Combattre la murdochisation

William Emmanuel

Après six semaines de grève, Le Journal du dimanche a reparu le 6 août en adoptant la ligne éditoriale du nouveau directeur de la rédaction, marqué à l’extrême droite. Ce n’est pas une surprise. L’issue de la bataille entre des journalistes et un propriétaire riche et puissant est toujours prévisible : c’est celui qui paie qui gagne à la fin. Surtout quand le pouvoir politique ne cherche pas à défendre résolument la liberté d’informer. Faut-il pour autant renoncer à se battre ? Évidemment non, mais il convient de comprendre les mouvements en cours dans la fabrique de l’information.

L’initiateur de la radicalisation à l’extrême droite des médias occidentaux se nomme Rupert Murdoch. Cet Australo-Américain ne n’est jamais contenté de gagner de l’argent avec ses titres (The Times, The Sun, The Wall Street Journal, Fox News, etc.). Il a voulu peser sur le débat politique, se voyant comme une sorte de deus ex machina de la géopolitique mondiale. Bien qu’il se place franchement à l’extrême droite, cela ne l’empêche pas de nouer des relations étroites avec les dictatures, en particulier avec la Chine, quand cela est nécessaire pour ses affaires.

Si Fox News impose l’agenda politique aux États-Unis, n’oublions pas qu’elle ne réunit en moyenne que 1,5 million de téléspectateurs (sur 332 millions d’individus) chaque jour. En clair, cette chaîne a l’influence que la classe politique veut bien lui donner. Du reste, si elle demeure rentable, elle a de plus en plus de mal à attirer les grands annonceurs car son public, vieux, blanc et ultraconservateur, ne constitue pas une cible intéressante pour les publicitaires. Surtout, des polémiques provoquées par l’ancien présentateur suprémaciste Tucker Carlson avaient conduit des associations antiracistes à lancer des campagnes de boycott, forçant des entreprises à cesser la publicité sur Fox News. Le même phénomène a été observé sur Twitter suite à son rachat par Elon Musk. Ce réseau social opérant comme un métamédia, qui a basculé du côté du Parti républicain, a reconnu avoir perdu la moitié de ses recettes publicitaires. Une marque réputée peut-elle accepter d’associer son image avec une publication d’extrême droite ?

Pour combattre la « murdochisation », faire pression sur les annonceurs peut donc être efficace. Certaines grandes fortunes qui acquièrent des médias pour propager leurs idées ne se soucient sans doute pas de la rentabilité. Néanmoins, le boycott est une arme dont l’utilisation doit, plus que jamais, être envisagée contre les discours de haine. Surtout si cela s’accompagne d’enquêtes approfondies sur certaines activités de ces nouveaux conquistadors des médias.

D’aucuns peuvent se demander s’il faut s’inquiéter de cette « murdochisation » alors que les publications traditionnelles voient leur diffusion décliner et que les nouvelles technologies permettent de créer des médias en ligne à moindre coût, parfois avec succès. Oui, car le système médiatique actuel – avec des chaînes d’information en continu et des sites Internet qui ne cherchent que le clash – est ainsi fait que celui qui crie plus fort que les autres a de grandes chances de dominer le cycle d’informations, pendant quelques heures au moins.

Au-delà du combat contre les nouveaux croisés ultraconservateurs des médias, il convient d’être vigilant face aux initiatives du pouvoir politique. La presse a pour objectif prioritaire de demander des comptes au nom des citoyens. L’exécutif a du mal à s’y faire. Il cherche donc, régulièrement, des moyens de museler la presse. Un exemple récent visant à protéger les journalistes, l’European Media Freedom Act, dont la version éditée en juin par le Conseil européen offre la possibilité aux États membres de surveiller les outils de communication des journalistes au prétexte de garantir la « sécurité nationale ». Si la France a protesté contre cette disposition, elle a fait adopter, au même moment, dans le cadre du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice, un article ouvrant la possibilité d’activer à l’insu des personnes visées la géolocalisation ainsi que les micros et caméras de leurs appareils connectés. En principe, la décision est prise par un juge et ne peut concerner les journalistes ou les avocats. Le Conseil national des barreaux a dénoncé « une possible banalisation des atteintes aux libertés individuelles ».

Les défenseurs de la presse doivent donc aujourd’hui se battre sur deux fronts : contre les propriétaires qui voient dans les médias de simples vecteurs d’un combat idéologique et contre les dirigeants politiques lancés dans une surenchère sécuritaire non dénuée d’arrière-pensées orwelliennes. ...

Après six semaines de grève, Le Journal du dimanche a reparu le 6 août en adoptant la ligne éditoriale du nouveau directeur de la rédaction, marqué à l’extrême droite. Ce n’est pas une surprise. L’issue de la bataille entre des journalistes et un propriétaire riche et puissant est toujours prévisible : c’est celui qui paie qui gagne à la fin. Surtout quand le pouvoir politique ne cherche pas à défendre résolument la liberté d’informer. Faut-il pour autant renoncer à se battre ? Évidemment non, mais il convient de comprendre les mouvements en cours dans la fabrique de l’information. L’initiateur de la radicalisation à l’extrême droite des médias occidentaux se nomme Rupert Murdoch. Cet Australo-Américain ne n’est jamais contenté de gagner de l’argent avec ses titres (The Times, The Sun, The Wall Street Journal, Fox News, etc.). Il a voulu peser sur le débat politique, se voyant comme une sorte de deus ex machina de la géopolitique mondiale. Bien qu’il se place franchement à l’extrême droite, cela ne l’empêche pas de nouer des relations étroites avec les dictatures, en particulier avec la Chine, quand cela est nécessaire pour ses affaires. Si Fox News impose l’agenda politique aux États-Unis, n’oublions pas qu’elle ne réunit en moyenne que 1,5 million de téléspectateurs (sur 332 millions d’individus) chaque jour. En clair, cette chaîne a l’influence que la classe politique veut bien lui donner. Du reste, si elle demeure rentable, elle a de plus en plus de mal à attirer les grands annonceurs car son public, vieux, blanc et ultraconservateur, ne constitue pas une…

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