Vies vénitiennes

Nikos Aliagas

Je n’étais jamais venu à Venise avant l’été 2022. Étrange appréhension, peur d’arriver après la fête, de porter le masque de l’intrus s’immisçant dans un décor où grouillent touristes et badauds avides de souvenirs et de selfies. Venise, la Sérénissime, la désirée, celle qui résiste au temps et à la puissance des flots, je l’observe du hublot de l’avion, lopin de terre et de pierre, de marbre et de brique, émergeant de la lagune comme un miracle du monde. Je n’ai jamais de certitudes lorsque j’entame un périple photographique, je suis simplement la lumière et mon instinct. « Sequere deum». Avant de photographier Venise, je la hume en silence, j’écoute ses murmures ancestraux, je devine ses passions, sa lassitude, son urgence. Ceux qui l’habitent me toisent, font mine de m’ignorer. Il faut sortir de la masse bruyante et s’égarer le long de canaux dont l’eau glacée passe du vert au noir en un battement de cil, il faut s’isoler pour suivre du regard, à travers la poussière d’un atelier, les mains de l’artisan qui répètent les mêmes gestes depuis la nuit des temps. A Venise, chaque campo recèle un microcosme industrieux, comme ici dans le cœur du Campo San Polo : le barbier, le marchand de poisson, l’éditeur, la pâtissière, le gondolier, le peintre, le restaurateur, l’organiste, le serveur, la cordonnière. Ici se côtoient le sacré et le païen, la Vierge et la Vénus, sous le regard pensif de l’homme qui se fond dans les volutes de sa cigarette sur son minuscule balcon. Depuis les appartements des palazzi hauts de plafonds, ornés de poutres sculptées et de tableaux au verni craquelé, je devine des silhouettes d’un autre temps qui scrutent le grand canal. Pérégrin, je me perds dans cette Venise qui transforme l’amnésie en poésie. Ici, le visiteur est figurant, simple mortel de passage. Ce monde entre orient et occident devient mien le temps d’une escapade. Lentement, je me laisse envoûter par les ombres humaines qui glissent au loin sur les ponts et se fondent dans la masse pour ne pas perdre le fil. Le fil d’une mémoire jamais rompu, comme une promesse qui s’élève au-delà des murs de la cité, « Veni Etiam ».

La série dont sont tirées ces images est exposée à Venise jusqu'au 26 novembre au Palazzo Vendramin Grimani.

Textes et photographies de Nikos Aliagas. 

 

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Je n’étais jamais venu à Venise avant l’été 2022. Étrange appréhension, peur d’arriver après la fête, de porter le masque de l’intrus s’immisçant dans un décor où grouillent touristes et badauds avides de souvenirs et de selfies. Venise, la Sérénissime, la désirée, celle qui résiste au temps et à la puissance des flots, je l’observe du hublot de l’avion, lopin de terre et de pierre, de marbre et de brique, émergeant de la lagune comme un miracle du monde. Je n’ai jamais de certitudes lorsque j’entame un périple photographique, je suis simplement la lumière et mon instinct. « Sequere deum». Avant de photographier Venise, je la hume en silence, j’écoute ses murmures ancestraux, je devine ses passions, sa lassitude, son urgence. Ceux qui l’habitent me toisent, font mine de m’ignorer. Il faut sortir de la masse bruyante et s’égarer le long de canaux dont l’eau glacée passe du vert au noir en un battement de cil, il faut s’isoler pour suivre du regard, à travers la poussière d’un atelier, les mains de l’artisan qui répètent les mêmes gestes depuis la nuit des temps. A Venise, chaque campo recèle un microcosme industrieux, comme ici dans le cœur du Campo San Polo : le barbier, le marchand de poisson, l’éditeur, la pâtissière, le gondolier, le peintre, le restaurateur, l’organiste, le serveur, la cordonnière. Ici se côtoient le sacré et le païen, la Vierge et la Vénus, sous le regard pensif de l’homme qui se fond dans les volutes de sa cigarette sur…

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