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Xavier Couture
Faute d’avoir su agir pour le climat, il nous faut développer une réponse collective.
Liberté, égalité et… ? Depuis la Révolution française, l’humanité a multiplié les efforts pour obtenir sa liberté. Et c’est loin d’être gagné. Dans ce domaine, la récession a la matraque facile. La revendication demeure, partout, même si le mot change d’acception dès que les plus malins essaient d’en faire commerce. L’égalité a vu des générations de combattants se retrousser les manches pour tenter la conquête de ce sommet de l’idéal commun. Dans L’Homme unidimensionnel, Herbert Marcuse dénonce les méfaits de la société capitaliste, coupable, à ses yeux, de façonner des individus transformés en agents économiques au mépris de leur humanité. Pour lutter contre l’illusion du choix, il appelle à l’exigence d’une libération. Vouloir remplacer cette civilisation fondée sur un asservissement de l’être humain aux contraintes générées par l’échange, en d’autres termes par la production, le commerce et les flux monétaires, revient à installer un nouveau matérialisme : la dictature de l’égalitarisme. On en a vu les résultats. Nul doute que le concept avait un tout autre sens pour les prophètes des Lumières. Mais ni Diderot, ni Rousseau n’avaient lu Proudhon, Marx et Bakounine…
De nouvelles révolutions nous interrogent sur le bien-fondé de ces idéaux vertueux payés au tarif de nos contradictions et de nos égoïsmes. La première d’entre elles s’appelle réchauffement climatique. Sans entrer dans le débat aussi interminable que stérile sur la responsabilité de notre impact industriel, constatons seulement qu’il est là, bien installé, irréversible, menaçant. Notre égalité devant son avènement ne fait aucun doute et nous ne disposons d’aucune liberté pour y échapper, sauf à suivre Elon Musk sur Mars, nous n’y sommes pas. Tous à bord du même vaisseau spatial sphérique, il n’est d’autre solution que de réveiller le troisième volet de notre devise : la Fraternité.
La fraternité se vend mal, qui a vu se dresser devant elle une ennemie inattendue et implacable : la connexion numérique. Fraterniser sur les réseaux sociaux, vous n’y pensez pas quand tout nous pousse au communautarisme. Oui, ces communautés aux remparts infranchissables qui nous permettent de nous définir, nous reconnaître dans un entre-soi cotonneux. De ces chrysalides de clics et de likes, les papillons ne sortent jamais, trop inquiets de se retrouver ensemble pour butiner du commun. C’est entre ces murailles virtuelles que nous devons reconquérir la fraternité. La fraternité n’est pas un idéal romantique, elle est devenue un impératif, une nécessité pratique. Les enjeux planétaires imposent une réponse collective. Quand le devoir moral est rejeté, trop associé à l’idée d’une obligation imposée par des autorités dont la crédibilité s’étiole, nous devons conférer à cette vertu une mission essentielle : la survie de l’espèce.
Nos invariants demeurent : gérer le temps dans un espace contraint. Avec ses huit milliards d’êtres humains, la planète nous supporte plus qu’elle nous porte, et encore, de moins en moins bien. Au passage, nos instincts de domination nous poussent à faire table rase du vivant. Le règne animal est aussi un frère de Terre, un compagnon de notre histoire que nous avons domestiqué, asservi avant de le torturer puis de le détruire. Notre agression permanente contre les animaux prend des formes aussi étranges qu’inattendues. Pourtant elle nous revient comme un boomerang. Révélation pour les humains nous apprenons que les vers de terre ont un poids cumulé supérieur à celui de toutes les autres espèces additionnées. Sans eux, la végétation se tarirait et nos espaces cultivables deviendraient déserts. Cela ne nous empêche pas de saturer nos sols de produits qui les tuent. Le vieux dicton « L’homme est un loup pour l’homme » est dépassé. Voici venu le temps où l’homme est un homme pour l’homme, un prédateur ultime qui n’aura plus qu’à se retourner contre lui-même pour se nourrir. La fraternité est notre devoir. Elle se manifestera par notre capacité à nous sentir solidaires d’une abeille, d’un lombric, d’un éléphant ou d’un voisin du bout du monde. Faisons de nos souris d’ordinateur des amies des souris de nos prés, likons la vie, abaissons les frontières de la haine, numérique ou réelle, elles ne nous protègent de rien car elles ouvrent largement leurs guichets aux projets de mort. Ouvrons les yeux vers les autres, tous les autres vivants et redonnons à notre devise la richesse de l’espoir de ceux qui l’ont inventée.
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