Traque sur Internet

Delphine Sabattier

Les Britanniques envisagent de se débarrasser des bannières de consentement aux cookies. Mauvaise nouvelle ?
Une conséquence de plus du Brexit : le Royaume-Uni a décidé de revoir les règles en matière de protection des données personnelles. Le projet de loi « Data Protection and Digital Information », actuellement en deuxième lecture à la Chambre des communes, propose une version assouplie du règlement européen, alias RGPD, que nous partageons encore aujourd’hui avec les Britanniques.
S’ils étaient adoptés, certains amendements, notamment sur l’autorisation des transferts transfrontaliers de données (vers les États-Unis, en particulier), pourraient rompre l’adéquation avec la législation européenne. Sans compter que les États membres de l'UE font plutôt le chemin inverse, tentant de renforcer leur politique de souveraineté sur les données vis-à-vis des Big Tech.
Citons, en France, le chemin parcouru par le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, qui vient de déclarer être « opposé au principe d’extraterritorialité américaine ». Précisant : « Je ne vois pas au nom de quoi, au nom de qui, nous accepterions que la justice américaine puisse se saisir de données qui sont essentielles pour notre souveraineté et notre indépendance. »
Sur ce point donc, le désaccord avec le Royaume-Uni ferait consensus. Mais parmi les autres allègements envisagés outre-Manche avec lesquels tout fervent protecteur des données ne peut être totalement d’accord, j’ai buté sur les traceurs numériques.
Le Royaume-Uni veut se débarrasser des bannières de consentement aux cookies : ces pancartes qui surgissent au milieu des pages, dès lors que l’on passe une tête sur un site, pour nous demander – avant tout – si oui ou non nous acceptons les cookies. Si oui, lesquels ? Si non, ben, parfois on ne pourra pas accéder au contenu désiré… à moins de s’abonner… « La flemme », dit mon fils. « L’enfer », pour ma mère. L’agacement, dans tous les cas.
Attention, je ne dis pas que c’est inutile ! C’est même vertueux. Ces bannières contribuent à éveiller nos consciences sur la traque numérique dont nous faisons l'objet. Elles nous offrent un choix explicite et systématique de surfer différemment.

Refuser les cookies, c’est presque un acte militant. Un choix de société. Un clic qui refuse le marchandage de nos vies numériques, et au bout du compte celui de nos libertés individuelles et de penser.

Rappelons que pour lutter contre les traçages inopinés, les régulateurs européens se sont battus pour imposer l’obligation d’obtenir notre consentement explicite avant d’installer des traceurs sur nos ordinateurs et smartphones.
Et pourtant… Entre 60 % et 90 % des internautes acceptent les cookies, a-t-on découvert après l’apparition des bannières, grâce à une étude menée sur des sites médias. Un an plus tard visiblement ça ne s’est pas arrangé : NordVPN aurait constaté que seulement 6 % des Français refusent systématiquement d’être pistés par des traceurs lorsqu’ils surfent sur Internet. Un taux d’autant plus ridicule, que la même étude estime à 79 % la part des internautes français ayant peur d’être surveillés !
Forcément ! Qui a envie d’être fliqué ? Qui ne s’est pas senti piégé en découvrant des annonces publicitaires étonnamment en rapport avec des actions réalisées sur d’autres sites ? Et combien ont fui ces dernières années vers la messagerie Signal, qui garantit un maximum de confidentialité à ses utilisateurs, à l’annonce des nouvelles règles de ciblage sur WhatsApp ?
Alors pourquoi continue-t-on d’accepter d’être traqué, quand on nous donne le choix de refuser ? Certes, il reste des progrès à faire sur ces bannières de consentement. Rendre davantage visible la possibilité de « continuer sans accepter », par exemple. Facebook, pour ne citer que lui, a écopé d’une amende de 60 millions d’euros parce qu’il ne permettait pas aux utilisateurs résidant en France de refuser les cookies aussi facilement que de les accepter.
Oui, c’est une bagarre difficile – importante – contre le marché de l’attention, qui s’est impunément gavé sur la revente de profils ciblés, tracés.

Delphine Sabattier
est journaliste, experte des enjeux numériques et technologiques. Elle explore et vulgarise ces sujets de transformation de la société et des écosystèmes à travers des éditoriaux et son émission « Smart Tech » sur la chaîne B Smart.
Refuser les cookies, c’est presque un acte militant. Un choix de société. Un clic qui refuse le marchandage de nos vies numériques, et au bout du compte celui de nos libertés individuelles et de penser.
Voilà pourquoi finalement, à la toute première question posée dans cette tribune, je répondrais : « Oui, c’est une très mauvaise nouvelle. » Avec ces « assouplissements », les citoyens du Royaume-Uni risquent de perdre une occasion – quotidienne – de faire entendre leur voix sur le monde numérique dans lequel ils préfèreraient vivre....

Les Britanniques envisagent de se débarrasser des bannières de consentement aux cookies. Mauvaise nouvelle ? Une conséquence de plus du Brexit : le Royaume-Uni a décidé de revoir les règles en matière de protection des données personnelles. Le projet de loi « Data Protection and Digital Information », actuellement en deuxième lecture à la Chambre des communes, propose une version assouplie du règlement européen, alias RGPD, que nous partageons encore aujourd’hui avec les Britanniques. S’ils étaient adoptés, certains amendements, notamment sur l’autorisation des transferts transfrontaliers de données (vers les États-Unis, en particulier), pourraient rompre l’adéquation avec la législation européenne. Sans compter que les États membres de l'UE font plutôt le chemin inverse, tentant de renforcer leur politique de souveraineté sur les données vis-à-vis des Big Tech. Citons, en France, le chemin parcouru par le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, qui vient de déclarer être « opposé au principe d’extraterritorialité américaine ». Précisant : « Je ne vois pas au nom de quoi, au nom de qui, nous accepterions que la justice américaine puisse se saisir de données qui sont essentielles pour notre souveraineté et notre indépendance. » Sur ce point donc, le désaccord avec le Royaume-Uni ferait consensus. Mais parmi les autres allègements envisagés outre-Manche avec lesquels tout fervent protecteur des données ne peut être totalement d’accord, j’ai buté sur les traceurs numériques. Le Royaume-Uni veut se débarrasser des bannières de consentement aux cookies : ces pancartes qui surgissent au milieu des pages, dès lors que l’on passe une tête sur un site, pour nous demander – avant tout –…

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