Pop Culture

Marion Darrieutort

Être pop, ou comment les dirigeants peuvent s’adapter aux nouvelles tendances de management.

 

« Et moi, je suis POP ? » : c’est la question qui revient le plus souvent lors des rendez-vous clients depuis la publication de mon essai Le Temps des leaders pop. Changer les chefs pour changer le monde. Inévitablement, je réponds que le fait même de se poser la question est une première étape cruciale vers le pop leadership.

C’est ce qui m’est arrivé. J’étais une leader. Une entrepreneuse puissante qui avait coché toutes les cases pour coller au plus près à l’image idéale du job. Une femme, certes, mais aux convictions solides, respectueuse des canons de l’establishment, au premier rang desquels une forme de masculin dans l’approche des relations humaines. Être carnassier, toujours. Participer au concours de muscles. Afficher ses prises de chasses. Dans l’apparat de l’entrepreneur, les attributs de la réussite : voiture pour les hommes, tailleur de marque et sac Chanel pour les femmes. Une forme de sérieux, aussi. De classicisme façon « on a toujours fait comme ça ». D’ennui, peut-être. D’entre-soi surtout. Des codes que j’ai acceptés, voire épousés. Dont j’ai su m’accommoder et même tirer profit. Au détriment, forcément, d’une approche plus primesautière de l’existence, d’une envie de jouer avec les codes, de casser les plafonds de verre, de flirter avec les limites. Une attitude qui fut la mienne durant longtemps, qui a fait en partie mes succès et qui pourtant s’est petit à petit estompée au profit de l’image attendue de l’entrepreneuse.

Je gagnais, mais je m’ennuyais. Je gagnais, mais je ne me sentais plus complètement alignée avec les valeurs que j’avais toujours défendues. Je gagnais, mais dans une certaine mesure, mes collaborateurs perdaient puisque seul comptait le compte de résultats. Je gagnais mais je perdais moi aussi, ne voyant plus réellement le sens de l’entreprise.
 

Comment accepter le fait que tous les codes qui m’avaient jusqu’ici façonnée devaient être urgemment reconsidérés ?
 

La question qui s’est posée, imposée, à moi n’était pas « Suis-je POP ? » mais comment faire pour s’aligner à nouveau ? Comment accepter le fait que tous les codes qui m’avaient jusqu’ici façonnée devaient être urgemment reconsidérés ? Troublantes, ces interrogations m’ont décidée à modifier ma vision des choses, à accepter de me remettre en question, à admettre que, même si j'étais une leader en puissance, j’avais presque tout faux. J’ai choisi de me mettre à nouveau en danger en quittant un poste qui, sur le papier, avait tout de l’idéal.

C’est en s’intéressant à l’image d’Épinal du leader fait d’autorité, de secret, d’entre-soi, de virilité mal placée et de culte de la verticalité que l’on peut comprendre à quel point celle-ci ne correspond plus du tout à la société actuelle. Une société dans laquelle les frontières de l’autorité ont profondément changé et ne sont plus déterminées par une simple position sociale mais bel et bien par la réalité des actes et la sincérité des mots. Une société dans laquelle le culte du secret est bouleversé par les nouveaux outils de la transparence, devenue valeur cardinale en ce qu’elle permet de vérifier que le discours s’accorde aux faits. Une société dans laquelle les femmes, toutes les femmes, sont enfin en train de prendre toute leur place. Celle à laquelle elles ont droit. À égalité avec les hommes, et à leur côté. Une société dans laquelle les nouveaux usages conduisent à une plus grande horizontalité et où la verticalité nécessaire ne peut que résulter d’une réflexion collégiale. Bref, une société qui nous oblige à changer nos habitudes. Qui interpelle en permanence les entreprises et leurs dirigeants. Et dans laquelle l’urgence climatique crée de nouvelles exigences, et notamment celle d’un questionnement différent quant à ce qui est essentiel et ce qui ne l’est pas.

Face au monde qui est là, dans lequel Greta Thunberg devient plus inspirante que Steve Jobs, les dirigeants d’entreprise voient s’ouvrir devant eux deux chemins divergents. Celui du « on a toujours fait comme ça » ou bien celui de la créativité et de l’invention, d’une nouvelle façon d’envisager les rôles du leader et des cadres qui l’entourent, leur place et leur apport à l’entreprise qu’ils animent. À mon échelle, c’est cette voie que j’ai choisi d’emprunter. C’est en songeant à ce besoin d’inventivité et de créativité que je me suis tournée, à nouveau, vers le pop art, cette réinvention des codes sociaux, leur questionnement et leur détournement.

Et si l’esprit pop irriguait les leaders ? C’est cette question, a priori incongrue, qui a lancé ma réflexion. Dans le monde dans lequel nous évoluons, et dans lequel agiront les dirigeants de demain, les besoins de leadership sont bien différents de ceux qui me furent enseignés à l’école. L’interpellation venue des parties prenantes et de la société dans son ensemble, autrefois marginale, se situe désormais au cœur des stratégies d’entreprise qu’il faut imaginer. Pour cela les leaders doivent faire preuve d’un sens de l’écoute aiguisé, mais aussi d’une profonde capacité intuitive à sentir les signaux émergents pour mener leur embarcation sur les flots agités. Les leaders POP doivent ainsi s’immerger dans le monde, dans la société et dans ses tourments, pour en tirer la substantifique moelle qui leur permettra de comprendre les attentes de leurs collaborateurs, de sentir les tendances à venir et, surtout, de ne plus surplomber, mais de faire partie. De prendre place parmi les autres. La dimension populaire (P) du leader POP ne peut être acquise sans ouverture (O), l’empathie et la qualité d’écoute étant bien plus efficaces que l’assertivité autoritaire.

Reste le dernier P. Celui de politique. Le politique, au sens de capacité à embarquer les gens derrière soi, à assumer le pouvoir inhérent à une charge et à brosser l’avenir commun. Qu’est-ce qu’un leader politique ? C’est un humaniste, un activiste, qui élargit le champ de vision de son entreprise, un homme ou une femme capable de voir au-delà de ses problématiques personnelles. Quelqu’un qui permet à ses collaborateurs de se choisir, en plus de leur travail, un combat, une cause, et qui leur permet de les cultiver. « Have a cause, have an impact », dis-je souvent à mes collaborateurs. Cela pour leur signifier qu’il ne suffit pas de se mobiliser pour quelque chose, qu’il s’agit aussi de l’incarner, par une posture mais aussi et surtout par des actes. Cela vaut pour tous les individus, quelle que soit leur place et leur rôle, mais aussi pour les entreprises qui se cherchent des « raisons d’être ».

 
Dans le monde dans lequel nous évoluons, et dans lequel agiront les dirigeants de demain, les besoins de leadership sont bien différents de ceux qui me furent enseignés à l’école.
 

Le leader politique c’est peut-être, aussi, celui qui accepte de se dire, et de dire, qu’il a fait fausse route et qu’il a besoin des autres pour trouver un nouvel horizon. « Si tu veux construire un bateau, ne rassemble pas tes hommes et femmes pour leur donner des ordres, pour expliquer chaque détail, pour leur dire où trouver chaque chose. Si tu veux construire un bateau, fais naître dans le cœur de tes hommes et femmes le désir de la mer », écrivait Antoine de Saint-Exupéry. Donner envie de la mer.

« Et moi, je suis POP ? », telle était donc la question. Le leader POP n’est pas un concept, mais une idée. Comme toutes les idées, elle est en mouvement perpétuel. Un mouvement de balancier entre force de conviction et acceptation de la remise en question. Ce mouvement constitué par une oscillation féconde entre le bien économique de l’entreprise et la recherche de l’utilité pour la communauté. Aussi au-delà de la réponse précise à la question, « Suis-je POP ? », peut-être que le plus intéressant est d’interroger le chemin qui amène à cette question pour et choisir ensuite d’emprunter une autre voie, qui sera plus « POP », justement.

« Désapprendre ce que l’on a appris », dit Yoda à Luke Skywalker dans l’épisode V de la saga Star Wars comme pour lui signifier que les certitudes sont un fardeau trop lourd à porter pour celui qui veut s’améliorer. Remplacer la verticalité par l’horizontalité, ouvrir les écoutilles plutôt que de s’enfermer dans sa tour d’ivoire, partager l’information plutôt que de cultiver le secret, accepter de reconnaître ses faiblesses plutôt qu’afficher une puissance factice, la liste pourrait encore être longue tant le cheminement des leaders vers l’horizon POP s’effectue sur un sentier perpétuellement chahuté par les apports recueillis dans l’ouverture populaire et politique. Et vous, vous êtes POP ?...

Être pop, ou comment les dirigeants peuvent s’adapter aux nouvelles tendances de management.   « Et moi, je suis POP ? » : c’est la question qui revient le plus souvent lors des rendez-vous clients depuis la publication de mon essai Le Temps des leaders pop. Changer les chefs pour changer le monde. Inévitablement, je réponds que le fait même de se poser la question est une première étape cruciale vers le pop leadership. C’est ce qui m’est arrivé. J’étais une leader. Une entrepreneuse puissante qui avait coché toutes les cases pour coller au plus près à l’image idéale du job. Une femme, certes, mais aux convictions solides, respectueuse des canons de l’establishment, au premier rang desquels une forme de masculin dans l’approche des relations humaines. Être carnassier, toujours. Participer au concours de muscles. Afficher ses prises de chasses. Dans l’apparat de l’entrepreneur, les attributs de la réussite : voiture pour les hommes, tailleur de marque et sac Chanel pour les femmes. Une forme de sérieux, aussi. De classicisme façon « on a toujours fait comme ça ». D’ennui, peut-être. D’entre-soi surtout. Des codes que j’ai acceptés, voire épousés. Dont j’ai su m’accommoder et même tirer profit. Au détriment, forcément, d’une approche plus primesautière de l’existence, d’une envie de jouer avec les codes, de casser les plafonds de verre, de flirter avec les limites. Une attitude qui fut la mienne durant longtemps, qui a fait en partie mes succès et qui pourtant s’est petit à petit estompée au profit de l’image attendue de l’entrepreneuse. Je gagnais, mais je…

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