Le mot de l’éditeur #15

William Emmanuel

Le bien le plus précieux de l’être humain est la liberté. Le droit de s’exprimer sans peur et sans censure, d’agir sans autre contrainte que les limites fixées pour permettre à une société humaine de fonctionner harmonieusement, est une aspiration constante et universelle. Dans de nombreux pays, les citoyens sont considérés et traités comme des sujets, étroitement surveillés, constamment brimés par des régimes obsédés par leur seule survie. Mais, même dans les dictatures les plus brutales, et quelque féroce que soit la répression, des vents se lèvent, des voix s’élèvent pour refuser l’inacceptable. En Iran comme au Soudan, en Syrie comme au Cameroun, à Cuba comme en Turquie, des hommes et des femmes osent braver les plus grands périls pour affirmer leur volonté de vivre libres. Emprisonnés ou exilés, ils poursuivent inlassablement la lutte. Assassinés, ils suscitent des émules qui, à leur tour, se saisiront du flambeau. Car l’aspiration à la liberté est immortelle.

Ce mois-ci, Bastille Magazine ouvre ses colonnes à deux combattants de la liberté. Deux personnalités qui ont pris des risques et en ont payé le prix par un exil forcé. Nous avons longuement rencontré Shirin Ebadi et Alexandre Tcherkassov lors du dernier sommet des Napoleons, à Val-d’Isère. Nous avons recueilli leurs témoignages, forts et essentiels.

Première femme présidente d’un tribunal en Iran, Shirin Ebadi a été contrainte à la démission par les mollahs arrivés au pouvoir dans le sillage de l’ayatollah Khomeyni. Elle s’est investie dans la défense des droits de l’homme, aidant des dissidents confrontés au système judiciaire du régime islamique. Ce combat lui a valu le prix Nobel de la paix en 2003. Téhéran a alors tout fait pour essayer de la réduire au silence. Depuis 2009, elle vit en exil à Londres, tout en continuant à suivre de près la situation dans son pays natal. Elle milite pour la séparation de l’État et de la religion et, au-delà, lutte contre l’interprétation que font les hommes des textes religieux pour justifier l’asservissement des femmes.

Alexandre Tcherkassov, de son côté, a présidé le conseil d’administration de l’ONG russe Memorial, créée par Andreï Sakharov, dissoute par le régime russe fin 2021 et colauréate du prix Nobel de la paix en 2022. Pour ce physicien de formation, le bon fonctionnement d’une démocratie repose sur le refus de toute impunité. C’est le sens de son combat depuis plus de trois décennies : recenser les exactions des forces armées russes afin de permettre que le pouvoir politique rende un jour des comptes. Son engagement l’a contraint à l’exil. Ce qui ne l’empêche pas de poursuivre son action. Avec méthode et obstination.

Ce que Shirin Ebadi et Alexandre Tcherkassov nous disent – à nous, citoyens d’un pays démocratique –, c’est que les droits humains sont universels, que la démocratie n’est pas réservée à quelques Occidentaux privilégiés. Ils nous interpellent. Comment pouvons-nous nous gargariser du mot liberté sans agir concrètement en faveur de ceux qui en sont privés ? Nous devons entendre leur message et, comme eux, avec eux, accorder nos actions à nos convictions.



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