Une mécène envoûte la ville d’Arles
La Suissesse richissime Maja Hoffmann multiplie les investissements et étend son influence dans la ville d’Arles, attirant louanges et critiques. Si certains saluent ses nombreux projets, d’autres s’inquiètent de la gentrification de la cité.
Tous les trois ans depuis 1930, la bonne ville d’Arles élit sa reine. Commune de France la plus étendue, cette sous-préfecture des Bouches-du-Rhône (50 000 habitants) perpétue ses rituels folkloriques et revendique fièrement son patrimoine, romain ou moyenâgeux. Le 1er mai, on élit donc une jeune femme qui doit savoir « parler provençal, connaître parfaitement les us et coutumes de la ville, s’habiller et se coiffer seule, être née dans le Pays d’Arles et avoir entre 18 et 24 ans ». Mais au pays de Jules César, qui fit de la cité une colonie romaine (en remerciement de l’avoir aidé à conquérir Marseille, détenue par Pompée), on se déchire au sujet d’une autre reine : la milliardaire suisse Maja Hoffmann. Tandis qu’un agent immobilier s’écrie que, justement, « la seule personne qui a fait plus qu’elle pour la ville, c’est César ! », d’autres s’agacent de l’emprise croissante de la mécène sur la cité provençale. Aux yeux de ses contempteurs, la dame aux yeux verts prendrait beaucoup trop ses aises…
Maja Hoffmann est née en 1956 à Bâle, en Suisse. Elle parle allemand, suisse alémanique, anglais et français. Riche, très, elle ne déteste rien tant qu’être réduite à son seul statut financier. Pour les Arlésiens, elle est « la milliardaire ». « Ça la blesse vraiment », confie une de ses amies. Mais les chiffres parlent d’eux-mêmes : héritière, avec son frère et sa sœur, des laboratoires Hoffmann-La Roche (qui commercialisent notamment le Valium, le Lexomil et le Tamiflu), première entreprise pharmaceutique mondiale en termes de chiffre d’affaires, elle est à la tête d’une fortune personnelle qui s’élève à plusieurs milliards d’euros. Il y a tout juste un an, en juin 2021, Maja (comme l’appellent ceux qui la fréquentent ou prétendent la connaître) a connu son heure de gloire avec l’inauguration, à Arles, devant la presse du monde entier, de l’œuvre d’une vie : la Fondation Luma (acronyme créé avec les lettres des prénoms de ses deux enfants, Lucas et Marina), un lieu d’exposition, de conservation d’œuvres (notamment des fonds photos d’Annie Leibovitz ou Nan Goldin) et de débats, installée sur l’ancienne friche des ateliers de la SNCF. Abandonnés durant des années, elle les a rachetés à l’État pour dix millions d’euros avant de rénover magnifiquement l’ensemble des bâtiments industriels et de faire sortir de terre un très beau parc d’une quinzaine d’hectares, ouvert au public. Et, surtout, de faire bâtir par la star des architectes, Frank Gehry, une tour argentée de 56 mètres de haut, visible à des dizaines de kilomètres à la ronde. L’œuvre est inspirée des autres créations du maître nord-américain à Bilbao, Los Angeles ou Paris. On l’aime ou on la déteste mais, comme les arènes romaines ou le théâtre antique, la tour Luma est devenue un des emblèmes de la ville, attirant des centaines de milliers de visiteurs dès la première année.
Pour ce faire, Maja Hoffmann a dépensé des centaines de millions d’euros, uniquement sur ses fonds propres. Quand on lui demande pourquoi Arles, elle répond : « Je n’ai pas choisi Arles, c’est Arles qui m’a choisie » (AFP, 2021). Il faut dire que son histoire avec la cité antique n’a pas attendu 2021. Son père Luc, l’un des cofondateurs du WWF, fut un ornithologue de réputation mondiale qui consacra sa vie à la préservation de la Camargue, administrativement rattachée à la commune d’Arles. Le delta du Rhône lui doit la convention internationale sur la protection des zones humides, ratifiée en 1971 par 169 pays. L’héritier de Fritz fut aussi l’un des inspirateurs du Parc naturel régional de Camargue, achetant des terres avoisinantes et un mas, la Tour du Valat, transformant peu à peu ses 2 600 hectares en station biologique. C’est ici que Maja a grandi avec son frère, André, et sa sœur aînée, Vera Michalski-Hoffmann, qui dirige aujourd’hui le groupe d’édition Libbela, dont les éditions Buchet-Chastel et Fleurus constituent les fleurons. La famille vivait depuis longtemps en Provence quand Daria Razumovsky, authentique comtesse russe, fit un aller-retour en Suisse pour accoucher avant de revenir à Arles. C’est ici que Maja Hoffmann suit toute sa scolarité. Elle s’inscrit ensuite à l’université de Montpellier en biologie, mais arrête ses études au bout de quelques années. C’est qu’une autre Maja veillait sur elle, sa grand-mère, une sommité du monde de l’art, amie des plus grands, comme Picasso, Georges Braque, Fernand Léger, Paul Klee dont elle collectionnait les chefs-d’œuvre. À la naissance de Maja, Jean Cocteau adressa un mot de félicitations à sa mère…
À New York, chaperonnée par sa grand-mère, la jeune Maja, âgée d’une vingtaine d’années, fréquente Jean-Michel Basquiat, Julian Schnabel, David Bowie. Andy Warhol prend des photos de la très belle jeune femme et veut peindre son portrait. « J’ai dit non, je n’avais pas besoin d’un portrait. Quelle idiote j’ai été ! » Elle aura ses deux enfants avec le producteur de cinéma américain Stanley F. Buchthal et décidera de consacrer, elle aussi, sa vie à l’art, devenant l’une des mécènes les plus importantes au monde, siégeant aux conseils d’administration de la Tate Modern à Londres, de la Biennale de Venise, du Palais de Tokyo à Paris, finançant le New Museum à New York – dirigé par Lisa Philips qui la qualifie de « productrice la plus importante au monde dans le domaine de l’art ».
À Arles,
les mauvaises langues affirment que c’est la ville qui serait l’objet de sa convoitise...
Un très beau livre recense les différentes propriétés de Maja Hoffmann à travers le monde : en Suisse, à Bâle mais aussi son chalet de Gstaad, racheté à Liz Taylor et Richard Burton, son loft à New York, son hôtel particulier dans le so chic quartier de Mayfair à Londres, sa villa des Caraïbes, sur l’île Moustique… Et, à Arles, sa magnifique bâtisse, ceinte de hauts murs, en toute discrétion. Mais ici, les mauvaises langues affirment que la dame ne s’est pas contentée d’acheter une propriété. Ce serait la ville (du moins le cœur historique, dont une bonne partie est classée au patrimoine mondial de l’Unesco) qui serait l’objet de sa convoitise. D’où la transformation des anciens ateliers de la SNCF, la création du domaine de onze hectares et l’édification de cette tour qui transforme la ville à jamais et cristallise les tensions. Et l’acquisition d’hôtels, de résidences d’artistes, de restaurants, de boutiques, et même une ancienne clinique... Dans le mouchoir de poche que constitue le centre historique, Maja Hoffmann possède l’hôtel Nord-Pinus, situé sur la plus emblématique des places (celle du Forum) l’Arlatan, à deux pas de là, qui tombait en ruines et qu’elle a entièrement fait rénover, le Cloître et son restaurant, et la Chassagnette (une étoile Michelin) à vingt minutes du centre en allant vers la mer. Elle préside également la Fondation Van Gogh et siège au conseil d’administration des Rencontres de la Photographie. Trop pour une seule femme ? « Au niveau immobilier, elle est boulimique. Elle veut toujours plus et laisse très peu de place aux autres, même si on a l’impression que sa furie immobilière est aujourd’hui apaisée », remarque Éric Besatti, le rédacteur en chef de L’Arlésienne, belle revue d’investigation et de reportages, à la liberté de ton assumée. Françoise Nyssen, ancienne ministre de la Culture et actuelle présidente du directoire de la maison d’édition Actes Sud, implantée à Arles, dit l’apprécier mais confirme : « Il est vrai que ses projets irriguent au-delà de Luma et au-delà d’Arles. Elle s’insère de plus en plus dans la vie d’Arles et le Parc des Ateliers, qu’elle a rénové pour y installer sa Fondation, est une merveille, un enchantement. Mais je dirais qu’il faut que la ville soit aussi en capacité de jouer son rôle de régulation. Maja veut être au cœur de nombreux projets… » Par le passé, Françoise Nyssen et son mari, Jean-Paul Capitani, puissant propriétaire foncier qui détenait une partie du parc sur lequel la Fondation a été érigée, ont voulu s’entendre avec la Suissesse. En vain : Capitani a fini par vendre. Il est souvent compliqué de travailler avec Hoffmann. Ou sur elle : jugeant désobligeant le titre d’un article sur elle, publié dans L’Obs, elle a exigé sa modification sur le site web de l’hebdomadaire.
La revue L’Arlésienne égratigne souvent les puissants qui, d’une manière ou d’une autre, gouvernent la ville : le couple Nyssen-Capitani ; le maire Patrick de Carolis, ancien présentateur et producteur de l’émission Des Racines et des Ailes puis PDG de France Télévisions ; et bien sûr Maja Hoffmann. À son sujet, L’Arlésienne a même créé un jeu de société, le Majapoly, directement inspiré du fameux Monopoly. « Pour jouer, entrez dans la peau de Mme Hoffmann. Vous faites partie des plus grandes fortunes mondiales, la loi du marché immobilier vous place au-dessus de toute concurrence. Il faut juste attendre les opportunités. (…) Vous aimez acheter, retaper et inviter. Vous aimez aussi ce qui a une histoire et ce qui prend de la valeur avec le temps. Arles est votre plateau de jeu. » La Suissesse, qui a organisé ici de grandes rétrospectives (Annie Leibovitz, Gilbert & George…) ou invité en résidence le danseur Benjamin Millepied, se défend pourtant de toute volonté d’hégémonie ou de folie des grandeurs : « Je ne tiens pas spécialement à posséder, ce n’est pas mon but dans la vie. » Elle réfute toute volonté spéculative, dans l’immobilier comme dans le domaine de l’art. « L’art contemporain revêt un aspect “terrain de jeu” pour les puissants. Moi je m’intéresse aux artistes, pas à la valeur commerciale de l’art. » Sans elle, l’hôtel Arlatan, sublime bâtiment historique du XVIIe siècle, abandonné depuis des années, n’aurait jamais pu renaître de ses cendres. Sans elle et la tour de Gehry, il y a fort à parier que le New York Times, le Daily Mail ou Time Out n’auraient pas classé la cité provençale parmi le top des destinations dans le monde. Dans une ville longtemps frappée par un chômage massif, fortement désindustrialisée et qui vit essentiellement du tourisme et de la culture (grâce à Luma, aux éditions Actes Sud et aux Rencontres de la Photographie, plus grand festival photo au monde), Hoffmann a créé des centaines d’emplois stables dans l’hôtellerie et la restauration, et suscité des embauches dans les entreprises locales sollicitées pour les chantiers. Mais même cela en agace certains. « Qu’est-ce qu’on promet comme avenir professionnel aux jeunes Arlésiens ? s’inquiète Mohamed Rafaï, élu socialiste d’opposition au conseil municipal. D’être femmes de chambre ou serveurs dans les établissements de Mme Hoffmann ? Notre crainte, c’est que la ville devienne un musée à ciel ouvert, avec des habitants contraints à l’exil par la flambée des loyers. Comme je l’ai dit au conseil municipal, je ne veux pas que la ville devienne le 21e arrondissement de Paris. »
Maja Hoffmann réfute toute volonté spéculative, dans l’immobilier comme dans le domaine de l’art.
Un homme est souvent pointé du doigt quand on évoque les libertés dont bénéficie Hoffmann en ville. Il s’agit de l’ancien maire communiste, Hervé Schiavetti, élu de 2001 à 2020, connu pour avoir, assure-t-on, dit amen à toutes les demandes de la milliardaire… ce dont il ne se cache guère. Un brin provocateur, il donne même rendez-vous au Drum, le très beau bar design logé au pied de la tour Luma. « J’ai toujours considéré que c’était une chance incroyable pour notre ville d’avoir été choisie pour ce projet, cette Fondation et ce geste architectural fort, dont on parle dans le monde entier », assure-t-il. À ses yeux, Maja Hoffmann, avec qui il s’est toujours entendu à merveille, n’a rien d’une diva. Mais tout d’une visionnaire. « Depuis qu’elle l’a emmené aux États-Unis, où il n’était jamais allé, pour rencontrer Gehry, il a des étoiles plein les yeux ! » ironise une connaissance de l’ancien maire.
Les choses ont-elles changé avec l’arrivée à l’hôtel de ville de Patrick de Carolis en 2020 ? Un peu. Rien de très violent, pas de clash, mais une prise de distance et une relation, disons, moins amicale. « Avec le temps, j’essaye de comprendre le personnage, explique le maire. Je pense qu’elle est réservée, timide, perfectionniste. Son amour de la ville est sincère et je le partage, évidemment. Et elle a parfaitement raison de dire qu’elle est arlésienne. Sa famille a beaucoup apporté et continue de le faire. Elle est aussi persévérante. Quand elle prend un lieu, elle le sublime. » Croit-il aux soupçons qui pèsent sur elle, cette acquisition à marche forcée de la ville tout entière ? « Non, je n’y crois pas. Elle essaie plutôt d’être un laboratoire d’idées, elle est dans une quête de compréhension du monde tel qu’il est et tel qu’il va advenir. Après, c’est quand même le maire qui gère la ville. J’ai mis des règles. La ville c’est la ville, le privé c’est le privé. » Lui a-t-il déjà dit non ? « Oui, une fois. Mais je ne vous dirai pas à quel sujet. » Visiblement, il s’agirait d’une histoire de parking et d’un accès à sa Fondation que la mécène souhaitait voir fluidifié aux frais de la commune. « Je veux dire que c’est une chance formidable de l’avoir ici, reprend Patrick de Carolis. À condition de savoir mettre à profit tout ce qu’elle apporte. »
À vingt minutes en train en allant vers le nord, nombreux sont les commerçants qui envient la voisine du sud. Deux fois plus peuplée qu’Arles, siège de la préfecture du Vaucluse, Avignon souffre pourtant de l’exposition médiatique de sa rivale. Ce restaurateur connu lève les yeux au ciel : « Si les Arlésiens ne veulent pas de Maja Hoffmann, qu’ils nous la donnent. Ces gens sont fous. Une bonne fée s’est penchée sur leur berceau et ils trouvent le moyen de dire du mal d’elle… Ils ne se rendent pas compte de leur chance ! » À Nîmes, à vingt minutes d’Arles en allant vers l’ouest, même rengaine. La préfecture du Gard (155 000 habitants) ne parvient pas à rivaliser avec sa petite voisine en termes de notoriété internationale et d’attrait touristique. « Je ne devrais pas vous le dire mais ici, nous n’arrivons pas à faire séjourner les touristes aussi longtemps qu’à Arles, confie un élu. Parce que Arles a très vite joué la carte du classement au patrimoine mondial de l’Unesco, avec succès. Et parce que Arles, au-delà de l’indéniable succès des Rencontres Internationales de la Photographie, bénéficie de l’incroyable exposition médiatique de la tour de Frank Gehry et de la Fondation Luma. Et ça, les Arlésiens ne le doivent qu’à Maja Hoffmann. »
Durant l’été 2021, malgré la situation sanitaire, la ville a accueilli bien plus de visiteurs que l’année précédente et même qu’en 2019, avant l’apparition du Covid. « Le mois d’août a été particulièrement exceptionnel », précisait l’année dernière Jean Lavastre, président de l’Union locale des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie. La fréquentation des monuments, des musées et de la Fondation Luma a dépassé les prévisions. Mais à quel prix pour les habitants ? Comment penser que la gentrification en cours dans cette ville chérie des médias et des touristes n’est pas, en partie, de la responsabilité de Maja Hoffmann ? Dans certains quartiers recherchés, jadis populaires, on estime que les prix ont flambé de 30 % en cinq ans. « L’attractivité d’Arles existait avant elle, reprend Mohamed Rafaï. L’été, il y a tellement de monde qu’on n’arrive pas à marcher. Je ne dis pas qu’elle a provoqué la hausse des prix de l’immobilier, mais elle l’a accélérée. Par ailleurs, la culture doit être le résultat d’une volonté publique. Or, ici, c’est vraiment trop déséquilibré, le privé a bien trop largement pris le dessus. Pour moi le problème est que les pouvoirs publics auraient dû agir pour que, dans notre propre ville, nous ne devenions pas des figurants déguisés en Provençaux pour amuser les touristes. On a aussi envie de dire au maire, qui fait de beaux discours : “Tu proposes quoi comme politique culturelle ?” » Quand il parle de la tour Luma, Rafaï dit : « Là-bas »… Le journaliste Éric Besatti le rejoint dans sa critique : « Il fallait un accompagnement plus important de la municipalité, notamment pour délimiter les contours de son action. Mais l’ancien maire ne l’a pas fait, il s’est contenté de lui dire oui. Maja Hoffman est légitime et sincère, elle a sans doute envie de bien faire, mais elle peut se montrer, disons... maladroite. » Et gourmande.
On leur oppose à tous deux que la mécène helvético-provençale, qui finance par ailleurs l’organisation de défense des droits humains Human Rights Watch, à New York, s’implique dans des actions sociales ou avec des écoles. Que l’association Petit à Petit, qui regroupe les chefs de ses restaurants, intervient dans les quartiers populaires situés face à la tour de Gehry, donnant des cours gratuits de cuisine, aidant les mères isolées, proposant des contrats de travail. Une saine initiative mais qui demeure une goutte d’eau aux yeux de beaucoup. On ajoute que l’accès à la tour est pour le moment gratuit, qu’elle invite les habitants chaque année lors des Luma Days, quelques journées de rencontres organisées dans la tour, ouvertes au public et destinées à réfléchir ensemble. Au menu de la dernière édition, en septembre 2021, « Recomposer : itinéraires pour des mondes possibles. » Mais là encore, rien ne convainc vraiment les sceptiques. « Elle n’arrête pas de dire que pour elle, la ville est un laboratoire, reprend Mohamed Rafaï. Mais moi je n’ai aucune envie de servir de cobaye à ses expériences. Je suis désolé mais tu as l’impression qu’elle pense être indispensable à notre ville. Que Arles, à ses yeux ou aux yeux des gens qui l’entourent, est belle, certes, mais peuplée de gueux ayant absolument besoin de son aide. Or ce n’est pas le cas. »
Ils sont rares ceux qui osent, ouvertement, critiquer Maja Hoffmann. Qui dit qu’ils n’auront pas besoin d’elle, un jour ?
Ils sont rares celles et ceux qui osent, ouvertement, critiquer Maja Hoffmann. Qui dit qu’ils n’auront pas besoin d’elle, un jour, pour leurs restaurants, leurs bars, leurs galeries d’art, leurs boutiques ? Or, la dame et ses équipes ont la mémoire longue. Il faut donc n’avoir aucun intérêt en commun, aucune crainte de représailles pour dire ce qu’une partie de la population pense de la bonne fée. Comme Françoise Lacroix, l’épouse de Christian Lacroix, le couturier, natif d’Arles : « Maja aurait mieux fait de construire des hôpitaux comme les Rothschild. Je le lui ai dit, sans mâcher mes mots : “Ta tour est une image dans laquelle tu te reflètes. De l’onanisme. Un geste non communicable dont toi-même tu as du mal à expliquer le sens.” De plus, cet édifice est à peine regardable. Vu de dos, je le trouve même épouvantable » (Vanity Fair, 2019). Ou comme Éric Besatti : « Ici, on manque d’éducateurs spécialisés, d’argent, de moyens. Ce qu’elle fait pour les autres reste cosmétique, c’est presque indécent. Les Luma Days, sur le papier, c’est intéressant. Mais c’est un peu hypocrite : tu décides de la programmation, de qui vient, sans le moindre égard pour le tissu associatif. Maja Hoffmann a certes créé plus de 300 emplois, personne ne peut le contester. Mais c’est comme si elle voulait façonner la ville à son image. » Ou comme si l’argent pouvait tout autoriser....
Pas encore abonné(e) ?
Voir nos offresLa suite est reservée aux abonné(e)s
Déjà abonné(e) ? connectez-vous !