Les déplacés du Cabo Delgado
Texte et photos Chris Huby / Le Pictorium (2022)
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Texte et photos Chris Huby / Le Pictorium (2022)
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Ravagé par les attaques atroces des djihadistes d’Al-Shabab, le Mozambique voit chaque jour de plus en plus d’habitants tenter de fuir leurs terres. Outre l’insécurité qui règne dans le pays, la famine et l’extrême pauvreté ajoutent au drame en cours.
La région du Cabo Delgado, dans le nord-est du Mozambique, vit depuis 2017 un drame humanitaire sans précédent. Les djihadistes Al-Shabab, affiliés à l’État islamique depuis 2019, y font des ravages. Le nombre d’attaques violentes perpétrées a été multiplié par trois tout au long de l’année 2020 par rapport à l’année précédente. Et malgré l’intervention des différentes armées régionales depuis l’été 2021, le conflit s’enlise. Les militaires rwandais, connus pour leur efficacité, ont beaucoup de mal à affaiblir les insurgés. On parle de guerre asymétrique. Des attentats contre les militaires ont eu lieu vers Macomia en avril et mai 2022. Ce groupe armé terrorise les différentes ethnies tout en menant des attaques coordonnées et simultanées contre des institutions publiques. À ce jour, on dénombre déjà plusieurs milliers de morts. Les insurgés kidnappent les femmes et les enfants. Les femmes sont mariées de force alors que les enfants sont formés pour devenir de redoutables enfants-soldats. Quant aux hommes et aux vieilles personnes, la plupart sont massacrés. Les camps se multiplient partout, de Mueda à Negomano en passant par Montepuez, et Metuge. Les arrivées dans des villes sécurisées sont quotidiennes depuis des années, par bateau, route ou même à pied. À Pemba, chef-lieu de la région et ancienne ville touristique, la situation humanitaire n’a cessé de se dégrader. La population de la ville a doublé. Les déplacés s’entassent sur les plages ou attendent dans des bâtiments réquisitionnés par l’État avant d’être relogés. Les habitants sont totalement dépendants de l’aide humanitaire. Les conditions y sont précaires, entre insécurité, extrême pauvreté et famine. Malgré la libération de Mocimboa en août 2021, les habitants ne peuvent pas rentrer chez eux, la ville est détruite et l’insécurité y est importante. Quant à Palma, également libérée, la crise économique est en train d’exploser. Enfin à Quitunda, la ville « modèle » promue par TotalEnergie avec ses maisons en dur, les locaux sont en train de craquer par manque de ressources. Le nombre de personnes fuyant la guerre est passé de 15 000 fin 2018 à plus de 800 000 en 2022, soit plus de 30 % de la population de Cabo Delgado.
Montepuez / Ntele camp. Ce camp abrite les derniers arrivants de Palma par la route. La plupart sont traumatisés, notamment les femmes qui se sont échappées de justesse. Le mot d’ordre des shababs est simple : ils tuent les vieilles et moches et enlèvent les jeunes. Plus de 20 000 habitants sont encore retenus à Palma.
À Montepuez, des dizaines de déplacés arrivent de Palma depuis le 24 mars 2021, date de l’attaque de la ville par les insurgés al-Shababs liés à l’État Islamique.
Mueda district / Camp de relocation Eduardo Mondlane. À Mueda, les différentes ONG, aidées par le gouvernement, ont réussi à installer plusieurs camps convenables.
Negomano / Frontière de la Tanzanie. Le camp de transit à coté du village accueille quelques centaines de déplacés qui reviennent de Tanzanie dans des conditions très précaires. La plupart manquent de soins et de nourriture.
Le Cabo Delgado est une région multi-ethnique, très riche en ressources (rubis, or, diamants, gaz) dont la population ne profite pas.
Quitunda. TotalEnergie étant parti du Mozambique, le chantier est à l'abandon, laissant les habitants se débrouiller seuls. La plupart n’ont pas à manger.
Camp de déplacés Deslocados de 25 junho. Des femmes expliquent leur situation dans les camps, elles subissent pressions et violences de la part des hommes. C'est un tabou compliqué à lever. Beaucoup de femmes sont en effet obligées de se remarier lorsqu’elles ont perdu leur mari pour trouver un nouveau "protecteur".
Ancuabe. Grâce au UN-FAO (Food and Agriculture Organization), et à l’État, certains déplacés parviennent à cultiver les lopins de terre qu’ils obtiennent.
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