Depuis que l’enfant avait appris à lire, des portes hermétiquement closes s’étaient soudain ouvertes. Elles donnaient sur l’infini : sur tout ce que les hommes connaissaient et aussi ce qu’ils ignoraient, craignaient. Auparavant, il devait se contenter des illustrations, car les petits caractères des légendes, pareils aux colonnes de fourmis dans les allées du jardin, gardaient tous leurs secrets. C’en était fini désormais. Il lisait. Et, si un mot inconnu l’arrêtait dans sa progression, il se plongeait le temps qu’il fallait dans le dictionnaire. Tout ce qu’il avait appris, rien qu’en un an ! Savoir lire lui avait ouvert les portes du passé – des passés, rectifiait-il, car il n’y en a pas un seul, uniforme. Il en existe une foule et il avait ses préférés, naturellement.
Il aimait avant tout les livres de son âge, cela va sans dire. Ses parents lui en offraient avec d’autant plus de plaisir qu’ils voyaient combien lire le réjouissait. Leurs cadeaux ne l’empêchaient pas de s’aventurer régulièrement dans la bibliothèque paternelle, dont les rayonnages impressionnants montaient jusqu’au plafond. C’était d’autant plus facile, pour lui, que ces petits immeubles de cellulose occupaient une vaste pièce attenante à sa chambre.
Au milieu des années 2070, la plupart des lecteurs avaient renoncé au papier, avec la raréfaction du bois, et cependant il était toujours possible de se procurer ce genre d’ouvrages, notamment les beaux livres, les éditions de luxe des classiques de la littérature et les albums pour la jeunesse.
Âgé de 6 ans, cet enfant précoce passait ainsi dans la bibliothèque le plus clair de son temps, délaissant sa chambre et ses jouets. Non pas que jouer l’ennuyât, mais l’envie de comprendre le monde dans lequel il avait débarqué six ans plus tôt l’emportait le plus souvent sur le plaisir de s’amuser.
Un jour, en feuilletant un livre d’histoire consacré à un pays lointain, il était tombé sur une drôle de photo en noir et blanc, représentant un nuage vertical comme il n’en avait jamais vu dans le ciel. La légende l’avait renseigné sur sa nature : il s’agissait d’un « champignon atomique ». Intrigué, il avait déchiffré le texte en vis-à-vis, s’attardant une bonne heure sur cette page édifiante et découvrant que, un jour de 1945, des hommes appelés « Américains » avaient utilisé contre d’autres hommes une arme nouvelle qui avait occasionné beaucoup de destructions et fait beaucoup de morts, irradié des quantités de survivants au point de les rendre malades et de les tuer à petit feu.
Celui que l’enfant appelait « papa » n’était pas à proprement parler son père, pas plus que « maman » n’était sa mère. L’enfant avait été adopté à l’âge de 2 ans, bien qu’atteint d’une maladie difficile à soigner. Dans son pays d’origine, il s’appelait Timour. Au cours d’un attentat à la bombe sale, il avait été contaminé par la radioactivité. Une guerre civile, provoquée par la raréfaction des ressources en eau et la résurgence de vieux contentieux interethniques, déchirait le pays et le père biologique de l’enfant combattait au sein d’une des factions. Voilà tout ce que l’on savait de cet homme, qui n’avait pas reconnu son fils à la naissance. Quant à la mère, elle avait péri dans l’attentat et Timour avait été recueilli par la Croix-Rouge, puis évacué vers l’Europe afin de recevoir des soins.
De son arrivée en France jusqu’à l’âge de 5 ans, l’enfant avait fait de fréquents séjours à l’hôpital, entouré de ses parents adoptifs. Il ne gardait aucun souvenir de ses deux premières années de vie, sinon, dans sa chair, le poison de la radioactivité. Il aimait le prénom que lui avaient donné ses parents – Tim – en souvenir du Timour mort en lui le jour où il avait quitté son pays natal.
Tout en veillant à ne pas l’inquiéter, ses parents lui avaient expliqué pourquoi il était si souvent épuisé et devait rester allongé – des rayons avaient transpercé son corps quand il était encore tout petit –, mais ils n’étaient pas allés jusqu’à lui raconter dans quelles circonstances ces rayons l’avaient rendu malade. C’est sur son lit d’hôpital que Tim avait appris à lire, plus tôt que ceux de son âge. Vite, il avait pris goût à la lecture, comprenant qu’il ne vivrait pas la même enfance que ses semblables, occupés à courir, à crier et à s’écharper les uns les autres.
Maintenant âgé de 6 ans, Tim était en voie de guérison et restait de moins en moins souvent alité. Un garçon sage, à la mine grave, qui ne courait pas ni ne criait, ni ne rossait ses camarades, pour la simple raison qu’il n’allait pas à l’école, encore trop faible pour cela. Et puis, il faut le dire ici, les écoles fermaient les unes après les autres. Il aurait fallu faire un long trajet en voiture – plus de 50 kilomètres – pour rejoindre la plus proche, car ils habitaient à la campagne. Sa mère se chargeait donc de son éducation, pendant que son père travaillait. Esprit vif, Tim assimilait vite.
Les écoles se raréfiaient, car les perturbateurs endocriniens avaient fait leur œuvre au cours des dernières décennies. La majeure partie des hommes en âge de procréer étaient stériles. Quant aux couples fertiles, ils se limitaient souvent à un enfant, voire refusaient d’infliger à un nouveau-né la perspective d’une vie sur une planète aussi inhospitalière. Le père de Tim en savait quelque chose, lui qui était météorologue. Comme Anna et lui ne parvenaient pas à avoir d’enfant, ils avaient décidé d’en adopter un, conçu au bout du monde.
Après avoir plafonné au milieu des années 2040, la population mondiale avait amorcé un fléchissement avant de décliner fortement, repassant sous la barre des sept milliards d’humains. Les perturbateurs endocriniens n’étaient pas les seuls en cause. Les démographes et les sociologues, qui n’avaient pas vraiment anticipé le phénomène, invoquaient le coût du logement, qui grimpait d’année en année dans les sociétés urbanisées, mais aussi la hausse du niveau de vie dans plusieurs grands pays émergents et le dérèglement climatique, sans oublier les conflits dans les régions déshéritées, qui, loin d’émerger, sombraient, accablées par les accidents industriels, les famines et les soubresauts politiques.
Tim avait beau être tout petit, il ne lui avait pas échappé qu’un fil reliait sa profonde fatigue au champignon qui avait fulminé dans le ciel d’août 1945, engendrant à sa suite d’autres petits champignons tout aussi nocifs, sur d’autres champs de bataille, au siècle suivant. Après une phase de sidération, pendant laquelle il avait parcouru tout ce qui lui tombait sous la main concernant Hiroshima et Nagasaki, puis les accidents nucléaires de 1986, de 2011, de 2023 et de 2048, puis d’autres guerres où des armes tactiques avaient servi, il avait banni ce genre de lectures. Non, il ne voulait pas vivre dans la peur ! Il aspirait à rire, à oublier les grands et à plonger dans le monde des contes et des légendes, et pour cela, la bibliothèque paternelle était à même de le combler.
Au tout début de la saison des canicules, vers la mi-avril, la famille migrait dans une maison de campagne à la pointe nord du Jutland, épargnée par les dômes de chaleur, à l’écart des tornades. Tim et ses parents y séjournaient généralement jusqu’à la mi-octobre. Aux livres que le garçon choisissait d’emporter pour ces mois nordiques, Émilien, le père, savait quels étaient ses centres d’intérêt, et cela le peinait un peu de le voir, si petit, priser autant le passé au détriment de l’avenir. Dans le même temps, il était ravi d’avoir un fils curieux de tout, ou presque. Était-ce parce que lui-même était météorologue et parlait souvent du temps qu’il faisait ? Tim n’aimait rien tant que les livres sur la géographie et le climat, notamment sur le pôle Nord, qui, au début du siècle, arborait encore, été comme hiver, une cape blanche appelée banquise. Cela, c’était fini depuis longtemps. Cette pellicule de glace ne se formait plus guère que certains hivers, pour quelques semaines, sur un périmètre bien restreint.
Dans leur maison d’été, le vent chaud qui pénétrait dans la chambre du petit feuilletait de vieux livres de contes de Noël. Sur son lit était souvent ouvert un album où il était question d’un ours en peluche appelé Michka, qui s’était échappé et errait dans une grande forêt. Au cours de ses pérégrinations, l’ourson finissait par découvrir un traîneau dont les clochettes tintinnabulaient, et ce traîneau, tiré par un renne, glissait sur la fameuse neige à laquelle les livres du XXe siècle faisaient souvent allusion. Michka aidait le renne à distribuer les jouets dans les chaumières, mais à la fin, il n’en restait plus aucun pour la toute dernière maison – une masure où dormait un petit garçon pauvre, qui n’avait aucun jouet dans sa chambre. Voyant cela, Michka décidait de rester au pied de son lit, de sorte que le garçon, à son réveil, le découvrait en guise de cadeau de Noël.
Tim lisait aussi les contes de Noël d’un certain Dickens, qui lui donnaient la chair de poule. Le XIXe siècle avait dû être une sacrée époque, une époque terrible… Lui, ce qu’il préférait, dans l’histoire, c’était le XXe siècle, mais attention, le XXe après Hiroshima et les guerres. Le XXe siècle lorsque le monde connaissait encore des hivers froids, lorsque les gens avaient les yeux pleins d’espoir et vivaient bien. Les livres pour enfants de cette époque étaient amusants, en couleurs, avec des histoires de Noëls heureux autour de sapins illuminés. Voilà l’époque au cours de laquelle il aurait aimé grandir, avec ses parents qu’il trouvait bien trop soucieux et tristes, souvent.
Depuis quelque temps, cependant, son père semblait avoir retrouvé le sourire, mais il se gardait de donner des explications. « Il fait des efforts pour paraître joyeux devant moi, se disait Tim. Le médecin a dû lui dire qu’il fallait rire et sourire en ma présence, pour que j’aille mieux, pour que je puisse me lever plus souvent et m’activer. Et il fait des efforts, Papa. Chaque hiver, par exemple, il tient à me montrer les forêts d’où part le père Noël pour sa tournée des cheminées. »
Constatant l’amélioration de son état de santé, les médecins prescrivaient au petit garçon des cures d’air pur, des étés loin des dômes de chaleur, et puis le plus de joies possible, effectivement ; rien ne pouvait mieux l’aider, sur la voie de la guérison, qu’un milieu familiale aimant et attentif – ce qu’il avait.
Le père de Tim était un climatologue renommé. L’université à laquelle il était rattaché avait obtenu le prix Nobel de physique pour ses recherches en géo-ingénierie et elle était partie prenante d’un projet international qui réunissait des chercheurs et des décideurs des quatre coins du monde – des coins qui, pour le moment, n'avaient pas basculé dans le chaos, comme c’était le cas du pays d’où venait Tim. Les premiers temps, ce projet avait provoqué une levée de boucliers. Ses initiateurs étaient passés pour des apprentis sorciers. Émilien n’y avait pas échappé. Il avait même reçu des lettres anonymes assorties de menaces. Une partie de la communauté scientifique avait été vent debout contre ses initiatives, au début. Vous allez dérégler la pluviométrie, créer des déserts ! Vous allez nous détruire la couche d’ozone, qui avait été reconstituée petit à petit ! Vous allez faire chuter les rendements agricoles. Vous allez ceci. Vous allez cela.
Mais voilà, confrontés à l’emballement, au déchaînement, au dérèglement de la mécanique climatique qui, jusqu’alors, avait fonctionné comme une montre suisse, la plupart des États avaient fini par souscrire au projet en se disant que, à tout prendre, mieux valait tenter d’éviter le pire que de rester les bras croisés, et Émilien avait eu les coudées franches pour accomplir ce qu’il estimait juste. Ses projets lui étaient chers depuis longtemps et l’adoption de Tim n’avait fait que renforcer son envie de les concrétiser.
Combien de ballons étaient partis dans la stratosphère depuis une quinzaine d’années ? Combien de drones s’étaient hissés à une vingtaine de kilomètres d’altitude, et pour y faire quoi ? À la surface terrestre, ce qu’on appelle l’opinion publique n’en avait qu’une idée bien vague. La presse demeurait discrète là-dessus, à moins qu’elle ne fût indifférente, estimant que le sujet n’intéressait pas grand monde. Qu’avaient donc d’énormes minéraliers à appareiller vers le grand large, depuis des années, et qu’allaient-ils donc faire de l’autre côté de la ligne d’horizon, au bout des mers ? Alcaliniser, disait-on. Ils vont alcaliniser. Mais qui savait ce qu’on entendait par là, au juste ?
Pour les fêtes de Noël, Émilien réservait un gîte près du lac Inari, dans le grand nord de la Finlande. C’était de là, du fond des forêts, que partait le père Noël avec son traîneau tiré par d’innombrables rennes et sa hotte de cadeaux, racontait-il à l’enfant, qui absorbait encore, mais pour combien de temps, ses paroles comme une éponge. Près du toit de la planète, une nuit continuelle régnait au début de l’hiver, et, avec un peu de chance, il était possible d’observer une aurore boréale. Une aurore boréale ! Un des plus beaux spectacles de la nature ! Des années qu’ils attendaient ça… C’était avec ce genre d’arguments que le père de Tim obtenait chaque année l’accord d’Anna pour retourner dans ce coin de Finlande à Noël. Sa femme aurait préféré passer les fêtes en Bretagne, chez ses parents, mais Émilien insistait tant et si bien qu’elle finissait par céder. Ils aimaient faire là-bas des marches dans les sous-bois, dans la pénombre de l’Arctique. De l’autre côté de la baie vitrée du gîte, parfois, ils observaient de grands animaux sauvages, que Tim photographiait avec son appareil infrarouge. De jour – si tant est que l’on puisse parler de jour –, ils randonnaient le long du lac et s’arrêtaient pour pique-niquer sur le rivage, bien couverts, car il régnait une fraîcheur, l’hiver – entre sept et dix degrés – à laquelle ils n’étaient pas habitués en France.
Lors du dernier Noël, le père de Tim, soucieux, avait longuement consulté certains sites Internet. Le séjour avait été décevant, ennuyeux parfois car la pluie n’avait pas cessé et aucune aurore boréale n’avait déployé ses draperies dans le ciel. Les chemins étaient restés bien trop boueux pour envisager des sorties. Tout était noir, de la terre aux silhouettes fantomales des conifères. « Si c’est comme ça, l’an prochain, on ira en Bretagne, avait répété Anna à son mari, je ne comprends pas quel charme tu trouves à ce coin, à la fin… » Au cours des mois suivants, Émilien avait plaidé, argumenté et fini par obtenir qu’ils y retournent le Noël suivant – mais pour la dernière fois, promis.
Alcaliniser les océans pour renforcer leurs capacités d’absorption du CO2. Saupoudrer la stratosphère de calcaire et de soufre pour diminuer le rayonnement à la surface terrestre. Provoquer, ainsi, une sorte d’éruption volcanique artificielle, selon la célèbre formule d’un chercheur. Le père de Tim était à la pointe de ces chantiers pharaoniques engagés dix à quinze ans plus tôt, et il passait une bonne partie de son temps dans des symposiums et des conférences, sortait d’un rendez-vous pour se rendre à un autre, rencontrant des directeurs de cabinet et des industriels afin de convaincre tous les réticents de s’associer à son entreprise. C’est notre dernière chance, disait-il pour balayer les objections. Voyez les chiffres, les statistiques ! Rendez-vous compte !
À la fin de l’automne, épuisé par ses déplacements professionnels et la rédaction d’articles chronophages, Émilien avait senti qu’il ne pourrait pas assumer éternellement ce rôle d’ambassadeur du projet. Des signaux encourageants l’incitaient cependant à persévérer. Des signaux presque inespérés, après des années d’incertitude. Enfin ! Quant à Tim, il avait pu faire sa première rentrée à l’école. Sa fatigue latente s’estompait et les médecins se montraient de plus en plus confiants. Lui aussi avait besoin de repos et de grand air, néanmoins. La Laponie les attendait.
Ils atterrirent le 22 décembre à l’aéroport de Rovaniemi et Émilien prit le volant de la voiture de location sous une pluie battante et frisquette. Cela commençait bien… Il avait le sourire, pourtant. Anna, de son côté, ne cachait pas sa mauvaise humeur à l’idée de devoir passer des journées entières en recluse dans un gîte avec, pour tout loisir, le spectacle d’un feu de cheminée et puis, par la fenêtre, celui d’averses obstinées. À l’arrière de l’auto, Tim lisait, sans prêter attention aux rennes que les phares de l’auto tiraient quelques instants de l’obscurité.
Soigneusement cachés dans sa valisée rangée sous le lit, le père de Tim gardait les cadeaux à déposer au pied du sapin pendant la nuit de Noël, parmi lesquels de vieux livres illustrés pour enfants – des contes dénichés chez des bouquinistes au cours des semaines précédentes. Il y était question de rennes et de traîneaux, de cloches et de cadeaux, de féerie en somme. Les deux premiers jours, Émilien afficha une mine soucieuse, puis il se dérida, comme par enchantement. Que s’était-il produit en lui pour qu’il changeât si rapidement ? La pluie de l’arrivée avait cédé la place à un temps plus sec et plus frais et ils entreprirent des marches aux abords du lac. Le matin du 24, ils firent des achats, dans la petite ville voisine, pour le repas de Noël, rapportant des fruits confits, les mets les plus délicats et une bouteille de champagne.
Comme la plupart de ses camarades, Tim croyait encore au père Noël, bien qu’il ait atteint l’âge où se faufilent les premiers soupçons. Durant la nuit, il se leva une première fois pour inspecter les abords du sapin. Si on le surprenait en train de déambuler à une heure pareille, il invoquerait une envie pressante. Cependant il ne rencontra personne. Bredouille, il retourna se coucher et eut tôt fait de se rendormir… Un moment plus tard, malgré tout, il se réveilla et consulta l’heure : bientôt cinq heures du matin. Devait-il se relever ? Il y avait de bonnes chances pour qu’il soit déjà passé… L’enfant se rendit à pas de loup au salon. Ses yeux avaient dû s’habituer à l’obscurité car il distinguait nettement les contours des meubles, des fauteuils et du petit arbre décoré au pied duquel… oui ! Ils étaient arrivés dans son sommeil ! Il eut la tentation de s’approcher mais y résista. Comme on voit aisément dans la pénombre, songea-t-il, de nouveau. C’est curieux… Au bout de quelques instants, son attention fut attirée par le rectangle que découpait la fenêtre au mur. Les volets roulants avaient beau être baissés, une clarté étrange sourdait sur les bords, comme si le jour s’était levé depuis tout à l’heure. Non, il ne pouvait pas y avoir de lumière dehors, ici, au fond des bois ! Serait-ce donc ça, alors ? Intrigué, il resta interdit, avant de se précipiter dans la chambre de ses parents et de grimper dans leur lit. Je crois que c’est arrivé, les réveilla-t-il, haletant. Une aurore boréale ! Le père se leva d’un bond, mû par un pressentiment. Dans le salon, il observa la clarté opalescente qui sourdait du cadre de la fenêtre. Une aurore boréale ? Un sourire s’épanouit sur ses lèvres. Il releva lentement le volet roulant et ce qu’il découvrit confirma son pressentiment. Le cadeau qu’il voulait offrir à Tim depuis plusieurs Noëls, ce cadeau était enfin là. Non pas au pied du sapin, mais dehors, disséminé sur d’autres sapins. Et ce cadeau du ciel tombait en pièces détachées – à gros flocons. Pour la première fois depuis des décennies, il neigeait sur un coin d’Europe. Le sol était si blanc qu’on se serait cru en plein jour. Le tassement des températures observé ces dernières années un peu partout s’était accéléré au cours de l’automne et ce que les services météorologiques entrevoyaient sans trop y croire depuis quelques jours avait fini par se concrétiser. Il neigeait et, en tombant, les lourds flocons produisaient dans le silence de la forêt un bruissement ténu, comme si, loin, derrière les arbres, un traîneau glissait avec sa hotte de jouets....
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