INTERPOL INTERLOPE ©Lucas-Burtin
INTERPOL INTERLOPE ©Lucas-Burtin

INTERPOL INTERLOPE

Jacques Duplessy

Un tortionnaire à la tête de l’institution policière
Comment les Émirats arabes unis, accusés de tortures, sont-ils parvenus à imposer à la tête de la présidence de l’organisation internationale le chef de leur police, nommément cité dans plusieurs dossiers troublants ? Enquête.
Quand j’ai appris que Ahmed Nasser Al-Raisi était candidat à la présidence d’Interpol, ça a été un choc », raconte Ali Issa Ahmad. Ce jeune ressortissant anglais a vécu l’enfer dans les prisons des Émirats arabes unis, alors que Al-Raisi était inspecteur général du ministère de l’Intérieur, chargé de la police. « J’ai été torturé pendant des jours, victime d’une tentative d’assassinat en prison, la police a refusé d’ouvrir une enquête et maintenant ce même responsable de la police est à la tête de l’organisation chargée de promouvoir la coopération policière internationale, c’est juste fou ! »
L’histoire d’Ali Issa Ahmad évoque un remake de Midnight Express. En janvier 2019, ce fan de foot s’offre des vacances aux Émirats pour assister à la Coupe d’Asie des nations. Supporter du Qatar, il porte un T-shirt floqué du logo de l’équipe. Dans la soirée du 22 janvier, alors qu’il vient de suivre le match Irak – Qatar, il se fait agresser verbalement par un groupe d’hommes qui lui arrachent son maillot. « Ils disaient qu’ils étaient de la police… Je suis retourné immédiatement à mon hôtel et ils m’ont suivi. J’ai eu peur et le lendemain, j’ai décidé de changer d’hôtel. Je me suis aperçu que j’étais toujours surveillé. Je suis resté dans ma chambre toute la journée. Le soir, j’ai décidé d’aller manger près de la plage. » Alors qu’il est au volant de sa voiture de location, deux hommes qui le suivaient le forcent à s’arrêter et montent dans sa voiture. « Ils m’ont lié les mains, mis un sac plastique sur la tête et ont commencé à me battre, à me taillader avec un couteau et à brûler mes vêtements avec un briquet. Ils m’ont dit que s’ils me revoyaient, ils me tuaient. Puis ils sont partis. »
Choqué, il se réfugie dans une station-service et appelle une ambulance. « Une voiture de police est arrivée juste avant l’ambulance. Les agents m’ont interrogé pendant deux heures. Dans l’ambulance, ils ont refusé que l’on m’administre les premiers soins. à l’hôpital, ils m’ont placé sous la surveillance de deux agents en civil. » À son réveil, le cauchemar continue. Dès le matin, les policiers le transfèrent dans un local des services de sécurité où il est à nouveau questionné durant plusieurs heures, avant d’être finalement conduit chez le procureur. Après un nouvel interrogatoire, il est relâché. Mais pas libéré : « Les policiers m'ont ramené à l'hôpital où ils ont demandé au médecin de rédiger un rapport attestant que je m’étais infligé moi-même les blessures. Le médecin a refusé. Ils m’ont alors conduit dans un autre hôpital. Là, un médecin a accepté de produire un faux témoignage. »
La descente aux enfers se poursuit. Ramené dans des locaux des services de sécurité, il est torturé entre le 25 et le 30 janvier. « Les policiers m’ont battu, ils utilisaient aussi de l’électricité, ils m’ont privé d’eau et de nourriture », raconte Ali Issa Ahmad, qui dit souffrir de dépression et de cauchemars depuis cet épisode. « Il voulaient que je signe une confession reconnaissant que je m’étais volontairement mutilé. Ils me disaient : « on peut très bien dire que vous êtes mort dans un accident de voiture ou vous arrêter pour trafic de drogue. » J’ai fini par signer pour qu’on m’apporte de l’eau. » Son calvaire ne s’arrête pas là. Transféré dans un autre bâtiment de la police, il est alors accusé de faux témoignage, inculpé et placé en détention. Enfin autorisé à passer un coup de téléphone, il appelle un ami qui alerte les autorités britanniques. Trois jours plus tard, un représentant de l’ambassade vient le visiter. « Séparés par une vitre épaisse, nous ne pouvions nous parler qu’au moyen d’un téléphone. Convaincu que les gardiens écoutaient, je n’ai pas osé lui raconter tout ce que j’avais vécu. » Placé en cellule avec 18 codétenus, on l’informe qu’il comparaîtra le 11 février devant le tribunal. Dans la nuit du 9 au 10 février, alors qu’il se rend aux toilettes, il est poignardé à l’abdomen dans le noir. « J’ai réussi à m’enfermer dans les WC et à comprimer ma blessure avec du savon. J’y suis resté jusqu’à ce que la lumière du jour revienne. J’ai prévenu l’ambassade et obtenu d’être amené à l’hôpital pour qu’on y soigne ma blessure. Puis on m’a remis en cellule. J’avais peur d’être tué. » Devant le juge, Ali se défend d’avoir fait un faux témoignage, mais il est condamné à quelque 400 € d’amende. Il est libéré le lendemain. « Après un rapide passage à l’hôtel pour prendre mes affaires, je suis parti directement à l’aéroport pour quitter le pays. » Il atterrit le 14 janvier en Angleterre. « Depuis, toutes mes démarches pour obtenir l’ouverture d’une enquête interne sont restées sans réponse. »
Ali Issa Ahmad n’est pas le seul à dénoncer des cas de maltraitances et de tortures infligées par des policiers émiratis. Ni à se heurter au refus de toute investigation par les autorités compétentes. Dès 2014, Gabriela Knaul, alors Rapporteure spéciale des Nations Unies sur l'indépendance des magistrats et des avocats, avait critiqué les « violations » et le « manque de transparence » des tribunaux du pays et appelé les Émirats à « établir un comité indépendant pour enquêter sur toutes les allégations de tortures et de mauvais traitements en détention ».
D’autres cas ont récemment été portés devant la justice. Comme celui de Matthew Hedges, un jeune chercheur britannique venu à Dubaï pour un voyage d’étude de quinze jours. Arrêté par les autorités émiraties pour espionnage en mai 2018, il passe six mois en détention préventive avant d’être condamné à la prison à vie. Quelques jours seulement après le verdict, il bénéficie d’un « pardon » du président émirati. Comme Ali Issa Ahmad, Matthew Hedges raconte avoir été torturé. Lui aussi a demandé, en vain, une enquête indépendante. Rodney Dixon, l’avocat des deux Britanniques, a déposé plainte en France contre les Emirats arabes unis et Al-Raisi, en mai 2021, se fondant sur la compétence universelle des juridictions françaises pour les actes de torture et les crimes contre l’humanité.
D’autres actions judiciaires ont été menées depuis, notamment par l’ONG Gulf Centre for Human Rights qui a porté devant les tribunaux français le cas de l’opposant émirati Ahmed Mansoor, également victime de torture. Point commun avec les deux affaires précédentes, c’est toujours le même homme, Al-Raisi, qui dirige alors la police des Émirats arabes unis, couvrant brutalités, traitements dégradants et actes de torture, et refusant toute enquête sur ces dérives. Ahmed Mansoor a été condamné en 2018 à dix ans de prison pour « atteintes à la réputation de l’État ». Blogueur, poète et militant, il est toujours incarcéré à Abu Dhabi dans des conditions moyenâgeuses : c’est dans une cellule de 2 mètres sur 2, quasiment sans lumière, et pratiquement sans contact humain, sans radio ni télévision, ni même un livre, qu’il est détenu depuis le 20 mars 2017. « Au-delà de 15 jours consécutifs d’isolement, les textes internationaux considèrent qu’il s’agit de torture », rappelle William Bourdon, l’avocat de l’ONG. Tout est prétexte à vengeance de la part des policiers : parce qu’il a refusé de révéler le mot de passe de son compte Twitter lors d’un interrogatoire en décembre 2017, presque tous ces effets personnels lui ont été enlevés par les gardiens. Pendant les mois d’hiver, l’eau chaude a également été coupée ; on refuse de lui servir du thé chaud ; on lui dénie l’accès au réfectoire de la prison. Quand il est autorisé à sortir de sa cellule, la cour de la prison est vidée de tout autre détenu. Selon son avocat, sa santé s’est considérablement dégradée à la suite de ces mauvais traitements.
« Pourtant, malgré la gravité des faits dans ce dossier, où l’on voit bien que le pouvoir émirati cherche à le briser et lui infliger une souffrance aiguë, c’est un véritable parcours du combattant pour se faire entendre, déplore Me Bourdon. Nous avions déposé une première plainte simple en 7 juin 2021 qui a été classée sans suite au 15 septembre 2021. Puis une seconde en janvier, là encore classée trois mois plus tard. Finalement, nous venons de déposer une plainte avec constitution de partie civile, pour qu’un juge d’instruction soit enfin nommé. »
Comment l’homme à la tête d’une telle police a-t-il pu être choisi pour diriger Interpol ? Survenue le 25 novembre 2021, l’élection d’Ahmed Nasser Al-Raisi est le fruit d’une opération savamment orchestrée. Sur le papier, ce flic émirati a un parcours impressionnant, taillé pour ce poste prestigieux. Son site personnel l’affirme, il serait titulaire d’un doctorat obtenu à la London Metropolitan University, d’un MBA de l’université de Coventry, d’un diplôme de management de l’université de Cambridge et d’une licence en informatique de l’université d’Otterbein (Ohio). Après ce brillant cursus universitaire, il est fait état d’un parcours sans faute dans la police pendant une quarantaine d’années. Dans cette hagiographie sans nuances, Al-Raisi est crédité d’avoir « œuvré à la création d'un système de police moderne et très efficace, d'une culture de l'innovation et d'un large éventail de services communautaires, qui ont tous contribué à atteindre les plus hauts niveaux de sécurité dans les Émirats arabes unis. »
Les témoignages sur sa personnalité éminente et son professionnalisme foisonnent sur ce site à la gloire du grand flic. « Travailler avec le major général Al-Raisi a été un privilège et un honneur pour moi. Il a un don avec les gens et une incroyable empathie. S’il est élu à la tête de l’organisation, il sera un président capable de remplir sa charge avec professionnalisme et humanité », ose le commissaire général argentin Nestor Roncaglia, ancien Vice-président du comité exécutif d’Interpol pour les Amériques.
« Quels que soient le parcours et les compétences du général Al-Raisi, ce n’est pas suffisant, s’indigne l’avocat lyonnais Gilles Devers. Ni son comportement passé, ni son éthique personnelle ne semblent avoir été pris en compte. Mais le plus aberrant, c’est que les Émirats arabes unis n’ont pas signé la plupart des textes fondamentaux pour les droits de l’Homme : ni le pacte de 1966 sur les droits civils et politiques, pourtant ratifié par 172 États sur 193, qui proscrit notamment la torture, ni celui sur les droits économiques sociaux et cultuels, ni la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées ! C’est incroyable qu’un pays qui récuse le droit international puisse faire élire un de ses fonctionnaires les plus zélés à la tête d’Interpol. » En 2012, Les E.A.U ont bien ratifié la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants depuis 2012, mais continuent à faire obstacle à toutes les demandes d’enquêtes, même celles émanant de l’ONU. « De telle sorte, conclut Me Devers, que la signature de cette convention reste un habillage politique. »
Cette élection à la tête d’Interpol ne doit rien au hasard : elle est le fruit d’une campagne intense de lobbying, orchestrée par les plus hauts dirigeants de cette puissance montante du golfe persique. Au cœur de cette opération, on trouve le versement controversé d’une somme de 50 millions d’euros. Des ONG de défense des droits de l’Homme et des parlementaires français dénoncent une manœuvre qui s’apparenterait à l’achat de la présidence de cette organisation internationale très sensible. « Interpol, c’est vraiment un cas d’école de la privatisation d’une instance publique », s’inquiète Gilles Devers, l’avocat de AFD International, une des associations à la pointe de ce combat. Cette ONG de défense des droits de l’Homme basée à Bruxelles, s’est intéressée au financement d’Interpol et accuse les Émirats d’avoir bouleversé l’équilibre démocratique avec ce don très important à Interpol. Comme organisation internationale, Interpol vit des contributions des États membres qui apportent chacun une quote-part fixe. Pour les Émirats arabes unis, elle est de 0,425% du budget ordinaire, ce qui représentait un peu plus de 243.000 € en 2019. Mais comme les participations des pays ne suffisent pas à financer les projets de l’organisation, Interpol recherche aussi des dons.
C’est ainsi que les Émirats se sont engagés en 2016 à verser 50 millions d’euros sur cinq ans, soit 10 millions d’euros par an. Une somme qui équivaut à la cotisation d’une centaine d’États ! Le pays du Golfe devient ainsi le deuxième plus gros contributeur de l’organisation, derrière les états-Unis. La manière dont a été versé l’argent est pointée du doigt. « Pour contourner les statuts et le règlement financier d’Interpol qui interdit cette prise de pouvoir par l’argent, les émiratis ont fait passer ce don très important par la Fondation Interpol pour un monde plus sûr, dénonce Me Devers. Ce tour de passe-passe a permis de transformer l’argent public du pays en un don privé de la fondation vers l’organisation internationale. C’est pour cela que le dépôt d’une plainte est envisagé en Suisse pour que soit nommé un administrateur provisoire à la tête de la fondation. » Contactée, la fondation n’a pas donné suite à notre demande d’interview.
Depuis cette promesse faramineuse, le tapis rouge est déroulé pour le petit pays. Dès mai 2016 est annoncée l’ouverture prochaine d’un « bureau central international d’Interpol » à Abu Dhabi. En mars 2017, la capitale des Émirats accueille un forum d’Interpol sur la sécurité et la Fondation Interpol crée un poste « d’ambassadeur » confié à un Émirati. En 2018, c’est carrément l’Assemblée générale d’Interpol qui se tient chez eux. « Mais surtout, ce versement a été la rampe de lancement de la candidature de Ahmed Nasser Al-Raisi », assure Me Devers.
L’arrivée d’un tel profil à la tête d’une organisation très sensible inquiète. « Interpol émet les fameuses notices rouges, des demandes d’arrestation de fugitifs adressées aux États du monde entier, explique Gilles Devers. Certains pays les utilisent pour pourchasser des opposants politiques, volontiers étiquetés terroristes. » Le problème est que certains de ces mandats d’arrêt internationaux sont secrets. Une personne qui pense être visée doit demander à son avocat de contacter Interpol qui répond systématiquement si une notice rouge a été émise. « Si la personne veut la contester, elle ne peut pas s’adresser à un tribunal, mais doit saisir la commission interne d’Interpol, sans avoir accès au dossier. Il n’y a pas d’audience, pas de plaidoirie, pas de contradictoire, pas d’appel possible. Le président de cette organisation doit être assez intègre et fort pour contrer les velléités d’instrumentalisation de cette procédure. Sous le mandat de Ahmed Nasser Al-Raisi, nous ne sommes pas rassurés... »

Interpol est une structure opaque qui ne donne aucune garantie sur le respect des droits fondamentaux.

C’est le Secrétaire général de l’organisation qui à la main sur les dossiers au quotidien, ce que confirme un ancien cadre d’Interpol. « Quand Meng Hongwei, un membre influent du Parti communiste chinois, a été élu à la tête d’Interpol fin 2016, il a débarqué avec tout un aréopage de conseillers. On a dû lui faire comprendre qu’ils n’avaient pas leur place dans l’organisation et que son rôle était surtout honorifique. »
« Même si cette fonction est symbolique et bénévole, même si c’est le Secrétaire général qui a le dernier mot, on ne peut raisonnablement négliger la capacité d’influence du président sur les décisions, s’inquiète Me Bourdon. Par exemple, c’est au vu d’une simple notice rouge que la Serbie a livré Ahmad Jaafar Mohammad Ali aux autorités de Bahreïn fin janvier, alors que cet opposant politique cherchait à trouver l’asile en Europe. » Condamné trois fois à la perpétuité par contumace, le militant est aujourd’hui de nouveau en prison dans son pays alors même qu’il avait rapporté à Human Rights Watch y avoir subi des actes de torture lors de son incarcération précédente, entre 2007 et 2009. L’ombre d’Al-Raisi plane sur cette opération, car les E.A.U auraient joué un rôle dans cette extradition : selon le Bahrain Institute for Rights and Democracy (BIRD), c’est un avion de Royal Jet, une compagnie émiratie privée dirigée par un membre de la famille régnante al-Nahyane, qui aurait servi pour l’extradition… Interpol a immédiatement démenti l’implication de son président dans ce dossier.

Les ONG et des défenseurs des droits de l'homme craignent la promotion d’un modèle policier de surveillance de masse. 

« Interpol est une structure opaque qui ne donne aucune garantie sur le respect des droits fondamentaux, renchérit Me Devers. Le poids des États membres et des personnalités troubles qui les représentent est évident. Tous les jeux d’influence sont possibles, et c’est en cela que l’accès à la présidence de M. Al-Raisi est inquiétant. » Autre signal d’alarme, l’élection au Comité exécutif de l’organisation, son centre névralgique censé superviser l’action du secrétaire général, d’un général chinois, Hu Binchen. Cet ancien haut cadre du ministère de la Sécurité publique est suspecté d’orchestrer la chasse aux opposants du régime de Pékin.
Plus globalement, ONG et défenseurs des droits de l'homme craignent la promotion d’un modèle policier de surveillance de masse. « Al-Raisi est aussi un VRP très actif pour vendre des systèmes de cybersurveillance de masse, car les E.A.U sont très bien placés dans ce domaine », souligne maître Gilles Devers.
La France semble s’accommoder de cette situation. Le député Hubert Julien-Laferrière (écologie Démocratie Solidarité) a posé une question écrite le 16 juin 2021 au ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin pour connaître la position de la France dans ce dossier et demander qu’une initiative soit portée pour trouver un nouveau candidat crédible. Il a aussi cosigné, avec 34 autres parlementaires de diverses tendances politiques, une lettre adressée au président Emmanuel Macron pour lui demander de s’opposer publiquement à la candidature d'Al-Raisi.
« Depuis c’est silence radio, déclarait alors, sans illusion, le député. J’aurais forcément une réponse, mais dans plusieurs mois… Sans doute après l’élection du président d’Interpol… Un fonctionnaire du ministère de l’Intérieur m’a dit que la France soutenait la candidature d'Al-Raisi. Nous avons des relations très fortes avec les Émirats, c’est un gros client pour notre industrie d’armement. » C’est effectivement ce qui s’est passé. Et aujourd’hui, le contexte de crise énergétique lié au conflit ukrainien donne encore plus de poids à ce petit pays riche en hydrocarbures.
En réponse à une question écrite de la députée Clémentine Autain du 23 novembre, le Quai d’Orsay a formulé - quatre mois plus tard ! - une réponse bien timide : « Nous ne communiquons jamais nos positions de vote. Les pouvoirs du président d'Interpol sont strictement encadrés par le Comité exécutif. (...) Il est essentiel de s'assurer que les outils de l'organisation de coopération policière internationale, notamment les notices rouges et la base de données des documents perdus et volés, ne puissent être utilisés à des fins politiques. »

Jacques Duplessy
est journaliste d’investigation, membre du collectif de journalistes indépendants Extra-Muros. Il collabore notamment avec Paris Match, Reflets.info, Mediapart, Le Canard Enchaîné, Capital et Témoignage Chrétien. Son dernier ouvrage, L’école hors de la République est paru aux éditions Robert Laffont en 2021.
Autre signe de la mauvaise volonté française dans ce dossier, alors que Al-Raisi vient régulièrement sur le territoire français, il n’a jamais été inquiété par les policiers, malgré les plaintes. « Le Parquet de Paris a manqué à ses obligations, peste Me Boudon. Il a décidé de lui-même qu’il y avait une immunité liée à son statut, donc il ne l’a pas convoqué. Or ils auraient dû le faire, voir s’il invoquait son immunité pour refuser, et ensuite considérer si cette protection fonctionnelle doit s’appliquer. Pour moi, c’est un habillage politique du fait de nos relations diplomatiques et militaires. » Car l’article 15 de l’accord de siège entre Interpol et le gouvernement français prévoit que les membres du Comité exécutif de l’organisation « jouissent sur le territoire de la République française, pendant l’exercice de leurs fonctions ou l’accomplissement de leur mission » d’une « immunité d’arrestation ou de détention sauf en cas de crime ou de délit flagrant ». Selon Me Bourdon, « cette immunité n’a pas vocation à s’appliquer dans le cas de la torture subie par Ahmed Mansoor, car elle revêt un caractère continu, donc flagrant. Et comme Al-Raisi conserve, parallèlement à son poste de président d’Interpol, ses fonctions d’Inspecteur général au ministère de l’Intérieur des Émirats arabes unis, il a toujours un rôle actif et une responsabilité indéniable dans les conditions d’incarcération, donc des tortures contre ce prisonnier politique. »
Mais face à la raison d’État, la torture de quelques individus ne pèse pas grand-chose....

Un tortionnaire à la tête de l’institution policière Comment les Émirats arabes unis, accusés de tortures, sont-ils parvenus à imposer à la tête de la présidence de l’organisation internationale le chef de leur police, nommément cité dans plusieurs dossiers troublants ? Enquête. Quand j’ai appris que Ahmed Nasser Al-Raisi était candidat à la présidence d’Interpol, ça a été un choc », raconte Ali Issa Ahmad. Ce jeune ressortissant anglais a vécu l’enfer dans les prisons des Émirats arabes unis, alors que Al-Raisi était inspecteur général du ministère de l’Intérieur, chargé de la police. « J’ai été torturé pendant des jours, victime d’une tentative d’assassinat en prison, la police a refusé d’ouvrir une enquête et maintenant ce même responsable de la police est à la tête de l’organisation chargée de promouvoir la coopération policière internationale, c’est juste fou ! » L’histoire d’Ali Issa Ahmad évoque un remake de Midnight Express. En janvier 2019, ce fan de foot s’offre des vacances aux Émirats pour assister à la Coupe d’Asie des nations. Supporter du Qatar, il porte un T-shirt floqué du logo de l’équipe. Dans la soirée du 22 janvier, alors qu’il vient de suivre le match Irak – Qatar, il se fait agresser verbalement par un groupe d’hommes qui lui arrachent son maillot. « Ils disaient qu’ils étaient de la police… Je suis retourné immédiatement à mon hôtel et ils m’ont suivi. J’ai eu peur et le lendemain, j’ai décidé de changer d’hôtel. Je me suis aperçu que j’étais toujours surveillé. Je…

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