Sondage exclusif OpinionWay

France, ta démocratie fout le camp

Frédéric Micheau

Notre étude livre un constat brutal : un Français sur deux a le sentiment de ne plus vivre dans un pays démocratique. Mais une majorité de citoyens estiment aussi que des solutions existent pour renverser cette tendance.

Aujourd’hui, diriez-vous que la France est très, assez, peu ou pas du tout démocratique ?

Le sentiment de vivre dans une démocratie est davantage partagé par les hommes (54 %), les personnes âgées de plus de 65 ans (55 %), les personnes les plus diplômées (58 % de celles ayant un niveau supérieur à bac+2), en particulier les cadres et professions intellectuelles supérieures (61 %). À travers ces différentes sous-catégories de la population, on retrouve le profil des personnes les plus intéressées par la politique, mais aussi les plus favorisées socialement et économiquement.

À l’inverse, le sentiment que la France est un pays « peu » ou « pas du tout » démocratique est plus exprimé par les femmes (53 %), par les catégories populaires (53 %), en particulier les employés (55 %), par les salariés du public (55 %) et par les chômeurs (72 %). La génération des personnes âgées de 50 à 64 ans se distingue (58 %) : est-ce l’effet de la récente réforme des retraites, qui les concerne au premier chef ?

Les sympathisants de la majorité présidentielle (86 %) et de la droite (60 %) s’accordent davantage sur l’aspect démocratique du pays ; ceux de la gauche radicale (58 %) et de l’extrême-droite (63 %), majoritairement, ne le reconnaissent pas.

 

Diriez-vous que depuis quelques années l’état de la démocratie en France s’améliore, reste stable, se détériore ?

Le jugement des Français sur l’évolution passée de l’état de la démocratie en France confirme cette vision générale très dépréciée. Les interviewés considérant qu’il s’améliore se retrouvent essentiellement parmi les personnes âgées de 18 à 24 ans (9 % d’entre elles ont cette opinion), c’est-à-dire celles qui disposent le moins du recul nécessaire pour apprécier cette évolution. Le sentiment de stabilité démocratique est ressenti principalement par les cadres et professions supérieures (28 %) et les électeurs d’Emmanuel Macron (39 %).

Le sentiment de la détérioration de l’état de la démocratie française est majoritaire dans toutes les catégories de la population. Massif, ce constat est encore plus dressé par les femmes (78 %), les habitants des communes rurales (79 %), les personnes sans diplôme (78 % contre 70 % pour les plus diplômées) et par les ouvriers (83 %, contre 62 % chez les cadres et professions intellectuelles supérieures). Les électeurs de Jean-Luc Mélenchon (85 %) et Marine Le Pen (85 %) observent davantage cette dégradation.

 

Selon vous, chacun des principes démocratiques suivants est-il bien ou mal respecté aujourd’hui en France ? 

Cette sombre perception globale se décline à propos de l’application concrète des grands principes démocratiques. Parmi les onze principes testés, seuls quatre sont jugés « bien respectés » aujourd’hui en France par une majorité de personnes interrogées. Seuls 15 % des interviewés estiment qu’ils le sont tous.

La liberté d’association (69 %) constitue le principe démocratique le mieux respecté selon les Français. La tenue régulière d’élections libres et équitables se classe en deuxième position (62 %). Mais la suspicion à l’égard de l’honnêteté du processus électoral concerne plus d’un tiers des citoyens (36 %). Une courte majorité des interviewés considère également que la liberté d’expression (53 %) et le pluralisme politique (53 %) sont bien respectés aujourd’hui en France.

En revanche, les Français portent un regard sévère sur l’application du principe de laïcité, c’est-à-dire la séparation entre l’État et les organisations religieuses (48 %), et le respect des droits des minorités (48 %). L’application de ce dernier principe est encore plus mal appréciée par les jeunes de 18 à 24 ans (33 %) et par les électeurs de Jean-Luc Mélenchon en 2022 (36 %).

La séparation des pouvoirs semble mal respectée (47 %), tout comme l’indépendance de la justice (46 %) ou des médias (46 %). L’accès aux informations concernant les décisions politiques et la gestion de l’État n’est respecté que pour 45 % des interviewés. Enfin, véritable point noir, l’égalité de tous les citoyens devant la loi, principe fondamental qui garantit l’absence d’arbitraire, n’est bien respecté que pour 33 % de la population.

 

Très peu visibles, les élus incarnent mal la démocratie. Savez-vous qui sont aujourd’hui… :

Les hommes plus que les femmes, les personnes âgées de plus de 65 ans plus que les plus jeunes et les cadres davantage que les employés et les ouvriers déclarent connaître davantage chacun des élus. Parmi ces catégories traditionnellement plus politisées, il manque les ruraux, qui désormais ne se distinguent plus du reste de la population.

Cette méconnaissance globale s’accompagne d’un manque de contact direct avec les élus. À l’exception de leur maire, que 57 % des Français ont déjà rencontré, les élus quels qu’ils soient n’ont été en lien qu’avec 10 % de la population dans le meilleur des cas (le député). L’absence de visibilité des élus sur le terrain, en particulier des élus locaux autres que municipaux, affaiblit la démocratie de proximité et ne permet pas à la représentation politique de s’exercer correctement.

Les ruraux rencontrent en plus grand nombre leur maire (81 %). Mais le contact avec les autres élus n’est pas plus fréquent en zones rurales qu’ailleurs, comme cela fut le cas naguère.

 

Êtes-vous d’accord avec chacune des affirmations suivantes ? Les élus… :

Les élus souffrent de perceptions extrêmement négatives, voire stéréotypées. Les reproches adressés traditionnellement au personnel politique demeurent très vivaces. Les élus sont d’abord soupçonnés de ne pas remplir honnêtement leur rôle et ne pas être au service des citoyens. Ils n’exercent pas « le pouvoir dans l’intérêt général » selon 61 % de la population. Et ils ne sont pas « indépendants des intérêts particuliers » pour 68 % des interviewés.

L’accusation de déconnexion par rapport au vécu des Français est exprimée avec force. 68 % des interviewés estiment que les élus « ne comprennent pas les attentes des citoyens ». En conséquence, deux tiers considèrent qu’ils « ne les prennent pas en charge » (68 %). Seuls les sympathisants de la majorité présidentielle se montrent moins critiques sur ce double aspect : 56 % jugent que les élus comprennent les attentes des citoyens et 54 % qu’ils les prennent en charge.

La question de l’authenticité de la parole politique est au cœur de la défiance entre gouvernants et gouvernés. Seuls 21 % de la population estiment que les élus tiennent leurs promesses. Les plus critiques sont les personnes âgées de 50 à 64 ans (86 %) et les électeurs d’Éric Zemmour (89 %).

Notons enfin, à la décharge des élus, que 47 % des Français reconnaissent qu’ils ne peuvent pas « véritablement compter sur la bonne volonté des citoyens ». Les élus ne disposent pas non plus « réellement des pouvoirs qui leur sont confiés » pour 54 % de la population.

 

Diriez-vous que l’appartenance à l’Union européenne renforce, affaiblit ou n’a aucun impact sur la démocratie en France ?

Le projet européen est davantage perçu comme un affaiblissement par les personnes âgées de 50 à 64 ans (57 %) et les personnes non-diplômées (58 %). Cette perception est aussi davantage partagée par les interviewés estimant que la démocratie se détériore depuis quelques années (58 %).

Politiquement, les sympathisants du Parti communiste (66 %) et de La France insoumise (55 %) d’une part, ceux du Rassemblement national (70 %) et, surtout, de Reconquête (94 %) d’autre part, voient l’Union européenne comme un facteur de fragilisation démocratique.

 

Avez-vous le sentiment que la démocratie est en danger aujourd’hui en France ?

Les femmes (75 %), les habitants des communes rurales (77 % contre 63 % des habitants de l’agglomération parisienne), les personnes les moins diplômées (76 %) et les employés (78 %) ressentent davantage cette menace.

Quand il est demandé aux Français d’identifier à travers une question ouverte le principal danger qui menace la France, les premières réponses apportées concernent en priorité « l’exercice du pouvoir en France » (26 %), qui comprend « une pratique autoritaire du pouvoir » (14 %). Emmanuel Macron et son gouvernement sont directement mis en cause (8 %). Ensuite, des phénomènes sociaux sont cités : l’immigration (12 %), l’islam (6 %) puis les inégalités et les injustices (5 %).

L’évolution de la vie politique (18 %) serait aussi de nature à menacer la démocratie. Cette catégorie de réponses renvoie notamment à « la montée des extrémismes » (11 %) et, dans une moindre mesure, à « la perte de culture politique des citoyens » (4 %). Enfin, la situation de la France dans le monde (5 %) et l’insécurité (4 %) sont avancées comme des dangers pour la démocratie, mais dans des proportions relativement faibles.

 

Les changements ou phénomènes suivants seraient-ils efficaces pour améliorer la démocratie en France ?

Pour renforcer la démocratie, 73 % des personnes interrogées pensent qu’il faudrait reconnaître le vote blanc. Elles sont nombreuses à penser qu’il faudrait aussi recourir plus souvent au référendum (70%) – qui n’a pas été utilisé au plan national en France depuis plus de dix-huit ans – et instaurer le référendum révocatoire (67%), c’est-à-dire la possibilité pour les citoyens de destituer les élus avant la fin de leur mandat.

Plusieurs mesures électorales sont ensuite citées. Permettre le vote à distance pour les élections est identifié comme une solution par 63 % des Français. L’élection de l’Assemblée nationale au scrutin proportionnel est jugée efficace par une majorité d’interviewés (61 %), comme le fait de rendre le vote obligatoire (57 %). Votée en 2014, l’interdiction du cumul des mandats pour les élus est, pour 57 % des Français, une mesure qu’il faudrait supprimer. De la même façon, le retour du clivage gauche-droite et d’un paysage politique dual et non plus tripartite est également vu comme un remède à la situation actuelle (55 %).Enfin, une seule piste de réforme démocratique envisagée est rejetée par les Français : il s’agit la suppression du Sénat, qui recueille cependant 39 % d’avis favorables.

 

Diriez-vous que la situation de la France serait meilleure, moins bonne ou identique si nous n’étions pas en démocratie ?

Malgré un constat globalement très sombre sur l’état de la démocratie en France, ce régime politique demeure aux yeux des Français « le pire système de gouvernement, à l’exception de tous les autres qui ont pu être expérimentés dans l’histoire », conformément à la formule de Churchill. 56 % des Français ont conscience que leur situation serait « moins bonne » si l’organisation politique ne prenait pas la forme d’une démocratie. Ces résultats sont encore plus marqués en ce qui concerne la situation de la France, qui serait moins bonne pour quasiment deux tiers des interviewés (63 %).

Il faut toutefois s’attarder sur un résultat très évocateur. Plus d’un quart des personnes interrogées (27 %) estiment que la situation de la France serait « identique » à ce qu’elle est aujourd’hui si le pays n’était plus une démocratie. Plus saisissant encore, 35 % des interviewés considèrent que leur situation personnelle serait équivalente dans cette hypothèse. Il s’agit plutôt des Franciliens (40 %), des ruraux (41 %), des salariés du secteur public (41 %), des professions intermédiaires (45 %) et, majoritairement, des sympathisants de Reconquête (58 %).

Ces deux chiffres, qu’il faut lire comme des alertes graves, indiquent qu’au-delà de la crise de confiance qui altère le lien entre les gouvernants et les gouvernés, c’est l’attachement même au système démocratique qui subit ses premiers ébranlements. 

 

Sondage OpinionWay réalisé auprès d’un échantillon de 1 035 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, constitué selon la méthode des quotas, au regard des critères de sexe, d’âge, de catégorie socioprofessionnelle, de catégorie d’agglomération et de région de résidence....

Notre étude livre un constat brutal : un Français sur deux a le sentiment de ne plus vivre dans un pays démocratique. Mais une majorité de citoyens estiment aussi que des solutions existent pour renverser cette tendance. Aujourd’hui, diriez-vous que la France est très, assez, peu ou pas du tout démocratique ? Le sentiment de vivre dans une démocratie est davantage partagé par les hommes (54 %), les personnes âgées de plus de 65 ans (55 %), les personnes les plus diplômées (58 % de celles ayant un niveau supérieur à bac+2), en particulier les cadres et professions intellectuelles supérieures (61 %). À travers ces différentes sous-catégories de la population, on retrouve le profil des personnes les plus intéressées par la politique, mais aussi les plus favorisées socialement et économiquement. À l’inverse, le sentiment que la France est un pays « peu » ou « pas du tout » démocratique est plus exprimé par les femmes (53 %), par les catégories populaires (53 %), en particulier les employés (55 %), par les salariés du public (55 %) et par les chômeurs (72 %). La génération des personnes âgées de 50 à 64 ans se distingue (58 %) : est-ce l’effet de la récente réforme des retraites, qui les concerne au premier chef ? Les sympathisants de la majorité présidentielle (86 %) et de la droite (60 %) s’accordent davantage sur l’aspect démocratique du pays ; ceux de la gauche radicale (58 %) et de l’extrême-droite (63 %), majoritairement, ne le reconnaissent pas.   Diriez-vous que depuis quelques années l’état de la démocratie en France s’améliore, reste stable, se détériore ? Le jugement des Français…

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