Le mot de l’éditeur #16

William Emmanuel

Plusieurs pays occidentaux, dont les Etats-Unis et la France, sont confrontés, depuis la fin du Covid, à ce que les experts ont rapidement nommé « La Grande Démission. » Départs du jour au lendemain, refus de prendre des postes dans des entreprises de certains secteurs ayant une image négative, fuite des grandes villes – où sont, généralement, localisés les grands groupes. Situation normale en période de sortie de crise ? Historiquement, on observe, en effet, que les salariés conservent leur poste en période de difficultés macro-économiques et cherchent à en changer quand la situation s’améliore. Cette explication est sans doute rassurante pour les responsables politiques. Et si elle était fausse ?

Et si les salariés voulaient, selon l’expression à la mode, redonner du sens à leur vie. Plus que « le droit à la paresse » mis en avant par certaines figures de l’extrême-gauche, il y a une volonté d’avoir du temps pour soi, pour faire autre chose, même si cela se traduit par une baisse des revenus. Une dégradation du niveau de vie importe peu à des individus, en premier lieu les jeunes, qui refusent, par exemple, de voyager en avion au nom de la protection de la planète ou, plus simplement, de passer leur permis de conduire.

Comme le fait remarquer Jean-Claude Seys, architecte de la création du géant de l’assurance Covea et président de l’Institut Diderot, le temps de travail a été divisé par deux en un siècle mais le temps pour la famille et/ou pour soi n’a pratiquement pas augmenté. Si, grâce aux différentes législations adoptées depuis 1900, un travailleur doit, aujourd’hui, formellement 35 heures par semaine à son employeur, il doit passer beaucoup de temps dans les transports pour rejoindre son poste et en revenir

Selon des statistiques du ministère du Travail, l’aller-retour entre le domicile et le lieu de travail prend, en moyenne, 50 minutes chaque jour. Une moyenne est, bien sûr, trompeuse. Dans l’agglomération parisienne, ce temps est beaucoup plus important pour ceux qui résident en lointaine périphérie. Ajoutons à cela les horaires discontinus imposés à nombre de salariés (dans la grande distribution ou dans la restauration) et on a cette situation effarante où un Français sur cinq dit souffrir de troubles psychiques.

Les travailleurs français semblent, pour beaucoup, épuisés. Pas étonnant qu’ils soient si nombreux à s’opposer à tout report de l’âge de départ à la retraite. Après une vie professionnelle insatisfaisante, ils veulent renouer avec la vie, estimant que le travail la leur vole. C’est un signal d’alerte pour les chefs d’entreprise. Comment attirer et garder des travailleurs ? Comment faire en sorte que travail ne soit pas considéré comme une torture (le mot vient du latin tripalium, qui désignait un instrument de torture) mais comme une activité noble ? Comment passer de travailler à œuvrer, au sens où l’entendent les artisans ?

Est-ce possible dans les grandes organisations ? Les entreprises technologiques américaines cherchent, au-delà des gratifications salariales, à améliorer continûment les conditions de travail de leurs salariés. Pour les fidéliser, bien sûr. Et cela ne semble pas peser sur leur rentabilité. Un modèle à suivre, sans aucun doute.



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