Super man

Jean-Vincent Bacquart

En pleine guerre froide, une simple erreur informatique aurait pu coûter la vie à une partie de l’humanité.

 

La nuit du 26 septembre 1983, quand le dieu Technologie a déraillé, s’apprêtant à réduire en cendres des milliards d’existences, un homme a fait bouclier. Face à des machines supposées infaillibles, Stanislav Petrov, n’ayant pour armes que la raison et l’intelligence, a sauvé notre monde. Né à Vladivostok en 1939, ce fils de pilote de chasse sort en 1972 de l’académie d’ingénierie de l’aviation militaire de Kiev. Lieutenant-colonel des forces de défenses antiaériennes soviétiques, il rejoint bientôt une unité spécialisée dans la détection des missiles nucléaires ennemis. Jour après jour, dans les profondeurs de la base de Serpoukhov-15, à une centaine de kilomètres au sud de Moscou, il scrute inlassablement les moniteurs où s’affichent les données émises par les satellites espions survolant les États-Unis.

En septembre 1983, la guerre froide connaît un regain d’intensité. Et pour cause. Le 1er du mois, un Boeing 747 de Korean Air Lines, ayant malencontreusement dévié de sa trajectoire, a été abattu par un chasseur à l’étoile rouge. Depuis, des deux côtés du rideau de fer, les forces de l’Otan et celles du Pacte de Varsovie sont en alerte maximale. C’est dans ce contexte tendu qu’au soir du dimanche 25 septembre 1983, Stanislav Petrov et son équipe prennent leur tour de garde dans la salle de contrôle de Serpoukhov-15.

À 0 h 15, un message d’alerte tire les hommes de leur torpeur. Petrov bondit de sa chaise. Le système informatique antimissile Krokus relaie en direct une information sidérante, captée par le satellite Cosmos 1382. Un silo de la base américaine de Malmstrom, dans le Montana, vient de « cracher » un missile nucléaire Minuteman III. Autour de Petrov, tous savent que le lanceur est programmé pour libérer trois têtes nucléaires devant rayer de la carte des villes soviétiques. Alors que la panique commence à gagner les opérateurs et que Petrov tente de les calmer, l’alarme se déclenche une nouvelle fois. Quatre autres missiles intercontinentaux viennent de prendre l’air.

Si l’URSS est visée, la riposte doit intervenir au maximum dans les trente minutes, avant que les ogives ennemies atteignent leurs objectifs. Pour cela, Petrov, en tant qu’analyste--expert, doit confirmer à ses supérieurs qu’une attaque a bien lieu. À eux seuls, les cinq missiles qui foncent vers son pays représentent un pouvoir de destruction infiniment supérieur à toutes les bombes larguées durant la Seconde Guerre mondiale, bombes atomiques comprises !

Que vaut un esprit humain face à la capacité de calcul d’un ordinateur, à des données indiquant qu’il faut atomiser les États-Unis et leurs alliés ? Petrov est un soldat, il doit réagir sans faiblesse, comme une machine. Au milieu des techniciens affolés qui confirment que l’informatique ne dysfonctionne pas, dans le tumulte des sonneries d’alerte, harcelé par des supérieurs qui veulent des réponses, Petrov temporise et réfléchit. En effet, attaquer l’URSS avec 5 missiles nucléaires, alors qu’on en possède 500, et s’exposer à une riposte disproportionnée, n’a aucun sens. De plus, en ingénieur chevronné, il se méfie des systèmes électroniques, trop récents pour avoir prouvé leur fiabilité.

Petrov a pris sa décision. Les minutes s’écoulent et il continue de confirmer à l’état-major que l’attaque est une chimère. Il attend, fébrile, les rapports provenant des radars au sol. Si un missile finit par apparaître réellement sur un de leurs écrans, alors les trois têtes nucléaires qu’il transporte détonneront quinze secondes plus tard… Les données arrivent enfin. Rien. Aucun écho. Pas de fusée déchirant l’azur à 28 000 kilomètres heure pour semer la mort.

Voilà comment un homme seul, un inconnu perdu au fond d’une obscure installation secrète, vient d’éviter une déflagration mondiale voulue par des machines qui n’ont pour âme qu’une suite de 0 et de 1. L’explication viendra plus tard : des satellites avaient pris le reflet du soleil sur des nuages pour la signature thermique de missiles au décollage… ...

En pleine guerre froide, une simple erreur informatique aurait pu coûter la vie à une partie de l’humanité.   La nuit du 26 septembre 1983, quand le dieu Technologie a déraillé, s’apprêtant à réduire en cendres des milliards d’existences, un homme a fait bouclier. Face à des machines supposées infaillibles, Stanislav Petrov, n’ayant pour armes que la raison et l’intelligence, a sauvé notre monde. Né à Vladivostok en 1939, ce fils de pilote de chasse sort en 1972 de l’académie d’ingénierie de l’aviation militaire de Kiev. Lieutenant-colonel des forces de défenses antiaériennes soviétiques, il rejoint bientôt une unité spécialisée dans la détection des missiles nucléaires ennemis. Jour après jour, dans les profondeurs de la base de Serpoukhov-15, à une centaine de kilomètres au sud de Moscou, il scrute inlassablement les moniteurs où s’affichent les données émises par les satellites espions survolant les États-Unis. En septembre 1983, la guerre froide connaît un regain d’intensité. Et pour cause. Le 1er du mois, un Boeing 747 de Korean Air Lines, ayant malencontreusement dévié de sa trajectoire, a été abattu par un chasseur à l’étoile rouge. Depuis, des deux côtés du rideau de fer, les forces de l’Otan et celles du Pacte de Varsovie sont en alerte maximale. C’est dans ce contexte tendu qu’au soir du dimanche 25 septembre 1983, Stanislav Petrov et son équipe prennent leur tour de garde dans la salle de contrôle de Serpoukhov-15. À 0 h 15, un message d’alerte tire les hommes de leur torpeur. Petrov bondit de sa chaise. Le système informatique antimissile Krokus relaie…

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