. Un de ses anciens collaborateurs, qui le hait aujourd’hui, confirme : « Messier, même avec la jugulaire coupée, il pensera pouvoir survivre ! » Dans Le jour où le ciel nous est tombé sur la tête (Seuil, 2009), publié juste après la crise des subprimes, Jean-Marie Messier assure que cette période l’a changé, qu’il s’est assagi : « J’ai compris que l’on peut être fier sans être arrogant. Que la fierté peut se conjuguer avec l’humilité », y écrit-il.
« Messier, même avec la jugulaire coupée, il pensera pouvoir survivre ! »
Jean-Marie Messier serait donc devenu… modeste ? Le mot fait rire ceux qui le connaissent, quand ils arrivent à faire preuve d’un peu d’humour au sujet de Messier. Les autres, tous les autres, explosent. « Avec le dossier Veolia-Suez, on l’a retrouvé tel qu’aux pires moments de Vivendi, quand il ne prenait même plus Édouard Balladur au téléphone ! Il ne respecte rien ni personne, il est odieux », s’énerve tout rouge un banquier conseil dont la présence est aussi notable dans les dîners en ville que dans les bureaux du CAC 40. Erik Maris, son dernier associé, connu, entre autres très grands succès, pour la fusion Peugeot Citroen (PSA) avec Fiat Chrysler (FCA), devenus Stellantis, n’a jamais caché que sa patience avait été mise à rude épreuve par les rodomontades de Jean-Marie Messier. Un jour, ce dernier a envoyé un mail à tous leurs collaborateurs pour rappeler publiquement à Maris que si une grosse affaire avait été décrochée auprès de Jean-Charles Naouri, le PDG de Casino, c’était en réalité grâce à lui : « Quand je pense que c’est moi qui te l’ai présenté… » Aujourd’hui, Erik Maris ne parle plus à Jean-Marie Messier, et, même s’il a claqué la porte depuis près de deux ans, il ne décolère pas. Après des mois de tensions grandissantes entre leurs deux ego, les deux hommes se sont affrontés sur la vente de 66 % de Messier Maris Partners à Mediobanca, une banque d’affaires italienne, en avril 2019, sur la base d’une valorisation globale de 160 millions d’euros. À l’époque, chacun cherchait à faire virer l’autre. C’est Messier qui a gagné. Exit Maris, donc, et avec lui une grande partie de la renommée de la boutique.
Si l’homme d’affaires s’est fait très discret sur la scène publique, en interne, c’est une autre histoire que l’on entend. « Il se vante d’avoir sauvé CMA-CGM, s’énerve un banquier de Lazard. C’est un mensonge éhonté : c’est François Guichot-Pérère qui a convaincu 80 banques et le FSI de venir à la rescousse en 2010 ! » Un autre consultant, rencontré dans son confortable salon du 7e arrondissement parisien, veut lui aussi minimiser le travail de Messier : « Le vrai artisan du deal Veolia-Suez, c’est David Azéma, de Perella Weinberg Partners. C’est lui qui a structuré toute l’opération. Même s’il est suffisamment élégant et discret pour dire qu’ils ont été complémentaires. » Un confrère et concurrent confirme, exaspéré : « Il prend de la place, ce n’est rien de le dire. On ne peut même pas dire qu’il tire la couverture à lui, parce qu’en fait, c’est simple : il prend tout le lit ! » Ses associés et collaborateurs racontent, eux, les mails incessants d’auto-célébration que Messier envoie à intervalles réguliers pour se féliciter d’un nouveau contrat ou se vanter de la satisfaction d’un client. « Il a de belles qualités, il est tenace, il travaille, il n’a vraiment pas froid aux yeux, mais il a aussi un côté hyper-perso, qui ne partage ni son argent, ni sa stratégie, ni ses recrutements », râle un ancien.
Jean-Marie Messier se défend depuis longtemps de ces accusations. Il a passé des années à tenter de convaincre son entourage, et peut-être lui-même, qu’il n’était pas un cow-boy solitaire, bien au contraire. Dans Le jour où le ciel nous est tombé sur la tête, il affirme même avoir « toujours agi avec enthousiasme pour construire, pour développer, pour entreprendre. Jamais par intérêt personnel ». Cette assurance qu’il n’a aucun intérêt pour l’argent ne semble pas convaincre grand monde. En particulier pas les multiples banquiers, de grand talent pour certains, qui l’ont rejoint pendant quelques mois ou quelques années au sein de Messier & Associés. Tous ceux qui sont partis l’accusent, parfois même devant la justice, de leur devoir de l’argent. « Il ne pense qu’au pognon, il n’a même pas de charity business, il garde toujours tout pour lui », s’agace l’un d’eux. « Son principal talent est de se faire payer des honoraires exorbitants », renchérit un autre. S’il vit simplement, se contentant régulièrement d’une salade de fruits sur un coin de son petit bureau en guise de déjeuner ou allant toujours dans les mêmes restaurants, où il connaît généralement le chef, « il n’est drivé que par l’argent, il est égoïste », assure un troisième. L’homme, qui, depuis son départ de Messier & Associés, a changé de métier, écœuré de « ce monde où l’on gagne trop d’argent par rapport au boulot réellement accompli », se confie le temps d’un trajet de métro, « parce que je préfère le métro, maintenant ». Dans une rame quasi vide, en passant sous le 16e arrondissement, il raconte qu’une fois tous les deux ans, il invite bien tous ses collaborateurs au ski pendant trois jours, « et s’en vante ensuite pendant des mois ».
Avec la fusion Veolia-Suez, Jean-Marie Messier a pris sa revanche. Pas sur le gratin parisien de la finance, mais sur lui-même.
Aujourd’hui, Jean-Marie Messier a 65 ans. Il n’est plus membre d’aucun grand club, ni le Polo, ni l’Interallié, ni le Siècle. « Il reste un nom, garde une influence et son carnet d’adresses, même s’il n’a plus la toute-puissance qu’il avait autrefois », reconnaît Philippe Sauquet. Il assure à ses proches qu’il prend du recul, qu’il est plus posé. C’est difficile à croire : après Veolia-Suez, dont Bruxelles a autorisé la fusion en décembre, finalisant son succès, voilà qu’il a été repéré dans le dossier de la restructuration d’Atos, le géant des services informatiques. L’un des sujets les plus brûlants du début du second quinquennat d’Emmanuel Macron, à cause de sa branche cybersécurité, essentielle en ces temps à la géopolitique tendue et incertaine. Il semble donc toujours aussi actif, alors que certains de ses amis et clients de toujours quittent peu à peu la scène. Stéphane Richard, son ami du temps de la Générale des Eaux, a quitté Orange en mai, suite à sa condamnation dans l’affaire de l’arbitrage frauduleux de Bernard Tapie. Alain Dinin a amorcé son départ de Nexity, tout comme Maurice Lévy, 80 ans, qui a quitté la présidence du directoire de Publicis en 2017. Ses ennemis intimes ont déjà tiré leur révérence : Henri Proglio, l’ancien patron d’EDF qui le détestait, s’est retiré en 2010. Le trio qui a eu sa tête à Vivendi est parti depuis longtemps : Jean-René Fourtou et Henri Lachmann sont à la retraite depuis 2005, Claude Bébéar depuis 2009. C’est la fin de la carrière des grands patrons arrivés au pouvoir dans les années 1980 et 1990.
Messier, lui, est toujours là. Sa « boutique » ne compte plus de grands noms, à l’exception du sien. Fatine Layt, Erik Maris, François Guichot-Pérère, Benjamin Frémeaux, François Roussely, tous ces banquiers influents, puissants, qui ont accompagné l’essor de sa banque, en sont désormais partis. « C’est cela, son vrai échec, soupire, faussement désolé mais vraiment revanchard, l’un de ses anciens collaborateurs. Il n’a pas réussi à monter une vraie équipe de cadors, parce qu’il n’est pas capable de partager la lumière. » Alors qu’il était capable de créer une banque d’affaires de l’influence de Lazard ou de Rothschild, Messier & Associés semble rétrécir lentement. « Après lui, ce sera le néant. Il n’aura rien laissé derrière lui, aucune trace », assure l’un. « C’est amusant, la presse salue son come-back sur la scène parisienne alors que toute la profession murmure que sa boîte va s’effondrer », grince l’autre. Philippe Sauquet, retraité de Total et président de KRéVal, une société de conseil, a lui aussi remarqué ce drôle de jeu de vases communicants, mais il l’explique autrement : « Dès qu’il se montre un peu, dès qu’une de ses réussites devient publique, le torrent d’inimitiés et de jalousies accumulées au moment de Vivendi se déverse de nouveau sur lui, regrette-t-il. Mais il a le cuir épais, ça glisse sur lui. »
C’est bientôt la fin d’un autre acte, peut-être le dernier. Avec la fusion Veolia-Suez, Jean-Marie Messier a pris sa revanche. Pas sur le gratin parisien de la finance, dont il n’a que faire et qui ne lui pardonnera de toute façon jamais ses années folles, mais sur lui-même. Cette revanche dont il parlait avec optimisme, l’évoquant par cette citation de René Char dans Mon vrai journal, « À chaque effondrement des preuves, le poète répond par une salve d’avenir. » Le jour où Suez a dû s’avouer vaincue face à Veolia, un témoin de la scène assure avoir vu Jean-Marie Messier bouleversé, dans un coin de la salle. « C’était la Générale des Eaux qui gagnait sur la Lyonnaise, explique ce discret observateur. Il y avait beaucoup d’émotion en lui. Compte tenu de son passé, ce deal avait beaucoup plus de signification que pour un simple banquier. » Peut-être l’homme mûr de 65 ans a-t-il eu le sentiment, ce jour-là, qu’il avait réparé la blessure faite à l’homme de 45 : il avait survécu. Seul peut-être, mais toujours debout....
Pas encore abonné(e) ?
Voir nos offresLa suite est reservée aux abonné(e)s
Déjà abonné(e) ? connectez-vous !