Électricité : L’injuste prix

Hervé Machenaud

Hervé Machenaud, X-Ponts et IEP Paris, a mené toute sa carrière professionnelle au cœur des questions industrielles liées à l’énergie, tant en France qu’à l’étranger, notamment comme directeur exécutif du Groupe EDF pour la production et l’ingénierie.

 

La situation énergétique que connaît actuellement la France résulte de la politique mise en œuvre pour se conformer aux idéologies de l’écologie politique et de la concurrence insufflées par l’Allemagne et portées par la Commission européenne.

 

L’écologie politique, dont la priorité est la lutte contre le nucléaire avant d’être celle contre le réchauffement climatique et la réduction des émissions de CO2, que l’on doit le développement massif des énergies réputées renouvelables et en tout cas intermittentes (ENRi) que sont l’éolien et le solaire et qui, en France, sont non seulement inutiles mais nuisibles et ruineuses. Elles sont inutiles en France parce qu’elles se substituent à la production nucléaire moins émettrice de CO2. En effet, l’électricité n’étant pas stockable, le parc de production doit être dimensionné pour assurer les besoins de la consommation quand la demande est maximale, à savoir les soirs d’hiver lorsque les hautes pressions qui règnent sur l’Europe font chuter les températures. Il n’y a, à ce moment, qui peut durer plusieurs jours, ni vent ni soleil. Il faut alors être en situation de mobiliser, à la demande, les moyens de production nécessaires. La capacité du parc de production, correspondant à ce besoin maximum, doit donc être « pilotable ». En France, ce parc est constitué entre 75 et 80% par le nucléaire, 10 à 15% par l’hydraulique et quelques pourcents par des centrales à charbon ou au gaz. Les chances pour que le vent souffle ou que le soleil brille quand on est obligé d’utiliser du carburant fossile sont infinitésimales. C’est donc essentiellement au nucléaire que l’éolien et le solaire vont se substituer quand ils produisent. Il n’y a aucun bénéfice à attendre du point de vue des émissions de CO2 et donc du climat. Et évidemment aucun non plus du point de vue de l’environnement et de la biodiversité. Avec plus de 250 GW de capacité éolienne en Europe à la fin de 2022, l’ajout d’un seul GW supplémentaire en France est un défi au bon sens et une insulte à l’intérêt général.

 

Les ENRi sont nuisibles car lorsque le vent souffle l’expérience montre qu’il souffle sur la plus grande partie de l’Europe de sorte que les 250 GW d’éolien déjà installés produisent en même temps, les centrales nucléaires françaises réduisent alors leur production au minimum technique, mais ne peuvent pas l’arrêter car les délais de redémarrage sont trop longs. Il y a alors un excédent d’offre et les échanges d’électricité se font à un prix négatif pouvant atteindre -200 €/MWh. C’est ainsi que 170 fois en 2020, le prix de l’électricité a été négatif sur le marché spot. Ce ne sont pourtant pas les éoliennes qu’on arrête puisque leur production a déjà été payée. Elles sont nuisibles parce que la production aléatoire de l’éolien est la cause d’instabilités de réseau qui menacent la sécurité d’approvisionnement et obligent à des renforcements et des maillages de réseaux dont le coût devrait atteindre une centaine de milliards.

 

Les ENRi sont ruineuses : le coût direct payé par la collectivité nationale pour le fonctionnement des éoliennes installées en France, dépasse déjà les 100 milliards d’euros et dépassera très largement les 200 milliards si le programme annoncé par le Président de la République en février 2022 à Belfort voit le jour. Inutilement ! Mais plus encore, la priorité d’accès au réseau dont bénéficient ces énergies conduit, comme nous l’avons vu, à réduire la production des centrales nucléaires quand il y a du vent ou du soleil. Or le coût de production du nucléaire est à 90% un coût fixe, la part du combustible étant très faible. Le nucléaire coûte aussi cher lorsqu’il est arrêté que lorsqu’il produit. De ce fait, la réduction de la durée de production du nucléaire due aux ENRi, renchérit donc, à proportion, son coût moyen.

 
Plus il y aura d'énergies renouvelables en France, plus le prix direct à payer sera élevé et plus le coût du nucléaire augmentera. 

 
L’accès prioritaire des ENRi au réseau résulte d’une mesure exorbitante du droit de la concurrence : leur production fait l’objet d’un achat forfaitaire, qui n’est qu’une subvention cachée. Elles apparaissent donc dans l’ordre de priorité économique avec un prix marginal nul alors que leur coût réel a été payé par ailleurs, à un niveau atteignant 2 à 3, ou même 4 fois le coût de production par les centrales nucléaire. En d’autres termes, plus il y aura d’ENRi en France, plus le prix direct à payer sera élevé et plus le coût du nucléaire augmentera. La France va très vite rejoindre les prix de l’électricité pratiqués en Allemagne qui, il y a peu encore, était deux fois plus élevés que les prix français. Pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Les récentes directives de la Commission Européenne approuvées par la France vont sommer cette dernière d’atteindre un niveau de 40% d’ENRi dans la production d’électricité. Peut-être atteindrons nous les 600 milliards d’euros dépensés par l’Allemagne pour son Energiewende, qui ont peut-être, dans son cas, au moins le mérite de décarboner partiellement une électricité majoritairement produite par du lignite, du charbon et du gaz.

 

Mais c’est l’idéologie de la concurrence qui aura été l’arme principale de la destruction du service public de l’électricité en France et la cause majeure de la hausse massive des prix. Alors que l’énergie est dans les traités un domaine réservé des États, la France a accepté la directive européenne de 1996 définissant les modalités du marché de l’électricité et l’a transposée en droit français en février 2000. Aux termes de cette directive chaque client final doit pouvoir choisir son fournisseur. Afin que les citoyens français et les petites entreprises puissent continuer à bénéficier du faible coût de l’électricité nucléaire, la France a voulu maintenir les tarifs régulés de vente de l’électricité (TRVE) en contradiction avec la règlementation européenne. En contrepartie de quoi, sur les recommandations de la Commission Champsaur, l’administration française a proposé en 2009 qu’EDF cède une partie de sa production à d’autres fournisseurs avec pour objectif d’amorcer une concurrence sur le marché de l’électricité en France. En 2010, la loi NOME (Nouvelle Organisation du Marché de l’Electricité) introduit l’ARENH (Accès Règlementé à l’Électricité Nucléaire Historique) : EDF devra vendre environ le quart de sa production (100 TWh) au prix fixé de 42 €/MWh, intermédiaire entre le coût cash (36 €/MWh) et le coût complet économique (CCE : 61,6€/MWh). Ce dispositif dérogatoire nécessite l’approbation l’Autorité de la Concurrence en France, qui a émis de nombreuses réserves, et celle de la Direction générale de la Concurrence européenne qui donne finalement son accord en 2012 à condition que le processus de l’ARENH permette de développer de la concurrence à la production c’est-à-dire conduise les bénéficiaires à investir dans de nouveaux moyens de production. Il n’en a rien été. La centaine de « fournisseurs alternatifs » qui se sont installés dans ce fromage ne sont en fait que des traders qui s’approvisionnent chez EDF ou sur le marché, selon les conditions de ce dernier.

 

Jusqu’en 2021, les prix de marché ont été en moyenne plus faibles que le prix de l’ARENH, ce qui a permis à ces fournisseurs de faire des offres à un prix inférieur au TRVE d’EDF. Ils ont ainsi détourné, tous les ans et pendant plusieurs années, plus d’un million de clients d’EDF, obligeant EDF à vendre en dessous de son coût complet. Certains, comme Total et Engie, sont même allés jusqu’à dénoncer leur contrat d’approvisionnement à l’ARENH lorsqu’en 2020, les prix sur un marché spot très abondant étaient déprimés. Lorsqu’à la fin de l’année 2021, le marché spot s’est tendu, les prix remontant jusqu’à atteindre 600€/MWh, les « fournisseurs alternatifs », incapables de respecter leurs engagements contractuels vis-à-vis de leurs clients, se sont précipités sur l’ARENH pour lui demander davantage : 160 TWh.

 

C’est cette demande d’ARENH supplémentaire qui provoque la hausse des prix par deux mécanismes parallèles. Deux fois par an la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) fixe l’évolution des TRVE suivant un calcul défini au moment de la création de l’ARENH. Ils sont déterminés sur la base de 70% d’ARENH (42€/MWh) tant que la demande d’ARENH est inférieure ou égale à 100 TWh, et d’une proportion décroissante lorsque la demande dépasse 100 TWh. Le complément est indexé sur une moyenne pondérée des prix pratiqués sur le marché spot européen durant les derniers mois et dernières semaines. À partir du 2 février 2022 (avant la guerre en Ukraine donc), le tarif résultant de ce calcul aurait abouti à une augmentation de 45% des prix régulés en France. Difficilement imaginable à deux mois d’une élection présidentielle ! D’où la mesure imaginée par le gouvernement pour limiter cette augmentation à 4% : la différence sera compensée par une réduction des taxes sur l’électricité (soit 8 milliards d’euros pris en charge par l’État, c’est-à-dire des contribuables), et par une augmentation de 20 TWh du volume de l’ARENH, soit une perte évaluée à 8 milliards d’euros pour EDF, qui a dû racheter l’équivalent sur le marché à un prix prohibitif pour pouvoir vendre à 46 €/MWh l’électricité qu’elle produit, et ainsi permettre à ses « concurrents » de survivre.

 

Du fait de la tension sur les capacités de production française et allemande et de la pénurie de gaz liée à la guerre en Ukraine, les prix spot ont atteint des sommets à la fin de l’année 2022. Le calcul de la CRE qui en résulte conduit à une augmentation des TRVE au 2 février 2023 de … 100% ! Non seulement inacceptable mais impraticable sauf à mettre une grande partie de l’économie française, déjà affaiblie, à genoux. Le gouvernement a donc décidé de « limiter » l’augmentation à 15% et de mettre en place un « bouclier tarifaire » qui devrait, selon certaines estimations, coûter aux Français une centaine de milliards (le coût d’une vingtaine d’EPR2).

 

Est-il utile de rappeler que le prix de l’électricité en France a régulièrement diminué en francs constants depuis la nationalisation d’EDF jusqu’aux années 2000 ? Dans la période 2000-2020, sous l’effet de l’augmentation de la CSPE (Contribution au Service Public de l’Électricité), résultant essentiellement du financement des subventions aux ENRi, il a augmenté de 50%. Ces deux dernières années, il n’a augmenté que de 20%, mais uniquement grâce à une distribution d’argent public historique de plus de 100 milliards !

 

Comment justifier une telle dérive alors qu’EDF pourrait produire 100% des besoins en électricité de la France à un coût d’environ 65 €/MWh, qui n’a pratiquement pas évolué depuis 30 ans ? A défaut de le justifier, on peut au moins tenter de l’expliquer : cela résulte d’un deuxième mécanisme qui, lui aussi, est une conséquence de l’ARENH. Les « fournisseurs alternatifs » n’arrivant plus à honorer leurs engagements contractuels proposent à leurs clients de retourner chez EDF s’ils ne veulent pas voir leur facture multipliée par 3, 4 ou 10. C’est ce que la loi NOME a prévu. EDF voit donc, depuis le début de la crise de l’énergie, le retour d’un million de clients par an vis-à-vis desquels elle n’a aucun engagement et donc pas non plus la production correspondante. Elle doit de ce fait acheter sur le marché spot en sus des 20 TWh supplémentaires de l’ARENH, de quoi alimenter ces « clients prodigues ».

 

Au travers de ces deux mécanismes artificiels créés par la loi NOME et l’ARENH, que sont le calcul de la CRE et les besoins d’approvisionnement d’EDF pour compenser la fourniture à ses « concurrents », l’augmentation des prix spot de l’électricité indexés sur le prix du gaz donne l’apparence d’être la cause de l’envolée des prix en France. D’où la confusion très largement répandue, y compris dans le monde politico-médiatique peu compétent et, hélas, mal informé, selon laquelle c’est le marché européen qui est la cause de l’explosion des prix en France. Or, en l’absence des ENRi et de ces deux dispositifs inventés par cette même France pour complaire à une certaine idée de la construction européenne, les prix en France auraient pu être maintenus au niveau des années 2000.

 

Faut-il réformer le marché européen de l’électricité ? Ce marché est en fait un marché d’équilibre et d’ajustement pour optimiser les échanges entre pays au jour le jour, en fonction des capacités des interconnexions. Tant que celles-ci ne sont pas saturées, les échanges se font en fonction des capacités de production et des prix proposés par les producteurs de chaque pays à ses voisins. Il y a alors couplage entre les marchés nationaux et l’établissement d’un prix communautaire. La règle du merit order ou de préséance économique s’applique logiquement. Mais lorsque ces interconnexions, très limitées, sont saturées, il y a découplage et des prix différents sur les marchés des États membres.

 

Tel qu’ainsi défini, ce « marché européen » n’est en rien critiquable dans la mesure où il permet une optimisation des échanges entre les productions des différents pays. Le problème, c’est qu’il a été totalement dénaturé, d’abord par la directive de 2009 accordant aux ENRi des « tarifs règlementés de vente », c’est-à-dire des obligations d’achat qui sont en réalité des subventions, et ensuite en 2012 par la loi NOME et la mise en place du mécanisme de l’ARENH.

À ces facteurs de l’augmentation du prix de l’électricité, s’ajoute la pénurie créée par la fermeture de plus de 60 GW (dont 20 GW en France) de moyens de production pilotables et, conjoncturellement, par les difficultés techniques apparues sur les réacteurs les plus récents du parc nucléaire. En l’absence de ce dévoiement et d’une politique européenne de gribouilles irresponsables, le marché européen de l’électricité n’exercerait, en France, qu’une influence très marginale, de quelques pourcents, sur le prix de l’électricité.

Il s’agit donc bien moins de réformer le marché européen que de le restaurer en supprimant les distorsions introduites par des dispositions dérogatoires contraires aux principes de la concurrence au nom-même de laquelle elles ont été décidées. Rien ne serait plus facile, il suffirait en effet :

a/ de supprimer comme c’est déjà le cas dans certains pays comme la Finlande, les subventions aux ENRi, moyens de production réputés matures. Elles seraient alors insérées dans les réseaux à leur coût de production réel, permettant de rémunérer les investisseurs, dans l’ordre de préséance économique, comme les autres moyens de production.

b/ de supprimer les TRVE. Des analyses juridiques convergentes ont montré que la suppression unilatérale par la France des TRVE, annulerait, ipso-facto, leur contrepartie qu’est l’ARENH, sans négociation ni démarche auprès de la Commission européenne. EDF redeviendrait alors une entreprise de droit commun dont ce serait à la Commission de prouver qu’elle utilise une position dominante et pratique des tarifs prédateurs. Jamais la Commission n’a été tentée de s’aventurer sur ce terrain. Ce serait d’ailleurs un comble dans la mesure où elle a cautionné pendant dix ans le fait qu’EDF vendent à perte à des revendeurs, réputés concurrents. Quant aux TRVE, qui pourraient défendre aujourd’hui qu’ils protègent encore les consommateurs français lorsque ces derniers ont vu les prix ainsi régulés augmenter de près de 100% en vingt ans et de « seulement 20% » en un an parce qu’EDF et le budget de l’état ont été mobilisés pour qu’ils n’augmentent pas de 100% en février 2023 !

c/ de remettre en cause l’accès prioritaire des ENRi aux réseaux européens,  de refuser les contraintes de la Commission européenne imposant un pourcentage d’ENRi dans la production d’électricité, remplacées par l’exigence d’un taux d’énergies décarbonées. Il est indispensable que chaque pays, conformément au texte des traités, puisse choisir librement son mix énergétique.

Si ces solutions sont aussi simples à mettre en œuvre, pourquoi ne le sont-elles pas ? En d’autres termes : à qui profite le crime ? En tout premier lieu, à l’Allemagne. Berlin a besoin de ses voisins pour gérer l’impasse énergétique dans laquelle elle s’est enfoncée et utilise tous les moyens pour détruire l’avantage compétitif que son parc nucléaire donne à la France. La Commission européenne (CE), aux motifs de protection de l’environnement et de libre concurrence, a été le bras armé de l’Allemagne pour imposer une politique antinucléaire et libéraliser le marché de l’électricité au service de l’Allemagne. « Les gouvernants [allemands]  actuels voient de plus en plus l’Europe comme une simple fonction de la politique de défense des intérêts allemands » a déclaré Joschka Fischer, ancien Vice-Chancelier et ministre des Affaires étrangères allemand, dans un interview au magazine Spiegel en 2008.
L'Allemagne a besoin de ses voisins pour gérer l'impasse énergétique dans laquelle est s'est enfoncée.
« L’Energiewende, considérée comme le fer de lance de la puissance économique allemande ne saurait […] exister sans la coopération de ses voisins. Les États voisins constituent […] une « soupape » naturelle de l’Energiewende, capable de réguler l’instabilité de la production d’électricité allemande issue des énergies renouvelables en absorbant la surcharge ou en répondant au déficit du réseau national. […] Berlin s’est posé au centre de l’équilibrage entre offre et demande. Bien entendu, Berlin s’est dans un premier temps bien gardé de présenter la dimension « européenne » de sa politique énergétique nationale. Cette dernière ne fonctionnant que grâce au maintien d’une position déséquilibrée en faveur de l’Allemagne, les États voisins sont condamnés à subir cette situation afin d’assurer la réussite de l’Energiewende. Dans cette optique, Berlin entend modeler la politique européenne de l’énergie selon ses intérêts afin d’assurer le succès de ses mesures nationales», peut-on lire dans une publication de l'Ecole de guerre économique datée de 2021.

 

Tandis que la Commission prépare une révision des règles du marché de l’électricité qui « ne fonctionne plus », Robert Habeck, ministre de l’Économie et de l’Action climatique allemand, n’hésite pas à affirmer en février 2023 : « L’Europe possède l’un des marchés de l’électricité qui fonctionne le mieux au monde. » et de souligner le rôle de l’Allemagne en tant que « chambre du cœur » du marché européen de l’électricité ?

 

Inutile d’insister sur les manœuvres utilisées par la Commission européenne, pour le compte de l’Allemagne, pour écarter le nucléaire de la taxonomie, pour ne faire référence qu’aux énergies renouvelables plutôt qu’aux énergies décarbonées, et justifier l’usage du gaz au détriment du nucléaire pour produire de l’hydrogène. L’influence allemande au cœur même des institutions et des administrations françaises n’est ignorée de personne. L’OFATE (Office Franco-Allemand pour la Transition Énergétique), outil du lobbying anti nucléaire allemand, a ses bureaux au sein de la Direction Générale de l’Energie et du Climat du Ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Energie. Tandis que l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie), établissement public financé à hauteur de 800 millions d’euros sur le budget de l’état, a organisé le 9 mars 2023, en partenariat avec le même OFATE, un évènement pour favoriser le développement de l’éolien terrestre en Allemagne et en France !

 

Les promoteurs des ENRi, qui sont pour près des deux tiers des investisseurs étrangers (aux deux tiers allemands) tirent, aux dépens des consommateurs et contribuables français, d’énormes profits des garanties d’achat dont ils bénéficient. « Les profits nets après impôt versés aux opérateurs ou à leurs actionnaires peuvent atteindre jusqu’à 30% du chiffre d’affaires, voire plus, après rémunération de tous les intermédiaires du processus industriel. Selon certains comptes disponibles d’entreprises, le rendement d’un projet éolien peut atteindre près de 400 fois la mise de fond initiale de l’opérateur. De grandes fortunes personnelles, évaluées en dizaines voire en centaines de millions d’euros, ont été rapidement constituées par ce système. On les identifie généralement dans les paradis fiscaux. »

 

Les grands bénéficiaires de cette gabegie nationale ont enfin été les fameux « fournisseurs alternatifs », traders-spéculateurs sur un marché perverti. Après avoir aspiré non seulement les consommateurs privés mais aussi des entreprises, des administrations et de grandes institutions publiques, comme le ministère des Armées ou la Ville de Paris, ils absorbent le maximum d’ARENH, renvoient leurs clients à EDF et pour les plus habiles d’entre eux, revendent à EDF au prix spot l’électricité qu’ils lui ont achetée au tarif de l’ARENH.

 

Qu’ils soient producteurs d’ENRi ou fournisseurs alternatifs et souvent les deux, la caractéristique commune de ces profiteurs du système est de s’enrichir de l’argent public. On ne saurait donner une image complète sans souligner que les grands gagnants sont ultimement les fournisseurs de gaz, parmi lesquels TotalEnergies et Engie, également promoteurs d’ENRi et fournisseurs alternatifs.
Qu'ils soient producteurs ou fournisseurs alternatifs, la caractéristique commune de ces profiteurs du système est de s'enrichir de l'argent public. 
Comme l’a ingénument fait remarquer Patrick Pouyané, PDG de Total : « derrière chaque éolienne, il y a du gaz ! » N’était-ce pas également l’objectif de l’Allemagne, après avoir obtenu le démantèlement du nucléaire français et imposé le développement massif d’ENRi dans toute l’Europe, d’être le hub européen de l’approvisionnement en gaz russe.

 

Si sa priorité est bien de défendre le pouvoir d’achat de ses citoyens, la compétitivité de son industrie et l’indépendance nationale, la France a le pouvoir juridique de mettre en œuvre les mesures nécessaires, sans besoin du feu vert de l’Europe. Il suffirait pour cela qu’elle cesse de ponctionner consommateurs et contribuables français pour le plus grand profit des groupes, surtout étrangers, qui s’enrichissent sans risques grâce aux garanties données aux EnRi, et celui des distributeurs alternatifs, parasites qui vivent de la vente à perte imposée à EDF par l’ARENH, sans aucun bénéfice pour les consommateurs français.

 

Supprimer les dérogations au marché et les entraves à la concurrence que sont les subventions aux ENRi et le mécanisme de l’ARENH, rendre à EDF sa liberté d’entreprise industrielle et commerciale, sa responsabilité et sa capacité à gérer un parc de production adapté à la consommation de la France à court, moyen et long terme, sont les conditions nécessaires et suffisantes pour redonner aux consommateurs français une électricité sûre et bon marché.

 

Est-ce le sens de la récente déclaration du nouveau président d’EDF, Luc Rémont, lorsqu’il a insisté sur la nécessité de facturer à ses clients le vrai coût du nucléaire et prendre à leur égard des engagements commerciaux à moyen ou long terme ? On peut le penser. En quoi cela pourrait-il ne pas être favorable à « l’intérêt du consommateur français et la compétitivité de notre économie et de nos industries », comme le laisse entendre la Première ministre ?

 

On pourrait rêver que, comme au bon vieux temps des Messmer et Boiteux, le gouvernement fasse confiance au nouveau président d’EDF, qu’il vient de nommer, pour mettre en œuvre la politique énergétique la plus favorable à la France. D’autant plus que le gouvernement n’a fait, jusqu’ici, la preuve, ni de sa pertinence, ni de sa cohérence, ni de son efficacité. Ce qui, en tout cas, apparaît avec évidence, c’est que faire croire que le système de l’ARENH sert l’intérêt du consommateur français et la compétitivité de nos industries, est une imposture. Prétendre que, au prétexte que le prix de l’ARENH entre dans le calcul des TRVE par la CRE, ce mécanisme permettrait de contenir leur augmentation, est au mieux une preuve d’incompétence, au pire un mensonge. L’ARENH aujourd’hui, ne sert qu’à sauver les « fournisseurs alternatifs » après les avoir enrichis sur le dos des consommateurs et d’EDF. Ce mécanisme a fait la démonstration de son échec. Demandons aux boulangers et à toutes les entreprises fortes consommatrices d’énergie ce qu’elles en pensent. Il n’y aurait pas de pires solutions que la fuite en avant consistant à augmenter encore l’ARENH (pourquoi pas jusqu’à 100% ?), faisant d’EDF une administration simplement chargée de la production d’électricité nucléaire. Retirer à EDF la responsabilité de l’optimisation et de l’adaptation de la production à la consommation mettrait à mort un service public qui a été un des meilleurs atouts économiques de la France. Il n’est pas sûr que ce soit dans l’intérêt de l’Allemagne et en tout cas certainement pas dans celui de l’Europe....

Hervé Machenaud, X-Ponts et IEP Paris, a mené toute sa carrière professionnelle au cœur des questions industrielles liées à l’énergie, tant en France qu’à l’étranger, notamment comme directeur exécutif du Groupe EDF pour la production et l’ingénierie.   La situation énergétique que connaît actuellement la France résulte de la politique mise en œuvre pour se conformer aux idéologies de l’écologie politique et de la concurrence insufflées par l’Allemagne et portées par la Commission européenne.   L’écologie politique, dont la priorité est la lutte contre le nucléaire avant d’être celle contre le réchauffement climatique et la réduction des émissions de CO2, que l’on doit le développement massif des énergies réputées renouvelables et en tout cas intermittentes (ENRi) que sont l’éolien et le solaire et qui, en France, sont non seulement inutiles mais nuisibles et ruineuses. Elles sont inutiles en France parce qu’elles se substituent à la production nucléaire moins émettrice de CO2. En effet, l’électricité n’étant pas stockable, le parc de production doit être dimensionné pour assurer les besoins de la consommation quand la demande est maximale, à savoir les soirs d’hiver lorsque les hautes pressions qui règnent sur l’Europe font chuter les températures. Il n’y a, à ce moment, qui peut durer plusieurs jours, ni vent ni soleil. Il faut alors être en situation de mobiliser, à la demande, les moyens de production nécessaires. La capacité du parc de production, correspondant à ce besoin maximum, doit donc être « pilotable ». En France, ce parc est constitué entre 75 et 80% par le…

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