Les fantômes d’Hospital Cave

Philippe Charlier

Résilience. C’est sans doute l’un des mots qui caractérisent le mieux le peuple vietnamien. Pour s’en assurer, il suffit de visiter la grotte de Quan Y, sur l’île de Cat Ba, à quelques encablures de la fabuleuse (mais sanglante) baie d’Along. Là, de 1963 à 1975, l’anfractuosité a servi d’hôpital militaire aux forces nord-vietnamiennes.

Un bunker y a été aménagé sur plusieurs étages, à peine visible depuis l’extérieur, dont l’accès est défendu par une porte blindée. En empruntant une échelle amovible, on découvre le réseau d’aération camouflé, puis une succession de pièces exiguës : garde d’entrée, réserve de matériel de guerre et de munitions, bloc opératoire, salle de réveil, zone de repos (deux salles séparées, l’une pour les hommes, l’autre pour les femmes), dortoir, éviers (dont les eaux usées vidangent les latrines dans la pièce d’à côté : rien ne se perd, on est en guerre), salle de réunion, etc. Au « premier étage » (on est quand même un peu perdu dans ce dédale…), une immense salle s’ouvre sous les stalactites : c’était un cinéma, pour occuper les convalescents et remonter le moral des troupes.

Il faut imaginer le bruit (hurlements des blessés, agitation à chaque raid de B-52 ou épandage de napalm voire d’agent orange), l’humidité, l’odeur… Lors des grandes pluies, l’eau pénètre en tous points, mais un ingénieux système de pentes et de rigoles la redirige vers plusieurs citernes de béton. Dans le fond du « cinéma », une nouvelle galerie bétonnée s’enfonce au cœur de la montagne : c’est le couloir des officiers avec quartier d’habitation et d’autres salles de réunion. Soit cette partie s’est effondrée, soit ce qu’il en reste ne doit pas être montré, toujours est-il qu’on n’y entre pas : l’accès en est barré.

Partout, dans chaque salle, au pied de mannequins figurant un soldat blessé allongé sur un lit métallique ou une infirmière en treillis de camouflage se reposant sous sa moustiquaire, des coupelles où les visiteurs peuvent déposer quelques billets. Une offrande pour se concilier les bonnes grâces des esprits errant sans sépulture, les « fantômes de la guerre du Viêtnam ». À la sortie de la grotte, de l’autre côté de la montagne, deux étages et trois escaliers plus haut, un autel accueille une dizaine de bâtons d’encens qui enfument l’air humide de cette fin de matinée. À côté : des biscuits à la fraise, des boîtes de Choco Pie, quelques cigarettes, trois verres d’alcool fort. Et quelques billets de milliers de dongs, encore. Toujours pour eux : les fantômes.

Près de la porte, deux planches de bois un peu pourries qui finissent de se désagréger au sol : deux brancards de la guerre. Bientôt, il n’en restera rien d’autre que le souvenir, un dégradé sombre sur le béton vert. Les fantômes n’ont pas d’ombre, mais il leur arrive de laisser des traces subtiles…...

Résilience. C’est sans doute l’un des mots qui caractérisent le mieux le peuple vietnamien. Pour s’en assurer, il suffit de visiter la grotte de Quan Y, sur l’île de Cat Ba, à quelques encablures de la fabuleuse (mais sanglante) baie d’Along. Là, de 1963 à 1975, l’anfractuosité a servi d’hôpital militaire aux forces nord-vietnamiennes. Un bunker y a été aménagé sur plusieurs étages, à peine visible depuis l’extérieur, dont l’accès est défendu par une porte blindée. En empruntant une échelle amovible, on découvre le réseau d’aération camouflé, puis une succession de pièces exiguës : garde d’entrée, réserve de matériel de guerre et de munitions, bloc opératoire, salle de réveil, zone de repos (deux salles séparées, l’une pour les hommes, l’autre pour les femmes), dortoir, éviers (dont les eaux usées vidangent les latrines dans la pièce d’à côté : rien ne se perd, on est en guerre), salle de réunion, etc. Au « premier étage » (on est quand même un peu perdu dans ce dédale…), une immense salle s’ouvre sous les stalactites : c’était un cinéma, pour occuper les convalescents et remonter le moral des troupes. Il faut imaginer le bruit (hurlements des blessés, agitation à chaque raid de B-52 ou épandage de napalm voire d’agent orange), l’humidité, l’odeur… Lors des grandes pluies, l’eau pénètre en tous points, mais un ingénieux système de pentes et de rigoles la redirige vers plusieurs citernes de béton. Dans le fond du « cinéma », une nouvelle galerie bétonnée s’enfonce au cœur de la montagne : c’est le couloir des officiers avec…

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