Faste and curious

Jean-Vincent Bacquart

Le 6 mai, Charles III sera couronné. La cérémonie marquera-t-elle l’histoire comme le fit celle de sa mère ?

 

Que ceux qui déplorent que Charles III n’ait pu être reçu en France fin mars pour son premier voyage officiel se rassurent. Lorsqu’il foulera enfin notre sol, dans un avenir sans doute proche, c’est un roi dûment couronné que pourront admirer les afficionados des monarchies ayant échappé au cours de l’histoire. Jamais avant lui, un héritier au trône du Royaume- Uni n’avait autant attendu son tour : c’est quasiment soixante-dix ans après le couronnement de sa mère que l’ancien prince de Galles vivra cet insigne moment. Diffusé en direct sur les chaînes de télévision du monde entier, il pulvérisera forcément les scores d’audience enregistrés le 2 juin 1953. En revanche, il ne pourra sûre- ment pas rivaliser avec la révolution télévisuelle que représenta cet événement du siècle passé. Honi soit qui mal y pense !

À la différence d’un Charles III déjà grand-père de longue date, Elizabeth est une jeune femme de 25 ans lorsque la mort de son père, George VI, l’appelle à ses royales obligations le 6 février 1952. Bien qu’elle soit immédiatement recon- nue reine, il lui faudra patienter quatorze mois avant d’être couronnée. Complexe, l’organisation matérielle de l’événement est confiée à une commission spéciale, présidée par le mari d’Elizabeth, Philip Mountbatten, futur prince consort, qui perdra d’ailleurs le droit de transmettre son nom de famille à ses quatre enfants. Ceux-ci seront des Windsor, comme leur mère.

Listes des invités, itinéraires du cortège, déplacements, timing, chaque détail de l’événement fixé au 2 juin 1953 est mûrement réfléchi. La seule robe de soie blanche que portera Elizabeth connaît une dizaine d’évolutions avant d’être réalisée ; elle arborera les emblèmes des différents États du Commonwealth. C’est que la cérémonie est attendue avec fébrilité du Canada à l’Australie, d’Écosse à Ceylan, d’Irlande du Nord à l’Afrique du Sud. Et les répétitions de s’en- chaîner à un rythme effréné, à peine perturbé par le décès de la grand- mère d’Elizabeth, la reine Mary, en mars 1953.

Le 2 juin au matin, dans un brou- haha d’acclamations et de drapeaux frénétiquement agités, la reine sort du palais de Buckingham pour cheminer dans les rues de Londres, où se sont massés trois millions de spectateurs. À l’abbaye de Westminster, destination finale du cortège, 8 000 privilégiés se pressent dans les froides travées de pierre pour vivre cet instant où l’archevêque de Canterbury déposera la lourde couronne de Saint-Édouard sur la frêle tête. Pour la première fois, des caméras de la BBC filment l’intégra- lité de l’événement. La jeune reine l’a voulu, sans doute consciente que, pour durer, la monarchie britannique doit toucher le cœur de ses sujets et

s’offrir aux regards du monde entier dans son arrogante sérénité. D’une certaine manière, par cette décision, Elizabeth montre à tous qu’elle ne s’appartient plus et qu’elle assume une responsabilité qui dépasse sa simple personne. Le pari est réussi. À une époque où les postes de télévision commencent à peine à entrer dans les foyers, ce sont plus de 270 millions de personnes à travers le monde qui vont pénétrer l’intimité de la cérémonie. Et s’en souvenir longtemps. Alors que certains pays européens ont vécu ce moment historique en direct, ail- leurs dans le monde, les bobines du reportage sont arrivées en un temps record, transportées au-dessus de continents et océans par des avions de la Royal Air Force ou des jetliners aux ailes argentées.

On entend souvent dire que le premier pas de Neil Armstrong sur notre satellite, en 1969, marque le début de l’ère télévisuelle de masse. Pourtant, le lendemain du couronnement d’Elizabeth, un journaliste français avait noté : « La télévision grâce au couronnement a fait la conquête du grand public. »

 

Historien, éditeur, Jean-Vincent Bacquart est doctorant à Sorbonne Université, attaché au Centre d’histoire du xixe siècle. Ses recherches portent sur les ordres religieux et militaires, dont l’ordre du Temple et ses résurgences apparues aux xviiie et xixe siècles.

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Le 6 mai, Charles III sera couronné. La cérémonie marquera-t-elle l’histoire comme le fit celle de sa mère ?   Que ceux qui déplorent que Charles III n’ait pu être reçu en France fin mars pour son premier voyage officiel se rassurent. Lorsqu’il foulera enfin notre sol, dans un avenir sans doute proche, c’est un roi dûment couronné que pourront admirer les afficionados des monarchies ayant échappé au cours de l’histoire. Jamais avant lui, un héritier au trône du Royaume- Uni n’avait autant attendu son tour : c’est quasiment soixante-dix ans après le couronnement de sa mère que l’ancien prince de Galles vivra cet insigne moment. Diffusé en direct sur les chaînes de télévision du monde entier, il pulvérisera forcément les scores d’audience enregistrés le 2 juin 1953. En revanche, il ne pourra sûre- ment pas rivaliser avec la révolution télévisuelle que représenta cet événement du siècle passé. Honi soit qui mal y pense ! À la différence d’un Charles III déjà grand-père de longue date, Elizabeth est une jeune femme de 25 ans lorsque la mort de son père, George VI, l’appelle à ses royales obligations le 6 février 1952. Bien qu’elle soit immédiatement recon- nue reine, il lui faudra patienter quatorze mois avant d’être couronnée. Complexe, l’organisation matérielle de l’événement est confiée à une commission spéciale, présidée par le mari d’Elizabeth, Philip Mountbatten, futur prince consort, qui perdra d’ailleurs le droit de transmettre son nom de famille à ses quatre enfants. Ceux-ci seront des Windsor, comme leur mère.…

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