Feydeau fait-il rire aujourd’hui autant qu’en 1907 ? A-t-il encore la portée qu’il eut à l’époque, non seulement auprès d’un parterre de lettrés parisiens, mais aussi d’un public plus large ? À l’heure des séries Netflix, des Reels Instagram, du zapping et du « tout-tout de suite », il est évident que les codes sont bouleversés, que le public a évolué – et que Feydeau, lui aussi, doit être adapté. Changer, oui, mais tout en restant lui-même.
Une entreprise audacieuse, donc, mais dont la metteuse en scène Lilo Baur s’acquitte avec brio. Plutôt que le Paris bourgeois du début du XXème siècle, plutôt que le nôtre, elle fait le choix judicieux d’un chalet perché dans les montagnes, d’un intérieur cossu et ordonné qui tranche avec un extérieur où la neige s’abat sur les sapins. Et pourtant… C’est à l’intérieur que la tempête fait rage : bien décidée à pincer son époux Victor-Emmanuel qu’elle soupçonne d’adultère, Raymonde Chambise lui donne, via une fausse lettre, rendez-vous au bien nommé Hôtel du Minet-Galant…
Nul besoin de plus pour nous entraîner dans un tourbillon de pleurs comiques, de colères absurdes et de quiproquos funestes… La scénographie virevoltante – les passages fulgurants du chalet à l’hôtel reflètent la vivacité de l’intrigue, où catastrophes et soulagements s’enchaînent à un rythme étourdissant – n’a d’égale que la virtuosité des comédiens, dont l’endurance et la justesse – même nus, un sapin de Noël en guise de cache-sexe – forcent l’admiration.
Le dynamisme de la mise en scène, très réel, s’essouffle légèrement dans le troisième et dernier acte dont l’argument se réduit à un unique quiproquo. Certes, le texte de Feydeau est long, mais son adaptation aurait sans doute mérité un soupçon d’audace pour pimenter la dernière demi-heure, parachevant l’entreprise d’actualisation du texte, jusque-là brillamment menée. Car même les chefs-d’œuvre vieillissent – d’où la nécessité de les garder vivants. Un bémol qui, toutefois, ne suffit pas à éclipser la réussite indiscutable du dépoussiérage de ce grand vaudeville, qui nous saisit et nous embarque pour 2h15 de pur plaisir.