De l’univers, nous ne savons rien ou presque. La matière noire, l’énergie sombre et les trous noirs sont parmi les plus grands mystères de la science moderne. Mais la poésie semble parfois avoir devancé les connaissances. Lorsque dans mon enfance je levais les yeux vers le ciel des claires nuits provençales, les étoiles m’intriguaient moins que le noir qui les sépare, c’est-à-dire l’espace. De quoi est-il fait ? De néant, de vide, ou bien d’une « chair » invisible à nos yeux ? Sans doute est-ce là l’origine lointaine de ma vocation d’astrophysicien et du travail que j’ai pu accomplir sur ces mystères de la cosmologie d’aujourd’hui que sont les trous noirs, la matière noire et l’énergie sombre… Comme le philosophe grec Héraclite en avait eu l’intuition vingt-cinq siècles auparavant, « Nature aime se cacher ». « Tout ce qui compte se passe dans l’invisible », écrira encore Maurice Maeterlinck dans Avant le grand silence (1934) tandis que la double révolution relativiste et quantique conduisait à un bouleversement complet de notre regard sur le monde. De fait, l’une des plus stupéfiantes découvertes de l’astrophysique moderne et de sa discipline reine – la cosmologie, science de l’univers dans son ensemble – est d’avoir compris que la lumière n’offre qu’un reflet très partiel de la réalité du cosmos. Après les remarquables avancées astronomiques des cent dernières années – découverte de l’existence de centaines de milliards de galaxies, de l’expansion de l’univers, et de lois gouvernant l’évolution des étoiles –, l’avènement de la « matière noire », la révélation de « l’énergie sombre » et…
