Charles, un roi joyeux

Jean-Vincent Bacquart

À la mort de Cromwell, Charles II ferme la parenthèse républicaine et rompt avec le puritanisme.

Le 8 septembre dernier, alors qu’il succède à Élisabeth II sur le trône du Royaume-Uni, son fils aîné dévoile le nom qu’il a choisi pour régner : Charles III. Rien de bien surprenant, à première vue, puisqu’il s’agit du prénom qu’il a reçu à sa naissance. Cette pratique est pourtant loin d’être règle absolue, lorsqu’on sait par exemple que le roi George VI, son grand-père, avait été baptisé Albert, ou que la reine Victoria était née Alexandrine… En ces temps où se pose la question de la pertinence du régime monarchique, adopter un tel nom revêt une « saveur » particulière. Le premier des Charles, pris dans les tourments de la première révolution anglaise, fut décapité en 1649 pour laisser place à la République. Alors que débute ce nouveau règne, gardons-nous de toute extrapolation malheureuse et rappelons-nous plutôt qu’un autre Charles, le deuxième, après des débuts difficiles, s’inscrivit dans l’histoire comme le « roi joyeux ».
La situation pour le futur Charles II était, en effet, loin d’être favorable après l’exécution de son père. Réfugié en Écosse, le jeune homme de 19 ans y avait été proclamé roi d’Angleterre et d’Irlande. Mais la décision avait été cassée par le Parlement de Londres car l’Angleterre venait de basculer dans la république voulue par Oliver Cromwell. Sans couronne ni trône, le Stuart tenta bien de reconquérir ses droits avec des troupes à majorité écossaises ; il fut sévèrement défait à Worcester en 1651. Sa tête mise à prix comme un vulgaire criminel, ce cousin germain de Louis XIV – sa mère était la sœur de Louis XIII – dut se résoudre à l’exil sur le continent, débarquant en Normandie.
Dans la conduite des affaires publiques, point de sentiments familiaux. Et Charles de devoir bientôt se réfugier ailleurs qu’en France ou dans les Provinces-Unies. Ces deux États ont fait, en 1654, le choix de l’alliance avec le lord-protecteur Cromwell. Dorénavant, les Pays-Bas espagnols seront son refuge ; et l’argent du roi Philippe IV d’Espagne la manne qui lui permettra de recruter des troupes en prévision d’une hypothétique reconquête. Mais, ce que les dieux de la guerre ne lui avaient pas accordé, ceux de la politique anglaise vont bientôt y pourvoir. Cromwell mort d’une septicémie en 1658, son fils Richard n’arrive pas à s’imposer comme successeur légitime. Sans soutien militaire ni parlementaire, celui-ci abdique en 1659, tandis que le pays sombre dans l’anarchie.
Pour Charles, l’heure est venue de jouer son va-tout. Depuis Breda, il adresse aux Anglais un message rassurant. Il se présente comme seul capable de rétablir la concorde dans le pays et promet de ne pas inquiéter les ennemis d’autrefois. À Londres, on hésite encore. De nouveaux engagements à supprimer certains impôts auront raison des dernières réticences. Après dix années d’errance, Charles est couronné à Westminster en avril 1661. Les promesses n’engageant souvent que ceux qui les croient, Charles II fait exécuter plusieurs responsables de la mort de son père, tandis que la dépouille de Cromwell est exhumée puis décapitée…
Passés les règlements de compte, le climat général s’adoucit en Angleterre, eu égard au puritanisme de la décennie précédente. Les théâtres rouvrent, les femmes sont enfin autorisées à monter sur scène, les arts connaissent un nouvel essor, la toute jeune Royal Society bénéficie de la protection éclairée du roi. L’hédonisme qui règne à la cour contraste avec le temps de Cromwell et amène les observateurs à qualifier le roi de « merry monarch ». Époque de renaissance pourtant obscurcie par deux événements tragiques. La peste bubonique frappe Londres en 1665 et tue un cinquième de la population. L’année suivante, la capitale s’embrase entre le 2 et le 5 septembre ; l’incendie détruit plus de 10 000 demeures, la plupart des bâtiments publics et près de 70 églises. Le palais royal, à Whitehall, échappe de peu à la destruction.
Historien, éditeur,
Jean-Vincent Bacquart
est doctorant à Sorbonne Université, attaché au Centre d’histoire du XIXe siècle. Ses recherches portent sur les ordres religieux et militaires, dont l’ordre du Temple et ses résurgences apparues aux XVIIIe et XIXe siècles.
Les dernières années du règne de Charles II sont marquées par des affrontements avec le Parlement sur les questions religieuses : dans un climat anticatholique, la tolérance affichée par le roi est source de frictions. Et l’absence d’héritier désigne son frère Jacques comme successeur. Or, ce dernier est catholique et les esprits s’échauffent. En signe d’apaisement, Charles favorise le mariage de sa nièce Marie avec un prince protestant hollandais, Guillaume d’Orange. Coup du sort, c’est ce même Guillaume qui, en 1688, trois ans après la mort de Charles II, débarque sur les côtes anglaises pour chasser son beau-père, Jacques II. Et l’histoire de se répéter avec un Stuart en exil… À Saint-Germain-en-Laye cette fois !...

À la mort de Cromwell, Charles II ferme la parenthèse républicaine et rompt avec le puritanisme. Le 8 septembre dernier, alors qu’il succède à Élisabeth II sur le trône du Royaume-Uni, son fils aîné dévoile le nom qu’il a choisi pour régner : Charles III. Rien de bien surprenant, à première vue, puisqu’il s’agit du prénom qu’il a reçu à sa naissance. Cette pratique est pourtant loin d’être règle absolue, lorsqu’on sait par exemple que le roi George VI, son grand-père, avait été baptisé Albert, ou que la reine Victoria était née Alexandrine… En ces temps où se pose la question de la pertinence du régime monarchique, adopter un tel nom revêt une « saveur » particulière. Le premier des Charles, pris dans les tourments de la première révolution anglaise, fut décapité en 1649 pour laisser place à la République. Alors que débute ce nouveau règne, gardons-nous de toute extrapolation malheureuse et rappelons-nous plutôt qu’un autre Charles, le deuxième, après des débuts difficiles, s’inscrivit dans l’histoire comme le « roi joyeux ». La situation pour le futur Charles II était, en effet, loin d’être favorable après l’exécution de son père. Réfugié en Écosse, le jeune homme de 19 ans y avait été proclamé roi d’Angleterre et d’Irlande. Mais la décision avait été cassée par le Parlement de Londres car l’Angleterre venait de basculer dans la république voulue par Oliver Cromwell. Sans couronne ni trône, le Stuart tenta bien de reconquérir ses droits avec des troupes à majorité écossaises ; il fut sévèrement défait à Worcester en 1651. Sa tête mise à prix…

Pas encore abonné(e) ?

Voir nos offres

La suite est reservée aux abonné(e)s


Déjà abonné(e) ? connectez-vous !



Zeen is a next generation WordPress theme. It’s powerful, beautifully designed and comes with everything you need to engage your visitors and increase conversions.

Top Reviews