Un grain de folie

Clément Bénech

N’entendez-vous pas cette petite musique qui monte ? « J’avoue que moi aussi… » vous souffle-t-on dans les dîners. « Cela fait un an, peut-être deux », vous glisse-t-on au bureau, entre deux portes. « À mon âge, je me croyais tirée d’affaire », confesse encore cette trentenaire aux pommettes rougissantes. Mais de quoi causent-ils donc tous ? De l’allergie au pollen, bien sûr ! Le Parisien en faisait récemment sa Une, comme plusieurs titres de presse régionale qui sonnent le tocsin. Eh oui : concerts de toux, de reniflements et d’éternuements sont de saison – comme si l’été ne voulait pas laisser à l’hiver le monopole du nez qui coule –, et ce n’est pas la fin du port du masque qui va arranger les choses ni soulager les muqueuses. En France, ces pollinoses ont doublé en vingt ans, et il semblerait par-dessus le marché que le réchauffement climatique contribue à allonger la saison pollinique… 
Rappelons un peu ce qui se passe. Le pollen, c’est ce grain microscopique, de 5 à 250 micromètres, émis par une étamine (l’organe mâle d’une plante). Quand ce voyageur va entrer en contact avec le système immunitaire d’une personne allergique, celui-ci va réagir de façon excessive afin de congédier le gêneur supposé – comme un cabot aboie contre un pauvre facteur. Mais surgit alors une question pressante : comment notre espèce – celle qui a quand même inventé l’agriculture, bâti la cathédrale de Reims et créé TikTok, rappelons-le –, après des millions d’années d’évolution et de cohabitation avec les arbres et les fleurs, peut-elle encore souffrir de leur compagnie au point d’être fichue par terre par leurs spores infinitésimales ? Car la graminée brasse large, et terrasse jusqu’au malabar. Et si nous avons la chance, à Paris, de bénéficier d’une mairie qui a la tronçonneuse facile dès qu’elle voit un arbre trop bien portant (et dès lors susceptible de disséminer ses poisons invisibles), la plupart des Français doivent cohabiter malgré eux avec ces empêcheurs de vivre que sont les feuillus et les résineux – le pin étant un des principaux malfaiteurs. 
Tout humains que nous sommes, nos moyens sont modestes pour lutter : nous bétonnons à tout-va pour faire bouclier entre ces gamètes sans flagelle et nos terres fécondes ; nous vaporisons, ratissons, épongeons nos pare-brise ; nous élaguons, tondons et traitons. Mais les pollens ont la peau dure et nos bras paraissent malingres au regard de leur empan. Demeure une solution, peut-être radicale : auto--sélectionnons-nous. Oui, nous, les morveux, les yeux qui pleurent, nous les toux sèches, les gorges raclées, admettons nos responsabilités et cessons, tout simplement, de nous reproduire. Prenons acte du dysfonctionnement, et, pour échapper à la cécité de l’évolution – ce mécanisme qui agite les autres espèces, qui pour leur part n’ont ni écrit Le Monde comme volonté et comme représentation ni établi un record de hot-dogs mangés en une heure –, hissons-nous au-dessus de notre condition et coupons le mal à la racine. N’est-ce pas faire une fleur au monde, que de lui épargner ces humains qui font un monde d’une fleur ? ...

N’entendez-vous pas cette petite musique qui monte ? « J’avoue que moi aussi… » vous souffle-t-on dans les dîners. « Cela fait un an, peut-être deux », vous glisse-t-on au bureau, entre deux portes. « À mon âge, je me croyais tirée d’affaire », confesse encore cette trentenaire aux pommettes rougissantes. Mais de quoi causent-ils donc tous ? De l’allergie au pollen, bien sûr ! Le Parisien en faisait récemment sa Une, comme plusieurs titres de presse régionale qui sonnent le tocsin. Eh oui : concerts de toux, de reniflements et d’éternuements sont de saison – comme si l’été ne voulait pas laisser à l’hiver le monopole du nez qui coule –, et ce n’est pas la fin du port du masque qui va arranger les choses ni soulager les muqueuses. En France, ces pollinoses ont doublé en vingt ans, et il semblerait par-dessus le marché que le réchauffement climatique contribue à allonger la saison pollinique…  Rappelons un peu ce qui se passe. Le pollen, c’est ce grain microscopique, de 5 à 250 micromètres, émis par une étamine (l’organe mâle d’une plante). Quand ce voyageur va entrer en contact avec le système immunitaire d’une personne allergique, celui-ci va réagir de façon excessive afin de congédier le gêneur supposé – comme un cabot aboie contre un pauvre facteur. Mais surgit alors une question pressante : comment notre espèce – celle qui a quand même inventé l’agriculture, bâti la cathédrale de Reims et créé TikTok, rappelons-le –, après des millions d’années d’évolution et de cohabitation avec les arbres et les fleurs, peut-elle encore souffrir de leur compagnie au point d’être…

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