Le mot de l’éditeur #13

William Emmanuel

De tout temps, l’étranger a suscité l’inquiétude voire l’hostilité. Au point que les premiers textes religieux de la civilisation judéo-chrétienne multiplient les formules sur l’acceptation de cet autre. Ainsi dans le Lévitique, rédigé sans doute vers le Ve siècle avant Jésus-Christ : « Si un étranger vient séjourner avec vous dans votre pays, vous ne l’opprimerez point. Vous traiterez l’étranger en séjour parmi vous comme un indigène du milieu de vous ; vous l’aimerez comme vous-mêmes, car vous avez été étrangers dans le pays d’Égypte. »

La question des migrants, qui va devenir majeure dans les prochaines années alors que des millions, voire des dizaines de millions, de personnes vont devoir quitter des régions frappées par la guerre, la dictature, le dérèglement climatique, pour essayer de rejoindre des contrées plus hospitalières, en particulier cette Europe qui apparaît comme un eldorado. Cet afflux pose des problèmes politiques et économiques importants et certains partis politiques s’en emparent à coups de slogans faciles pour réaliser des gains électoraux.

Bien entendu, pour paraphraser Michel Rocard, l’Europe ne peut pas accueillir toute la misère du monde mais elle doit prendre sa part car c’est dans son intérêt.

Il est nécessaire de sortir du débat politicien ou de l’approche purement humanitaire pour répondre à la question : comment faire pour que les gens ne viennent pas en Europe ?

Car, si l’être humain est migrant depuis l’origine – l’homo erectus n’est-il pas parti de la partie centrale de l’Afrique pour l’Eurasie il y a quelque deux millions d’années ? –, il ne fait guère de doute que, de nos jours, l’ambition est de vivre et travailler au pays. L’exil est rarement volontaire. Mais pour vivre et travailler au pays, il faut des conditions acceptables. Ce n’est pas le cas en Syrie, en Afghanistan, en Libye, où les conflits perdurent. Si l’Europe, qui n’est ni une puissance militaire ni une puissance diplomatique, n’est pas en mesure d’intervenir seule dans ces régions, elle peut le faire dans nombre de pays d’Afrique, où des dirigeants kleptomanes en poste depuis des décennies asservissent leurs peuples.

En d’autres termes, si l’Europe ne veut pas de migrants chez elle, elle doit, de toute urgence, faire tomber ces dictateurs qui pillent leurs pays et qui poussent leurs peuples, en particulier les jeunes, à essayer de partir coûte que coûte, au risque de perdre la vie. La France a timidement évoqué la démocratisation au début des années 1990 avant d’y renoncer face aux menaces de quelques chefs d’État africains de changer d’alliance. Les États-Unis ne se soucient guère de l’Afrique. La Chine, qui méprise les droits humains chez elle et ailleurs, s’est imposée sur ce continent pour essayer d’accaparer les matières premières.

N’est-il pas temps aujourd’hui, pour l’Europe, de conditionner l’aide économique et de prendre des sanctions contre des potentats qui ne se soucient guère du sort de leurs peuples ? La palette est large : gel des avoirs, refus de visas, facilitation des poursuites judiciaires, etc.

Qu’est-ce que l’Europe peut y perdre ? Rien. De nombreux pays africains ont déjà lié leur sort à la Chine ou à la Russie. Le Mali a même expulsé la France, qui était venue pour combattre les islamistes. Si l’Europe veut traiter sérieusement la question des migrants, elle doit proposer une nouvelle politique de coopération.



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