Il est une icône du pop art british avec Hockney, a été vénéré par David Bowie, a vendu sa Triumph décapotable à John Lennon, a eu Joe Strummer comme élève, a été au cœur du Swinging London et l’un des artistes les plus engagés de sa génération. Qui ? Derek Boshier.
Pour Derek Boshier comme pour Mao Zedong, tout a commencé par une « Longue Marche ». Derrière le philosophe Bertrand Russell, au milieu de centaines de milliers de pacifistes, il parcourt à pied les 85 kilomètres qui séparent la base militaire d’Aldermaston de Trafalgar Square, pour exiger le désarmement nucléaire. Nous sommes en 1960. Il a 23 ans. Très présent sur la scène artistique londonienne où il brocarde le bonheur consumériste au sein d’un nouveau mouvement artistique, le pop art, il ne cessera jamais de militer. À 31 ans, il participe au printemps de Prague et envoie des cartes postales flanquées de coupures de presse à tous les Novak, le nom le plus courant en Tchécoslovaquie, leur demandant d’en adresser une, sur le même principe, aux Smith, le nom le plus répandu à Londres. À 33 ans, il cofonde un syndicat des artistes. À 41 ans, dans le recueil de chansons illustré qu’il concocte pour The Clash, il raille l’opération Julie lancée par la police britannique contre le trafic de drogue, qui fit des dommages collatéraux dans la communauté noire. À 42 ans, après avoir arrêté la peinture durant une décennie, il reprend les pinceaux pour railler Margaret Thatcher, élue Première ministre. À 54 ans, il entame une série sur les armes à feu aux États-Unis. À 66 ans, il dessine la guerre en Irak à hauteur d’enfant. À 73 ans, il fait la satire de l’emprise des smartphones sur nos vies. À 81 ans, il signe des dessins et des collages hilarants sur Trump, qu’il publie sur Instagram. Et il continue à l’ère Biden.
Aujourd’hui, à 85 ans, l’artiste Derek Boshier ne songe toujours pas au repos. Il suit avec attention la situation ukrainienne et la menace nucléaire. Il nous en parle dès que nous le rencontrons. Le rendez-vous a été donné à Londres, au Chelsea Arts Club, fameuse institution qui compta, et compte encore, nombre d’artistes parmi ses membres. Il nous accueille avec un grand sourire. Ses yeux bleus très bleus, sa vivacité d’esprit, son espièglerie font oublier son grand âge. Il vient d’arriver de Los Angeles, où il vit depuis vingt-cinq ans, et s’apprête à filer à Novi Sad, en Serbie, capitale européenne de la culture en 2022, pour une rétrospective.
Moins connu en France que David Hockney (son meilleur ami depuis 1957 !), il déborde toujours d’énergie et multiplie les projets. Expos internationales. Préparation d’un documentaire dont il est le sujet. Production d’œuvres nouvelles (des toiles de grand format, essentiellement) pour quatre expos des deux côtés de l’Atlantique en 2023 et 2024. Ce qui le distingue des autres artistes pop ? Son œuvre est politique. À l’exception de Pauline Boty, rare figure féminine du mouvement, il est le seul.
Il s’identifie aux jeunes antihéros, aux fils de prolos dont la réalité est décrite pour la première fois sans clichés par un nouveau mouvement culturel : le Kitchen sink realism.
Ses armes : l’ironie et la subversion joyeuse des machines à décerveler qui s’attaquent à notre façon de penser, d’agir, de sentir. Son parcours est riche, sa palette est large. Sa pratique s’étend de la peinture à la tapisserie, et passe par le dessin, l’installation, le cinéma expérimental. Il soigne la forme autant que le fond. Ne verse jamais dans le militantisme forcené. L’humour british triomphe toujours.
Pour comprendre ce qui l’a construit, il faut revenir au système de classes britannique. « Mon éveil politique a commencé très tôt, raconte Boshier. Je suis de la working class. Mon père, après trente ans dans la marine, est devenu gardien dans une école privée pour jeunes filles de la haute société. Ma mère travaillait avec lui. Elle venait d’une famille de domestiques. » Il revoit encore des enfants se moquer de lui parce qu’il portait des vêtements d’occasion et lui dire que les gens comme lui sentaient mauvais. « J’ai compris dès la petite enfance ce qu’était l’exclusion. » Le Royaume-Uni est obsédé par la classe sociale et les accents qui la révèle. Dès qu’une personne ouvre la bouche, son interlocuteur cherche à déceler son origine. « Et encore, Derek a grandi à Portsmouth, au sud du pays, précise le peintre David Smith, ami de Boshier. À l’époque, c’est surtout l’accent du nord qui était fortement stigmatisé, comme pouvait l’être celui du sud aux États-Unis. J’en sais quelque chose, je suis du Derbyshire, région du nord où domine l’industrie textile. »
C’est dans l’austérité morne de cette Angleterre où les tickets de rationnement circulent jusqu’en 1954 et où l’on manque de main-d’œuvre (384 000 soldats sont morts au front, sans compter quelque 70 000 civils) que grandit Boshier. À l’adolescence, il est voué à devenir garçon-boucher. Remarquant qu’il aime dessiner, un prof lui suggère d’étudier dans un lycée d’arts appliqués. « Je ne savais même pas ce que ça voulait dire », avoue le peintre. Il s’y inscrit. « Ça a changé ma vie. Mais l’enseignement était des plus conservateurs : nous n’avions pas le droit de peindre tant que nous ne savions dessiner parfaitement chaque os et chaque muscle du corps humain. »
Un monde s’ouvre à lui. Il s’identifie aux jeunes antihéros, aux fils de prolos dont la réalité est décrite pour la première fois sans clichés par un nouveau mouvement culturel : le Kitchen sink realism, le « réalisme de l’évier de cuisine ». L’autre nom de la Nouvelle Vague british. Il découvre le théâtre de John Osborne, le cinéma de Tony Richardson. Et une nouvelle génération d’acteurs, comme Albert Finney, Richard Burton, Peter O’Toole. « Ils ont changé la perception de l’accent du nord, souligne David Smith. Plus tard, les Beatles, venus de Liverpool, ont enfoncé le clou. Tous refusaient d’atténuer leur accent. Ils le revendiquaient, en étaient fiers. »
Ce n’est pas un hasard si la jeunesse d’après-guerre s’est tournée vers les arts pour s’exprimer. « Si vous étiez de la working class, résume Boshier, la seule façon de faire des études supérieures était d’aller dans une école d’art, parce que c’était gratuit et que le système universitaire était très élitiste. » Ils sont nombreux à y être allés. Parmi eux, des stars du rock : Pete Townshend, des Who, Ray Davies, des Kinks, mais aussi Keith Richards, John Lennon, Jimmy Page… Dès la fin des années 1950, le rapport de forces s’inverse au profit de la classe ouvrière dont la puissance culmine dans les années 1960. Boshier est aux premières loges de ces bouleversements inédits dans l’histoire de la vieille Angleterre. Et de l’émergence du pop art.
Bien que sempiternellement présenté comme un courant américain, le pop est bien est né à Londres. Qui en sont les précurseurs ? Richard Hamilton et Eduardo Paolozzi dans les années 1950 ? Francis Bacon dans les années 1940 ? Voire Walter Sickert dans les années 1930 ? Les versions varient, tous ayant largement puisé dans la culture populaire, incluant ou reproduisant des coupures de presse dans leurs œuvres. Une majorité d’historiens s’accordent pour dire que ce sont Hamilton et Paolozzi. Boshier est d’accord : « Le pop art est une réaction à l’austérité de l’après-guerre, dans une Angleterre amputée de son empire. Et la réponse à la société de consommation naissante à l’American dream, aux nouveaux produits venus d’outre-Atlantique. »
La génération pop, ce sont de jeunes provinciaux. Ils ont grandi sans un sou. À Portsmouth, Bedford, Birmingham, Southampton. Ils sont enfants de menuisiers, d’ouvriers, d’aides-comptables, de gardiens d’écoles. Parlent avec un accent working class. N’ont pas échappé au service militaire. Ont parfois été objecteurs de conscience. Ils ont 22 ans en moyenne. Et, en 1959, intègrent le prestigieux Royal College of Art, à Londres, pour trois ans. Ils ? Derek Boshier, David Hockney, Allen Jones, Peter Phillips, Patrick Caulfield. La promotion est exceptionnelle. Il y a aussi R. B. Kitaj, peintre américain un peu plus âgé que le groupe, Pauline Boty, dans la section vitrail, ou encore Ridley Scott, dans la section cinéma.
Ce qui les attire ? Les États-Unis. Normal, c’est l’antithèse de l’Angleterre. « Dans sa peinture, Hockney traitait de son orientation sexuelle. Il a été le premier à aller à New York où il a pu vivre ouvertement son homosexualité, qui était illégale chez nous, se souvient Boshier. Moi, j’étais marqué par le Kitchen sink puis je me suis intéressé aux nouvelles techniques de la pub venues des États-Unis. »
N’appartenant pas à l’establishment, ils sont prêts à enfreindre toutes les règles. D’ordinaire, les étudiants de première année s’adonnent à la nature morte. En troisième année, ils sont autorisés à expérimenter. Ici, les petits jeunes peignent d’emblée des motos, des cow-boys, des stars de cinéma… Les profs sont consternés. Par les sujets comme par les techniques utilisées et le choix du grand format. Les pionniers du pop art, eux, les prennent sous leur aile.
Niveau art contemporain, Londres est un désert. Avec deux oasis, deux institutions publiques : l’Institute of Contemporary Arts (ICA) et la Whitechapel Gallery, qui présenta l’expo This is Tomorrow, en 1956, actant la naissance du pop art. De l’autre côté de l’Atlantique, Roy Lichtenstein et Andy Warhol ignorent encore tout de ce mouvement.
« Les pères du pop étaient aussi des profs. Ils venaient nous voir au Royal College of Art et nous encourageaient. Nous les retrouvions à l’ICA où ils donnaient des conférences. Une fois, Eduardo Paolozzi, de retour des États-Unis, nous a parlé de ce qu’il y avait vu, nous a projeté des photos de frigos, de voitures, de ce nouveau design inconnu chez nous. »
La spécificité du pop art british : « Il sentait la peinture à l’huile. L’amour du dessin était palpable, relève Jann Haworth, artiste américaine qui étudia à la Slade, école privée rivale du Royal College of Art. On voyait bien qu’il sortait de têtes bien faites. Et qu’il était davantage dans le prolongement de l’histoire de l’art qu’en rupture avec l’abstraction, comme c’était le cas du pop américain ». Boshier confirme : « Mon tableau Special K, par exemple, fait écho au Kitchen sink. La lettre k de Kellogg’s Corn Flakes, que j’ai peinte en grand, renvoie à la toile de John Bratby, où une boîte de Kellogg’s trône sur une table du petit-déjeuner. »
Ce qui attire ces jeunes artistes pop ? Les États-Unis. Normal, c’est l’antithèse de l’Angleterre.
Il peint aussi une boîte d’allumettes anglaises dévorée par le drapeau américain. Le logo Pepsi, tel un nouveau soleil. Des tubes de dentifrice géants, ou encore la conquête spatiale. Deux événements font de ces petits jeunes des célébrités. D’abord, leur présence à l’expo annuelle d’œuvres d’étudiants en art à la Whitechapel Gallery, en 1961, assurant un premier grand succès public au pop art. Ensuite, un documentaire sur les plus prometteurs d’entre eux, diffusé sur la très sérieuse BBC, l’année suivante. Boshier y est en vedette. Du jamais-vu pour des étudiants ! Dès lors, le Royal College of Art grouille de curieux, de passionnés, de collectionneurs. « Parmi eux, un pharmacien polonais, sourit Boshier. Il avait une galerie à côté de son officine. Mateusz Grabowski est le premier marchand à nous avoir exposés ».
Le peintre voit ce qui l’attend : l’étiquette « pop » va lui coller à la peau. Et les galeristes lui demandent de décliner à l’infini les mêmes motifs. Alors, il prend le large. Son diplôme en poche, il part pour l’Inde où il restera un an. À son retour, il change radicalement de style et se lance dans une peinture géométrique très colorée. « De l’abstraction pop ! », sourit-il. Pour gagner sa vie, il enseigne dans les écoles d’art, et participe à renouveler les méthodes pédagogiques. « Quand Derek venait à la Harrow School of Art, au nord de Londres, ça changeait de nos vieux profs, commente Pamla Motown, créatrice de mode emblématique du Swinging London. Ce qu’il faisait était très frais, totalement en prise avec le temps. En cours, il insistait sur le dessin et sur l’importance d’avoir toujours sur soi son carnet de croquis. »
Boshier est jeune, plein d’énergie, et ne perd pas une miette de l’actualité. Mur de Berlin, crise des missiles de Cuba, guerres d’indépendance… De 1963 à 1970, il est aussi engagé que sa peinture est abstraite. « Son utilisation de couleurs vives était politique, souligne Caroline Coon, peintre et ancienne élève de Boshier. Pauline Boty et lui mettaient la politique au cœur de leurs créations. Ils s’insurgeaient contre le système de classe, la domination, et s’intéressaient à tout ce qui se passait, en Angleterre ou ailleurs. Ils avaient une conscience vraiment internationale. »
Le monde de l’art, Boshier a un pied dedans, un pied dehors. Dehors : il fréquente la crème des écrivains de gauche, se rapproche un temps des trotskistes, dessine des posters contre la guerre au Viêtnam, contre le nucléaire. Dedans : il ne rate rien du Swinging London. Carnaby Street et King’s Cross en sont l’épicentre. Finie la grisaille, place à la couleur. Dans les galeries, le moindre vernissage vire à la fête déjantée. Chez Kasmin, on trouve Hockney et Frank Stella. Chez Robert Fraser, le Tout-Londres, de Boshier à Yoko Ono, en passant par Jim Dine. Le pop est partout. Dans la mode, à l’écran, sur les ondes, dans la rue. Les anciens des écoles d’art s’appellent les uns les autres pour concevoir vitrines de boutique, objets design, pochettes de disques. Les cloisons sautent. La génération working class exulte. Une décennie aussi inventive qu’effervescente, définie par le look de Twiggy, les fringues taillées dans l’Union Jack, les tuniques militaires, les Chelsea boots et les chemises afghanes avant que la nostalgie ne revienne à la mode. C’est Sgt. Pepper’s, le style victorien, la fuite vers la campagne. Les Sixties passent en un clin d’œil.
Pour l’artiste, les mutations de la société donnent soudain un coup de vieux à la peinture. Il l’abandonne au profit du collage, de l’installation, du court métrage.
« Je revois encore Derek dans sa Triumph décapotable, sourit David Smith. Il n’avait pas 30 ans, courait les vernissages, exposait à l’étranger. Il était très branché. » Un jour, Brian Duffy, le photographe emblématique des années 1960, lui apprend que John Lennon vient de passer son permis et aimerait bien s’offrir une voiture. Ça tombe bien, Boshier veut vendre sa Triumph… L’artiste pop, qui vivait jusqu’alors dans la banlieue sud de Londres, vient de s’installer au cœur de Notting Hill. Un quartier alors en ruine fréquenté par les artistes. Quelques rues plus loin, la vie est nettement plus dure. S’entassent dans des taudis les Irlandais et les immigrants des Caraïbes venus combler la pénurie de main-d’œuvre depuis la fin de la guerre.
Pour l’artiste, les mutations de la société donnent soudain un coup de vieux à la peinture. Il l’abandonne au profit du collage, de l’installation, du court métrage. Il milite pour un art plus percutant, qui s’adresse à tous, sans élitisme. C’est pour cela qu’il saute sur l’occasion lorsqu’en 1977, Joe Strummer lui propose d’illustrer un album des Clash. « C’était avant MTV et les clips vidéo, note Boshier. Je connaissais Joe Strummer pour l’avoir eu comme élève à la Central Art School de Londres. Il voulait qu’on l’appelle Woody, parce qu’il adorait Woody Guthrie. Des années plus tard, je le croise dans la rue, suivi par ses fans, et le hèle par son surnom. Il se décompose. Je lui dis que je plaisantais. J’adorais les Clash. » Une semaine plus tard, leur manager appelle. « C’est moi qui ai suggéré Derek pour le 2nd Songbook, rectifie Caroline Coon, ex-manager des Clash et elle aussi ancienne élève de Boshier. Joe ne m’avait pas dit un mot de sa rencontre avec lui sur Oxford Street. Ni qu’il le connaissait, ni même qu’il avait étudié l’art. À aucun prix, il ne voulait pas qu’on connaisse son ancien surnom ! »
Pour la couverture, les Clash veulent le symbole de la radioactivité. Pour le reste, l’artiste a carte blanche. Résultat : 60 pages illustrées. En une, un crâne sur fond jaune vif, un trèfle radioactif sur le front. A l’intérieur, une richesse graphique phénoménale : dessins, photos-montages, chansons écrites à la main. Et de l’humour. Pour Julie’s Been Working for the Drug Squad, sur l’opération Julie contre le trafic de LSD, Boshier décline la tenue des policiers infiltrés : minijupe, robe longue, maillot de bain, sans oublier les célèbres casques arrondis. « Derek n’a jamais eu peur de mêler politique et graphisme, souligne Coon. Dans le 2nd Songbook, il a saisi toute l’esthétique punk. Ça n’a pas vieilli. »
Pas plus que les pochettes de disques conçues pour David Bowie. Il y en a deux, Lodger (1979) et Let’s Dance (1983). Pour Lodger, par exemple, il reprend un thème qui lui est cher : l’homme qui tombe. De dix ans son cadet, Bowie le vénère. Il suffit de voir ses dessins pour voir l’influence de Boshier. Lorsque le peintre se remet à la peinture, il tire son portrait. Pas de la superstar, mais de l’homme. Torse nu, grimaçant, le corps déformé. Il répète Elephant Man à Broadway, cherche encore son personnage.
Ziggy Stardust est fidèle en amitié. Il saute dans un avion pour voir la première expo du peintre à la Galerie du Centre, à Paris, en 1991. Et achète deux œuvres. « On les sentait très complices, se souvient Alain Matarasso, fondateur de la galerie. Bowie était avec lui comme l’élève avec son maître. » Boshier l’a souvent dessiné. « Peu de temps avant sa mort, il m’a envoyé un mail. Il me félicitait de la parution de ma première monographie. Ses mots sonnaient comme des paroles de chanson. C’était sa façon à lui de me dire au revoir. »
L’artiste aurait pu se spécialiser dans les pochettes de disques. La facilité n’est pas son genre. Tous les deux ou trois ans, il change de style. Compose ses séries en fonction de couleurs ou de techniques particulières. Créé en fonction de son environnement. Un environnement américain depuis qu’il a jeté l’ancre outre-Atlantique.
C’est un pays qu’il commence à bien connaître. En 1964, il y part pour la première fois, et rejoint David Hockney et son compagnon, le créateur de mode Ossie Clark, pour un road-trip de San Francisco à La Nouvelle-Orléans. À partir de 1980, il y enseigne, et fonde une famille.
Pour ce British à l’humour si british, l’exotisme américain saute aux yeux. Que peint-il lorsqu’il vit au Texas ? Des cow-boys, évidemment. « J’étais sidéré de voir à quel point cette culture était encore très présente. Les hommes gardaient leur chapeau à l’intérieur ». Ses cow-boys, il les représente dans le plus simple appareil. Timides ou effrayés, la bistouquette au vent, un chapeau vissé sur la tête, dans la veine néo-expressionniste allemande alors en vogue.
Et quand il s’installe à Los Angeles, en 1997, peint-il des piscines à la Hockney ? Non, des trans. Seins nus, en bas résilles, arborant un sexe masculin sans complexe.
Boshier, c’est la curiosité non-stop. Il parle de ce qui le touche, l’interroge, le déconcerte. Les armes à feu, la guerre, le suprématisme blanc, les écrans. Quand il ne peint pas, il fait des collages, trafique des photos, tourne des courts métrages. Il vient d’envoyer un dessin au musée des Beatles, à Liverpool. Il peaufine un gros livre qui réunit ses œuvres sur papier, avec le LACMA, musée très important à Los Angeles. Il ne passe pas un jour sans dessiner.
Et sans envoyer des lettres. Chez lui, c’est un geste artistique, l’art le plus libre et le plus démocratique. S’emparer d’une enveloppe, coller une photo découpée d’un vieux journal, esquisser un cow-boy ou un visage de profil au feutre noir, choisir les timbres, rédiger l’adresse du destinataire en formant un tout cohérent, et l’envoyer par la poste, voilà l’un de ses grands plaisirs. « C’est une jolie façon de dire aux autres qu’on pense à eux. »...
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