La tentation du bâillon

Antoine Champagne et Jacques Duplessy

La justice est de plus en plus utilisée par certains pour empêcher la publication d’informations gênantes. Les instances européennes souhaitent lutter contre ces « procédures-bâillons », financièrement coûteuses.

 

Un petit crachin tombe sur Nanterre ce 27 septembre 2022. Le fond de l’air est frais... effraie aussi. Le ciel est lourd, comme assombri par les nuages qui planent sur la liberté de la presse. Et plus largement, sur nos libertés fondamentales. Deux journalistes de Reflets.info pénètrent dans le tribunal de commerce. Ils sont convoqués pour répondre d’une supposée violation du secret des affaires. Le procès se passe loin de la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris, habituellement chargée des affaires traitant du droit de la presse ; un dépaysement qui ne doit rien au hasard mais tout aux vœux des avocats du groupe Altice, détenu par le milliardaire Patrick Drahi, qui poursuit ce site d’information. Le juge consulaire prend place tandis que dans la salle, l’AFP et quelques autres journalistes guettent les discussions. La profession s’inquiète de ces procès-bâillons qui se multiplient, attaques sournoises contre la liberté d’expression, pourtant inscrite dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

En leur temps, les révolutionnaires français avaient écrit : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. » Aujourd’hui, c’est plus compliqué.

Certains avocats se lancent désormais dans des constructions juridiques savantes pour contourner la loi de 1881 sur la liberté de la presse et l’arsenal juridique qui s’est construit au fil du temps et d’une jurisprudence constante pour protéger la presse contre la censure.

Dans l’affaire Altice contre Reflets, le juge de première instance a validé les articles déjà publiés mais interdit aux journalistes d’en écrire de nouveaux. Le fait que le média ait gagné en appel n’empêche pas Altice de poursuivre son entreprise de harcèlement judiciaire en multipliant les attaques. L’avocat d’Altice, maître Christophe Ingrain, s’est montré particulièrement doué pour concocter des cocktails de ce genre. Il est ainsi entré dans l’histoire récente du droit en obtenant deux censures préalables de journaux. En instrumentalisant le droit et la justice et en contournant la loi de 1881 sur la presse, il a obtenu du Tribunal de Paris une censure, avant publication, d’un article de Mediapart sur le maire de Saint-Étienne, Gaël Perdriau, dont il est le conseil. L’enquête de Mediapart visée par l’avocat portait sur des propos tenus par l’édile stéphanois, qui accusait de pédophilie le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez.

Dans cette affaire, maître Christophe Ingrain, qui est aussi l’avocat du garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti, avait déposé une requête aux fins de mesures conservatoires, prévue dans l’article 145 du code de procédure civile, lui permettant d’obtenir une décision de censure sans contradictoire. Mediapart n’avait même pas pu exposer ses arguments à la juge saisie qui, par ailleurs, n’avait même pas écouté l’enregistrement ayant servi de base à l’article censuré. Mediapart avait contesté cette décision jugée ubuesque et fustigée par 37 sociétés de journalistes, représentant autant de rédactions différentes, et 17 organisations de défense de la liberté de la presse. La juge qui avait prononcé cette décision de censure s’est rétractée, estimant avoir été « trompée » par les arguments de Gaël Perdriau et de son conseil.

Depuis la loi de 1881, qui visait notamment à mettre un terme aux censures préalables, les journalistes ont pour habitude de répondre de leurs écrits… une fois publiés. Généralement, les journaux sont poursuivis sur la base de leurs publications lorsqu’elles contiennent des opinions révisionnistes ou négationnistes, des propos injurieux ou diffamatoires ou qu’elles incitent à la haine raciale.

De plus en plus de groupes industriels mis en cause par la presse recherchent l’effet produit par les « procès-bâillons », ou « SLAPP » (Strategic lawsuit against public participation ou « poursuite stratégique contre la mobilisation publique » en français) : l’épuisement financier d’un journal pour empêcher les enquêtes.

Pour la presse dite « indépendante », le climat est pesant. La censure qui a visé Reflets n’est pas une action isolée. « Les poursuites sont de plus en plus agressives et impressionnantes, constate Renaud Le Gunehec, avocat spécialisé en droit de la presse. Avant, on était dans la diffamation. Les procédures étaient simples et codifiées, et passaient souvent devant des juridictions spécialisées. Désormais, les stratégies ont changé : les avocats cherchent un texte qui “secrétise” une information, qui ne vise pas du tout les journalistes. Ils y ajoutent un peu de droit civil, des principes de journalisme responsable, agitent le tout et disent que c’est opposable aux journalistes. »

 
Les procès-bâillons peuvent rendre des rédactions plus frileuses à publier une enquête. Financièrement très coûteuses, ces procédures sont également très chronophages.

 
« Ce qui est arrivé à Mediapart – mais aussi à Reflets –, n’est pas anecdotique. Cela ressemble à une nouvelle phase de l’offensive contre une presse indépendante, mais surtout, contre une forme de journalisme. Un journalisme pugnace, poil à gratter de la démocratie. C’est une attaque d’une partie de la population qui, visiblement, a une conception autoritaire et violente du débat démocratique, et une vision verticale des rapports sociaux, estime Antton Rouget, auteur de l’enquête de Mediapart sur Gaël Perdriau. Il y a une volonté d’isoler ce type de journalisme par tous les moyens, y compris déloyaux. Même si les procédures sont longues et coûteuses, ces attaques ne visent pas à nous mettre à genoux., Mais elles adressent un message à toute la profession, et notamment à ses acteurs les plus “précaires” comme les pigistes, signifiant peu ou prou : “si vous faites la même chose, voici ce qui va vous arriver” » En 2019, réagissant à la diffusion d’enregistrements d’Alexandre Benalla par Mediapart, Éric Dupond-Moretti avait attaqué le journal, évoquant des méthodes « indignes, dégueulasses et staliniennes »… « Au sein de la population, certains pensent encore que le journaliste doit se contenter de répéter les communiqués de presse, d’être le porte-voix des puissants », conclut Antton Rouget.

Ce n’est pas la première fois que ce détournement de l’ordonnance sur requête était utilisé contre la presse. Le journaliste Édouard Perrin, qui a révélé les Luxleaks, un scandale financier mettant au jour des centaines d’accords très avantageux conclus par des cabinets d’audit avec le fisc luxembourgeois, en a été victime lui aussi. « Lorsque mon enquête a été publiée en novembre 2014, le cabinet PricewaterhouseCoopers a cherché à identifier ma source. Convaincu qu’elle se trouvait en France, PwC a saisi le Tribunal de grande instance de Metz qui a délivré une ordonnance, sans même que je sois entendu, pour permettre à un huissier de saisir l’ordinateur de mon informateur putatif et examiner sa correspondance. » Un moyen de contourner l’un des principes fondateurs du journalisme d’investigation, la protection du secret des sources, autrement dit de celles et ceux qui alertent ou renseignent les enquêteurs. Malheureusement, Édouard Perrin a échoué à faire annuler cette ordonnance en appel, les juges estimant qu’il n’aurait pas eu intérêt à agir.

L’utilisation de cet article 145 du code de procédure civile pour museler la presse et effrayer ses sources inquiète jusqu’à certains parlementaires. En octobre 2022, la sénatrice centriste Nathalie Goulet a déposé une proposition de loi pour que cet article ne puisse plus être utilisé dans le cadre de litiges relevant du droit de la presse. « Mon souhait est d’éviter, autant que possible, le contournement de la loi de 1881 qui définit les libertés et responsabilités de la presse », explique-t-elle. La proposition n’a pas encore été mise à l’ordre du jour par le président de la commission des lois du Sénat.

Au-delà de ces affaires retentissantes, les médias indépendants, les plus fragiles, sont régulièrement attaqués par toutes sortes d’acteurs, qui cherchent à les faire taire. Les procès-bâillons peuvent rendre des rédactions plus frileuses à publier une enquête. Financièrement très coûteuses, ces procédures sont également très chronophages, contraignant les journalistes à préparer leur défense avec leurs avocats.

« La liberté d’informer est en déclin depuis vingt ans, s’alarme Me Renaud Le Gunehec. L’insécurité juridique augmente car s’il est écrit que certaines lois ne s’appliquent pas aux journalistes, c’est aux juges que revient l’appréciation finale. En fonction du contexte ou de leur compréhension du droit de la presse, leurs décisions sont parfois arbitraires. »

Arrêt sur Images, Next Inpact, Reporterre, Mediacités, la liste des titres victimes de SLAPP s’allonge de jour en jour. « Je fais un tour de France des TGI, plaisante Jacques Trentesaux, rédacteur en chef de Mediacités. J’ai 14 procédures récentes, essentiellement des poursuites en diffamation. Je ne parlerais pas de procès-bâillon stricto sensu, car il n’y a pas d’acharnement judiciaire. La majorité des plaintes vient d’élus locaux, vexés par un article incisif. Peu habitués à une presse locale audacieuse, ils veulent écraser le moustique ! »

Les élus sont d’autant plus enclins à attaquer un média qu’ils s’arrangent pour bénéficier de la protection fonctionnelle : tous leurs frais d’avocat sont pris en charge par la collectivité. « Cette protection est trop systématiquement accordée aux élus et renforce l’asymétrie entre le média et le puissant, déplore Jacques Trentesaux. Elle ne devrait pas intervenir quand un élu est mis en cause pour sa gestion. Elle est là pour protéger la fonction, pas ses abus. » Déjà trois procès ont été gagnés par Mediacités. « Le droit nous donne raison mais nous sommes tout de même lourdement affectés par le coût des procédures. Actuellement, nous en sommes à 40 000 euros de frais d’avocat. Tout cela peut nous bâillonner à terme, car nous sommes financièrement fragiles. »

 
Des lois anti-SLAPP existent dans plusieurs États américains, en Australie et au Canada.
 

Même son de cloche chez Arrêt sur Images, poursuivi en diffamation par le cabinet Avisa Partners, un groupe français de conseil spécialisé dans l’e-réputation, la cybersécurité, l’intelligence économique, l’investigation informatique légale et le lobbying. Celui-ci n’a pas aimé les articles exposant sa stratégie visant à inonder les espaces collaboratifs de plusieurs journaux avec de vrais-faux articles rédigés par de vrais-faux experts. Ou son activité consistant à modifier le contenu des pages Wikipédia pour le compte de ses clients. Arrêt sur Images, comme Mediapart ou Reflets, sont attaqués en diffamation par Avisa. « Cette procédure cherche à nous importuner. Ils ne visent pas un propos particulier, comme c’est le cas lorsque l’on veut gagner en diffamation, mais des idées très générales. Cela mobilise les deux auteurs du papier pour préparer la défense. Même si nos lecteurs et nombre d’internautes se sont mobilisés pour nous aider financièrement, c’est chronophage », explique Loris Guémart, rédacteur en chef et directeur de la publication d’Arrêt sur Images.

Dans une proposition de directive européenne, les procédures-bâillons (les SLAPP) sont définies comme « des procédures judiciaires visant le débat public, qui sont totalement ou partiellement infondées et ont pour principal objectif d’empêcher, de restreindre ou de pénaliser le débat public ». Le projet de directive souligne les indices qui peuvent laisser présager qu’une procédure est un procès-bâillon, notamment le « caractère disproportionné, excessif ou déraisonnable de la demande en justice ou d’une partie de celle-ci », « l’existence de procédures multiples engagées par le requérant ou des parties associées concernant des questions similaires » et « l’intimidation, du harcèlement ou des menaces de la part du requérant ou de ses représentants ».

« C’est un grand pas en avant, explique Me Benoît Huet, avocat d’Arrêt sur Images. À l’initiative d’une centaine d’ONG, ce texte, dont s’est saisie l’Europe, sera discuté dans les mois à venir. Actuellement, la question est de savoir si cela ne concernera que les procès impliquant deux pays au moins, ou si cela sera étendu à ceux ne concernant qu’un seul pays de l’Union. Évidemment, ceux qui s’opposent à cette directive estiment que les traités interdisent à l’Europe de se saisir de ce type de sujets. » Globalement, l’idée est de permettre l’interruption de la procédure dès le début de son traitement dès lors qu’il s’agit d’un SLAPP. « Le juge pourrait alors rejeter l’affaire », poursuit l’avocat qui souligne la complexité du sujet : « on ne peut pas interdire aux entreprises ou aux particuliers de saisir la justice pour défendre leurs droits. Dès lors, il faut définir ce qu’est un procès-bâillon et ce n’est pas toujours évident. La Commission s’y attèle. Il faut aussi un volet prévention et sensibilisation ». Toutefois, vu le temps que vont prendre les discussions de la Commission européenne, la directive devrait mettre au moins trois ans à voir le jour. Une fois adoptée, elle devra encore être transposée dans la législation de chaque pays membre pour pouvoir y être appliquée.

Des lois anti-SLAPP existent déjà dans plusieurs États américains, en Australie et au Canada, et des discussions sont en cours en Grande-Bretagne et en Irlande. L’objectif de ces procédures, qu’elles soient pénales, devant le tribunal de commerce, ou civiles, ont généralement le même but : faire taire enquêteurs et lanceurs d’alerte. Il ne s’agit même pas toujours d’aller jusqu’au bout. Certains plaignants se désistent parfois à quelques jours de l’audience. Il n’y a alors ni gagnant ni perdant, mais l’attaquant évite ainsi d’avoir à verser d’éventuels dommages et intérêts, tout en ayant consciencieusement épuisé la partie mise en cause, qui, généralement, a les reins moins solides. C’est exactement ce qui s’est passé pour Inès Léraud, journaliste spécialisée dans les questions d’environnement, poursuivie deux fois en diffamation par un grossiste en agroalimentaire qui s’est désisté juste avant les procès. De même, Vincent Bolloré a renoncé aux poursuites intentées contre les journalistes Nicolas Vescovacci et Jean-Pierre Canet. Mais seulement à l’issue de quatre années de procédure, entraînant perte de temps considérable et frais d’avocats inutiles. En se retirant, le milliardaire s’est assuré d’éviter une condamnation gênante en termes d’image et, accessoirement, d’avoir à payer les frais de justice...

Le groupe Bolloré est coutumier de ce type d’actions. En 2018, il a intenté une action en diffamation contre trois médias (Mediapart, Le Point et L’Obs) et deux ONG qui se faisaient l’écho de plaintes de villageois et d’agriculteurs du Cameroun accusant le groupe de s’accaparer leurs terres. En tout, quelque vingt procédures ont été lancées, suivant leurs cours jusqu’en cassation. Le 11 octobre dernier, la Cour a rejeté la demande, signant une défaite complète et définitive du groupe Bolloré dans ce dossier. Dans son arrêt, la Cour précise notamment : « Les propos poursuivis s’inscrivaient dans un débat d’intérêt général, à savoir l’action du groupe Bolloré en Afrique et ses agissements vis-à-vis de deux entrepreneurs camerounais qu’il aurait ruinés ; ils reposaient sur la base factuelle suffisante de déclarations de tiers » et « les prévenus [Mediapart et la journaliste Fanny Pigeaud] ne pouvaient, compte tenu de ce contexte et de cette base factuelle, se voir reprocher d’avoir manqué de prudence dans l’expression dans des conditions de nature à les priver du bénéfice de la bonne foi ».

 
“Ce qui est grave c’est que l’on assiste à une criminalisation de l’action journalistique, alors que les enquêtes sont sérieuses, et nécessaires à la démocratie.”
 

Dans ces procédures, on relève la disproportion entre les moyens d’un grand groupe international ou d’une collectivité locale et ceux de groupes de presse à la santé financière souvent fragile. « Et la situation ne s’arrange pas avec l’accélération de la concentration des médias aux mains de riches propriétaires et le manque de contre-pouvoirs », s’alarme Édouard Perrin. Renaud Le Gunehec craint des procédures de plus en plus longues et à visées indemnitaires, accroissant encore l’incertitude juridique des journaux. « On pourrait assister à un “forum shopping” où les requérants vont vers les systèmes judiciaires les plus durs envers les journaux, en choisissant par exemple d’attaquer en Angleterre ou au Luxembourg. Bref, les procédures-bâillon, c’est aussi et surtout une question d’imagination. »

« Dans les poursuites-bâillon récentes, les médias comme Reporterre, Reflets ou Mediapart s’en sont sortis renforcés grâce à la mobilisation des confrères, des syndicats et des associations, se réjouit Jacques Trentesaux. Mais je m’inquiète pour l’avenir. Quid des journaux encore plus fragiles ? Ce qui est grave c’est que l’on assiste à une criminalisation de l’action journalistique, alors que les enquêtes sont sérieuses, et nécessaires à la démocratie. »

S’il y a bien un journaliste qui a fait les frais de ces attaques aux moyens démesurés et déloyaux, c’est Denis Robert. Ancien de Libération, il publie en 2001 le livre Révélation$, une enquête sur la chambre de compensation Clearstream. Avec la banque russe Menatep, celle-ci va noyer Denis Robert sous les procès. « Oui, on peut dire que j’ai expérimenté ce que peuvent être et ce que peuvent faire des procès-bâillons », commente l’auteur et fondateur du média indépendant Blast. « Entre la première instance et les appels, j’ai subi plus de 60 procédures, au civil et au pénal, en France, au Luxembourg, en Belgique, au Canada, en Suisse… J’ai eu plus de 400 visites d’huissiers à domicile. Il faut mesurer les effets de ce harcèlement sur une famille ! Dès que je m’exprimais dans la presse, je récoltais une nouvelle plainte… Une usure psychologique s’installe. J’ai été condamné pour un entretien dans le journal Sud-Ouest. Même si vous êtes condamné à un euro symbolique, vous devez débourser 30 000 euros de frais de procédure ! En 2008, après sept ans de procédures, j’étais épuisé. J’ai annoncé que j’arrêtais de m’exprimer sur Clearstream, que les censeurs avaient gagné. Et je me suis concentré sur le combat en Cassation. La cour suprême m’a finalement donné raison, en février 2011. »

En plus d’une victoire juridique définitive, c’est une reconnaissance de son travail : « Les juges ont souligné qu’il s’agissait d’une enquête sérieuse, de bonne foi et servant l’intérêt général. C’est très important. Il faut comprendre que mes livres et mes films avaient été retirés de la vente ! C’est un rouleau compresseur. On est écrasé par le poids financier que l’on a en face de soi, épuisé par les procédures qui effraient tout le monde, éditeurs, distributeurs, déprimé par les réseaux qui se mettent en place pour vous présenter sous un jour négatif… Je n’ai pas été soutenu par les journalistes d’investigation. Certains ont même écrit des articles à charge dans de grands journaux, je suis devenu un paria. Heureusement, des amis comme le dessinateur Lefred-Thouron, l’acteur Guy Bedos, ou le musicien Miossec ont formé comité de soutien et collecté beaucoup d’argent pour que je puisse surmonter cette épreuve. À la fin, il nous restait 800 euros, on a fait un chèque aux Restos du Cœur. » Denis Robert a un regret. Ne pas avoir eu l’énergie nécessaire pour le procès lancé pour préjudice moral. « Le tribunal a estimé que tout cela faisait partie des risques du métier. J’ai obtenu une petite somme mais j’aurais dû poursuivre le combat, pour obtenir une meilleure jurisprudence. Pour dissuader ceux qui veulent attaquer et bâillonner la presse. »...

La justice est de plus en plus utilisée par certains pour empêcher la publication d’informations gênantes. Les instances européennes souhaitent lutter contre ces « procédures-bâillons », financièrement coûteuses.   Un petit crachin tombe sur Nanterre ce 27 septembre 2022. Le fond de l’air est frais... effraie aussi. Le ciel est lourd, comme assombri par les nuages qui planent sur la liberté de la presse. Et plus largement, sur nos libertés fondamentales. Deux journalistes de Reflets.info pénètrent dans le tribunal de commerce. Ils sont convoqués pour répondre d’une supposée violation du secret des affaires. Le procès se passe loin de la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris, habituellement chargée des affaires traitant du droit de la presse ; un dépaysement qui ne doit rien au hasard mais tout aux vœux des avocats du groupe Altice, détenu par le milliardaire Patrick Drahi, qui poursuit ce site d’information. Le juge consulaire prend place tandis que dans la salle, l’AFP et quelques autres journalistes guettent les discussions. La profession s’inquiète de ces procès-bâillons qui se multiplient, attaques sournoises contre la liberté d’expression, pourtant inscrite dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. En leur temps, les révolutionnaires français avaient écrit : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. » Aujourd’hui, c’est plus compliqué. Certains avocats se lancent désormais dans des constructions juridiques savantes…

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