Berberian, multi instrumentiste

Morgane Pellenec

Une quarantaine d’années de carrière et autant de publications – fanzines, bandes dessinées, comics, carnets de voyages, etc. – des expositions (« beaucoup, on ne va pas compter »), deux illustrations publiées en une du prestigieux magazine américain The New Yorker, une collaboration avec le musée du Louvre. On pourrait aisément se contenter de dérouler l’œuvre prolifique – et reconnue – de Charles Berberian. Mais ce qui touche le plus, au fond, c’est la joie avec laquelle l’artiste parle du dessin. Le sien, ceux qu’il admire, ceux qui l’enchantent. « Pour moi, dessiner c’est comme respirer. C’est mon rapport au monde, ma manière de le comprendre et de transmettre mes ressentis avec les gens qui s’intéressent à mon travail. Et j’ai la chance inouïe de pouvoir en vivre », s’enthousiasme-t-il du haut de ses 63 ans.

Avec plaisir encore, l’auteur parle de ses inspirations « historiques » : Hugo Pratt, Mœbius, Sempé, Franquin ou Claire Bretécher, autrice, entre autres, de la série Agrippine. « Pour moi, c’est l’une des personnalités les plus fortes et les plus excitantes du monde de la BD, et de l’art en général. Dans les années 1980, la question se posait encore de savoir si la BD était un art mineur ou majeur, si leurs auteurs étaient des artistes ou non. Elle, elle s’en foutait complètement et faisait ce qu’elle avait envie de faire ! » Étudiant, Berberian a expérimenté ce mépris de cases lorsqu’il a voulu entrer aux Beaux-Arts de Paris à cette même époque. À la vue de ses travaux personnels, qu’il souhaitait présenter, les professeurs lui ont lancé : « Rangez-ça, sinon on ne vous prend pas ! »

Finalement, Charles Berberian est admis aux Beaux-Arts, puis il enchaîne avec l’école Olivier de Serres. Parallèlement, il commence à publier dans des fanzines. Il rencontre alors Philippe Dupuy, avec qui il va collaborer pendant près de trente ans. Ensemble, ils créent notamment Monsieur Jean, une série en sept tomes publiés de 1991 à 2005. « On a eu beaucoup de chance, parce qu’on renouvelait notre approche en même temps. On a grandi ensemble et tout partagé, l’apprentissage et les coups durs. » Le succès aussi : en 2008, ils reçoivent le Grand Prix de la ville d’Angoulême, le plus prestigieux du monde francophone, pour l’ensemble de leur œuvre.

Ces derniers temps, Charles Berberian lie musique et dessin en accompagnant sur scène Bastien Lallemant, J.P. Nataf ou Albin de la Simone, lors de « siestes acoustiques » ou de concerts dessinés. Lui-même est guitariste et chanteur. « Depuis que je joue de manière assidue, je comprends mieux mon rapport au dessin. Les deux pratiques se ressemblent. On choisit son papier et son pinceau comme on choisit son ampli et sa guitare. Dans ces deux domaines, il faut de la discipline pour réduire au maximum la distance entre l’oreille et l’instrument ou entre le regard et le pinceau. »

Ce mois-ci, Charles Berberian signe la couverture de Bastille. « J’aime bien dessiner les ambiances de rues parisiennes, explique-t-il. Je suis dans cette ville depuis 1975 et je ne me lasse pas de la richesse qu’elle offre au dessinateur. Pour cette une, j’ai simplement croqué ce qui se trouve à côté de l’entrée de mon immeuble ; j’y ajouté un embouteillage et un type en trottinette qui roule allègrement au milieu des voitures. C’est un peu exagéré mais c’est ce que je perçois de la capitale aujourd’hui. Pour faire écho aux deux prix Nobel qui s’expriment dans les pages du magazine, j’ai ajouté cette colombe, qui contraste avec le gris-bleu du ciel. »



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