Le MOT DE L’ÉDITEUR #HS01

William Emmanuel

Son nom est inconnu des générations actuelles. Pourtant, tout le monde, ou presque, connaît ses mélodies. Il suffit d’écouter les premières notes et paroles :

Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines ?
Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu’on enchaîne ?

Et bien sûr celles-ci :

Les Allemands étaient chez moi
On m’a dit résigne-toi
Mais je n’ai pas pu
Et j’ai repris mon arme

« Le Chant des partisans » et « La Complainte du partisan » sont immédiatement identifiables. Ces deux chansons emblématiques de la Résistance française durant la Seconde Guerre mondiale doivent beaucoup à Anna Marly, qui en a composé la musique et qui les a interprétées. Elle est l’auteure des paroles russes de la première, dont Joseph Kessel et Maurice Druon, rencontrés à Londres, lui proposeront l’adaptation française, qu’elle a adoptée alors qu’elle avait réalisé sa propre traduction. Quant à « La Complainte du partisan », Emmanuel d’Astier de la Vigerie a composé un poème après avoir entendu sa rengaine. Leonard Cohen en fera, dans les années 1960, un succès international, chanté en français et en anglais.

Si Anna Marly a été décorée de la Légion d’honneur en 1985, on peut regretter qu’elle ne bénéficie pas d’une plus grande reconnaissance. À peine une place et une rue dans toute la France. Car quel destin ! Et quelle inspiration pour les combattants de la liberté ! Cette grande dame mérite amplement sa place au Panthéon.

Née Anna Betoulinskaïa, à Petrograd en 1917, pendant la Révolution russe, elle arrive en France au début des années 1920 avec sa mère et sa sœur. À 13 ans, elle reçoit une guitare, se forme aux côtés de Sergueï Prokofiev, un proche de sa famille, et trouve sa vocation. Elle sera aussi danseuse, intégrant les ballets de Monte-Carlo. Cherchant un nom de scène, elle trouve le patronyme Marly dans l’annuaire et se produit dans des cabarets. Quand arrive la guerre, elle part. En mai 1940, elle gagne l’Espagne puis le Portugal avant de rejoindre Londres, où elle devient cantinière au quartier général des Forces Françaises Libres. À ses moments perdus, elle sort sa guitare. Ceux qui l’entendent sont touchés. Comme dira le général de Gaulle après la guerre, elle « fit de son talent une arme pour la France ».

Dans les rares témoignages existants, Anna Marly explique simplement comment les deux chansons « cousines » sont nées. La nostalgie de la France, de la liberté, lui a inspiré des rengaines qui ont convaincu de grands écrivains d’y associer leurs mots. 

Cette alliance, motivée par la foi, c’est-à-dire la confiance absolue en un avenir meilleur, a touché l’âme des Français, qui ont fait des deux chansons des hymnes à la liberté. À l’humilité aussi car le combattant de la liberté ne fait rien d’autre que son devoir.

Le vent passe sur les tombes
La liberté reviendra
On nous oubliera
Nous rentrerons dans l’ombre



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