Faut reconnaître, c’est du brutal

Frédéric Rollin

Malade de l'inflation, la croissance mondiale pourrait être achevée par le remède, la hausse des taux.
L’économie européenne plonge. La conjugaison d’un ralentissement économique mondial, d’un resserrement monétaire local et de la guerre en Ukraine aura eu raison de la belle énergie post-confinements. Les hausses de prix grignotent le pouvoir d’achat, et les factures de chauffage vont le dévorer cet hiver. En Allemagne, pays très dépendant du gaz russe, les recherches Google sur le feu de bois ont flambé. L’inquiétude monte, les consommateurs et les entreprises deviennent frileux. La récession est à nos portes.
Pourtant, l’Europe a réagi promptement. Nous nous sommes fournis en gaz liquéfié et les stocks atteignent de bons niveaux malgré les coupures incessantes de Gazprom. Notre dépendance au gaz russe a été surmontée. Mais la facture est lourde. Le prix du gaz en Europe est aujourd’hui environ quinze fois supérieur à son niveau de la fin 2019. Et encore, il a quasiment été divisé par deux depuis l’apogée de la crise, au mois d’août. Les activités les plus énergivores commencent à connaître des problèmes. Certaines entreprises ferment tout simplement leurs portes. La confiance des consommateurs allemands coule encore plus profondément que lors de la crise financière de 2008. L’indice Ifo, le baromètre du climat des affaires en Allemagne, indique de grosses perturbations.
L’annexion officielle de la partie Est de l'Ukraine constitue une nouvelle escalade et toute escalade du conflit nous rapproche de la violence ultime, l’usage du nucléaire. Et le Kremlin ne manque pas de nous le rappeler. Ce scénario paraît très, très improbable ; une erreur d’une telle ampleur qu’elle en semble irréelle. Mais pas impossible. Poutine décide seul et une partie de son entourage le pousse à hausser le ton. L’entêtement d’un homme mal conseillé et sans contre pouvoirs ouvre tous les scénarios. N’oublions pas que l’invasion de l’Ukraine était écartée par la plupart des analystes justement car elle constituait une aberration : peu de chances de réussite et extrêmement coûteuse pour la Russie. Nous connaissons la suite.

Les élections récentes en Italie comme en Suède montrent que l’adhésion au projet européen se fissure.

Quoiqu’il en soit, les prix du gaz risquent fort de rester élevés longtemps. Certes, le recul des troupes russes paraît inexorable. L’Ukraine surpasse son adversaire dans tous les domaines : nombre, motivation, logistique et armement. La conscription n’apportera pas grand-chose et les bombardements de Kiev ressemblent à un aveu de faiblesse. Il faut beaucoup de temps et de logistique pour former 300 000 soldats. L’armée russe ne possède ni l’un ni l’autre. La retraite catastrophique, la déréliction de l’armée, les mésententes entre Poutine et ses généraux et la fuite des hommes mobilisables ne vont rien arranger.
Mais la retraite de Russie prendra du temps et tant que la ligne dure domine le Kremlin, l’entente avec l’OTAN demeurera impossible. Le chantage au gaz va continuer de peser sur notre économie et la récente mise hors service des gazoducs NordStream va dans cette droite ligne. D’autres sabotages sont possibles. Il nous faut déjà penser à l’hiver 2023.
Frédéric Rollin
est conseiller en stratégie d’investissement chez Pictet Asset Management depuis 2011. Il a commencé sa carrière comme gérant obligataire, de 1990 à 1998 pour BNP, Cardif Asset Management et JP Morgan. Il a ensuite travaillé chez HSBC Asset Management avant de prendre le rôle de responsable de la gestion de taux chez Robeco à Paris de 2007 à 2009. Frédéric est diplômé de statistiques et d’économie à l’ENSAE SEA.
Conséquence, le recul des prix à la consommation n’est pas pour demain. Plus de 10 % de hausse sur l’année en Europe ! Le pouvoir d’achat saigne et beaucoup de ménages vont avoir du mal à boucler leur fin de mois. C’est mauvais pour la croissance et l’on pourrait voir l’emploi reculer, effet d’entraînement à la clé. Après deux années de covid et de confinements, beaucoup trouveront que la coupe est pleine et des mouvements sociaux sont à craindre. Faire aboutir une réforme des retraites serait à cet égard une sacrée performance. Et les élections récentes en Italie comme en Suède montrent que l’adhésion au projet européen se fissure. Politiquement et socialement, le dernier trimestre 2022 s’annonce délicat.
En période de turbulences, la banque centrale vient naturellement en soutien. C’est en partie son travail. Mais…Où t’es ? Où t’es ? Lagarde où t’es ? Les cavaliers de la BCE arrivent en retard et ont décidé de tirer sur l’inflation. Ils montent les taux et, ce faisant, blessent une économie déjà fragile. Crédit plus rare, argent trop cher, ce n’est bon ni pour les investissements des entreprises ni pour l’immobilier. La croissance européenne battait des records l’année dernière. Nous allons maintenant entrer en récession. Faut reconnaître, c’est du brutal. Bonne chance à tous....

Malade de l'inflation, la croissance mondiale pourrait être achevée par le remède, la hausse des taux. L’économie européenne plonge. La conjugaison d’un ralentissement économique mondial, d’un resserrement monétaire local et de la guerre en Ukraine aura eu raison de la belle énergie post-confinements. Les hausses de prix grignotent le pouvoir d’achat, et les factures de chauffage vont le dévorer cet hiver. En Allemagne, pays très dépendant du gaz russe, les recherches Google sur le feu de bois ont flambé. L’inquiétude monte, les consommateurs et les entreprises deviennent frileux. La récession est à nos portes. Pourtant, l’Europe a réagi promptement. Nous nous sommes fournis en gaz liquéfié et les stocks atteignent de bons niveaux malgré les coupures incessantes de Gazprom. Notre dépendance au gaz russe a été surmontée. Mais la facture est lourde. Le prix du gaz en Europe est aujourd’hui environ quinze fois supérieur à son niveau de la fin 2019. Et encore, il a quasiment été divisé par deux depuis l’apogée de la crise, au mois d’août. Les activités les plus énergivores commencent à connaître des problèmes. Certaines entreprises ferment tout simplement leurs portes. La confiance des consommateurs allemands coule encore plus profondément que lors de la crise financière de 2008. L’indice Ifo, le baromètre du climat des affaires en Allemagne, indique de grosses perturbations. L’annexion officielle de la partie Est de l'Ukraine constitue une nouvelle escalade et toute escalade du conflit nous rapproche de la violence ultime, l’usage du nucléaire. Et le Kremlin ne manque pas de nous…

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