L’été indien

Frédéric Rollin

En 2022, la capitalisation boursière indienne a dépassé celle du Royaume-Uni.  Jusqu’où ira l’Inde ?

 

Ciel bleu sur l’économie indienne. En 2022, le pays affiche de très loin la plus forte croissance parmi les grandes puissances. Alors que l’économie mondiale peine à dépasser les 2,5 % et que la Chine plafonne à 3 %, l’Inde devrait publier une croissance proche de 8 %. Naturellement, la bourse indienne a mieux tenu que ses concurrentes et, plus de soixante-dix ans après l’indépendance, sa capitalisation est supérieure à celle du Royaume-Uni ! Depuis 2016, l’ancienne colonie britannique l’a vue bondir de 120%. Épuisée par le Brexit, la britannique a baissé quant à elle de 10 %.

Certes, l’économie indienne ralentira en 2023. L’inflation y est élevée et la banque centrale se montre sévère. L’Inde a maintenu une position neutre sur le conflit ukrainien. Elle a refusé de condamner explicitement l’agression russe, en public et lors des votes à l’ONU. En même temps, le pays n’a brisé aucune sanction imposée par l’Ouest. Cette position lui a permis d’acheter du pétrole « non sanctionné » à bas prix. Compte tenu des tensions croissantes générées par le conflit, il est loin d’être certain que l’Inde puisse continuer de bénéficier longtemps de cet avantage. Mais le pays possède des atouts maîtres, qui permettront à son économie de maintenir un rythme élevé en 2023. Et pour de nombreuses années.

Premier atout, sa démographie. Alors qu’en Chine la population active a déjà entamé une inexorable décroissance, imitant le Japon et l’Allemagne, celle de l’Inde progressera jusqu’en 2040. Davantage de forces pour travailler et pour consommer, c’est plus de croissance à la clé. Et ceci est d’autant plus vrai que la production par habitant est aujourd’hui encore très faible, quatre fois inférieure à celle de la Chine, selon certaines mesures. La marge de progression est donc gigantesque. Autre atout, la capacité du pays à former des scientifiques, des techniciens, des ingénieurs et des mathématiciens, ou « STIM », personnels nécessaires à tout progrès technologique, lui-même ingrédient essentiel à la pérennité de la croissance. L’Inde forme chaque année 2,5 millions de STIM. À titre de comparaison, aux États-Unis, ils sont moins de 600 000 à sortir tous les ans des établissements supérieurs. L’Inde pourra donc continuer de développer son industrie.

 
Le développement économique indien a été longtemps étouffé par l’inefficacité de son système administratif et législatif.
 

Le pays est déjà un des leaders mondiaux du secteur de la santé. L’industrie pharmaceutique indienne domine la production de médicaments génériques avec 20 % du marché mondial. 40 % de la consommation américaine de génériques est importé d’Inde. La croissance du pays est aussi portée par la délocalisation des services. L’Inde s’est taillée une place de choix dans l’externalisation des fonctions administratives et informatiques des entreprises grâce à une population éduquée et parlant souvent couramment anglais. L’arrivée en masse du travail à la maison ne peut que bénéficier au pays. Après tout, si l’employé reste chez lui, quelle importance qu’il habite à 70 ou à 7 000 kilomètres ?

Le développement économique indien a été longtemps étouffé par l’inefficacité de son système administratif et législatif. Le brevetage d’une invention, par exemple, pouvait aisément prendre quatre longues années. Quel intérêt d’innover si l’on risque d’être copié dans l’intervalle ? Mais en 2014, le gouvernement Modi, majoritaire et réformiste, a propulsé l’économie sur une nouvelle trajectoire libérant enfin ce potentiel, jusqu’alors étouffé par l’immobilisme politique. Des dispositions ont été prises, des lois votées : un code de solvabilité qui organise les faillites et les restructurations d’entreprises, l’établissement d’un numéro unique d’identification pour les citoyens bénéficiaires de l’aide de l’État, afin de mieux cibler l’aide sociale et d’éviter la fraude, une loi rééquilibrant les rapports entre le constructeur et son client, jusqu’alors trop en défaveur de ce dernier. Et bien d’autres réformes encore. Dans le classement de la Banque mondiale « Facilité à faire des affaires » le pays est passé de la 143e place en 2014 à la 63e en 2020. Une progression qui permet à l’économie indienne de caracoler à la tête de la croissance mondiale. L’économie britannique, et beaucoup d’autres, vont regarder le train indien passer devant eux et disparaître à l’horizon. Les beaux jours vont se prolonger pour l’économie indienne.

 

Frédéric Rollin est conseiller en stratégie d’investissement chez Pictet Asset Management depuis 2011. Il a commencé sa carrière comme gérant obligataire, de 1990 à 1998 pour BNP, Cardif Asset Management et JP Morgan. Il a ensuite travaillé chez HSBC Asset Management avant de prendre le rôle de responsable de la gestion de taux chez Robeco à Paris de 2007 à 2009. Il est diplômé de statistiques et d’économie à l’ENSAE SEA....

En 2022, la capitalisation boursière indienne a dépassé celle du Royaume-Uni.  Jusqu’où ira l’Inde ?   Ciel bleu sur l’économie indienne. En 2022, le pays affiche de très loin la plus forte croissance parmi les grandes puissances. Alors que l’économie mondiale peine à dépasser les 2,5 % et que la Chine plafonne à 3 %, l’Inde devrait publier une croissance proche de 8 %. Naturellement, la bourse indienne a mieux tenu que ses concurrentes et, plus de soixante-dix ans après l’indépendance, sa capitalisation est supérieure à celle du Royaume-Uni ! Depuis 2016, l’ancienne colonie britannique l’a vue bondir de 120%. Épuisée par le Brexit, la britannique a baissé quant à elle de 10 %. Certes, l’économie indienne ralentira en 2023. L’inflation y est élevée et la banque centrale se montre sévère. L’Inde a maintenu une position neutre sur le conflit ukrainien. Elle a refusé de condamner explicitement l’agression russe, en public et lors des votes à l’ONU. En même temps, le pays n’a brisé aucune sanction imposée par l’Ouest. Cette position lui a permis d’acheter du pétrole « non sanctionné » à bas prix. Compte tenu des tensions croissantes générées par le conflit, il est loin d’être certain que l’Inde puisse continuer de bénéficier longtemps de cet avantage. Mais le pays possède des atouts maîtres, qui permettront à son économie de maintenir un rythme élevé en 2023. Et pour de nombreuses années. Premier atout, sa démographie. Alors qu’en Chine la population active a déjà entamé une inexorable décroissance, imitant le Japon et l’Allemagne, celle de l’Inde progressera jusqu’en 2040. Davantage de…

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