Histoire d’eau

Jean-Vincent Bacquart

Naguère rares, les phénomènes climatiques extrêmes pourraient devenir fréquents.

 

La récente COP28 et son manque d’ambition démontre une fois de plus que la menace du réchauffement climatique n’est pas considérée comme suffisamment sérieuse pour que des décisions majeures soient prises et appliquées. Sans doute oublions-nous que l’économie mondiale n’est pas un être capable de sacrifier une partie de sa vitalité pour préserver des humains atterrés. Au-delà, parler de réchauffement ne serait-il pas contre-intuitif pour nos oreilles occidentales ? Il fait encore froid l’hiver, la pluie tombe toujours, nos cultures nous nourrissent encore. Et le climatoscepticisme de continuer à gangréner les esprits en nourrissant la politique de l’autruche… Ne faudrait-il pas insister plutôt sur la notion de « dérèglement climatique » ? Pas la fin du monde, pas la mort atroce pour tous. Non, mais sûrement un autre monde, bouleversé et vraiment peu agréable à habiter. Et sans doute prendre conscience que le premier danger viendra de l’eau. Pas forcément celle qui commence à manquer, mais celle qui a le pouvoir de nous submerger. Rappelons-nous qu’il y a tout juste un siècle, la côte atlantique a subi un raz-de-marée destructeur qui a laissé les contemporains abasourdis.

Le 6 janvier 1924, l’Office national météorologique français reçoit un bulletin d’alerte : une forte perturbation s’éloigne des côtes nord--américaines. La plupart du temps, ces phénomènes disparaissent au milieu de l’océan. Mais, deux jours plus tard, un paquebot signale qu’il a traversé un système dépressionnaire particulièrement puissant. Il est dix heures du matin ce 8 janvier, les météorologues de l’Office comprennent que la tempête, alors sur l’Irlande, va violemment frapper les côtes françaises. L’alerte est donnée.

Dans la nuit du 8 au 9 janvier les pressions barométriques s’effondrent, le phénomène climatique aborde le littoral, de la Bretagne au Pays basque, avec une puissance inouïe. Vents violents soufflant en cyclone, flots furieux, la tempête ravage la côte entre 2 heures et 6 heures du matin. Partout, la mer dépasse le niveau des grandes marées d’équinoxe, au large la houle oscille entre 4 et 8 mètres. Dans le golfe de Gascogne, les appels de détresse se multiplient. Frêles embarcations de pêche n’ayant pas réussi à regagner leurs ports ou vapeurs s’étant crus à l’abri du pire, on signale de nombreux naufrages, corps et biens. 

À Royan, à Arcachon, dans le Bordelais, des quartiers entiers sont envahis par les flots. De toutes les régions, la Bretagne est la plus touchée. Des digues cèdent, des rochers sont déposés au cœur des terres, des navires finissent éventrés sur les jetées ou échoués en ville, des maisons sont abandonnées en catastrophe, des dunes sont déplacées, effacées par l’océan, des voies ferrées sont partout coupées, les terres agricoles submergées, le bétail noyé. Parmi les curieux – ou les inconscients – qui ont voulu observer le phénomène, on compte de nombreux disparus.

Au matin du 9 janvier, le pays est sous le choc. Pour le Progrès de la Charente-Inférieure du 12 janvier, « de mémoire d’homme on n’a jamais vu sur notre côte pareil cataclysme, c’est un désastre sans précédent. » Partout la détresse, partout la désolation, partout l’impuissance face à la nature. Plusieurs mois seront nécessaires pour effacer en partie les stigmates de cet événement dramatique, qui n’avait évidemment pas pour origine le dérèglement climatique. Non, il ne s’agissait que d’un phénomène extrême, comme on pouvait en rencontrer parfois, conséquence de perturbations atmosphériques rares. D’ailleurs, de mémoire de marin, la précédente tempête de cette importance était vieille de presque trente ans… Malheureusement, un siècle plus tard, la question se pose en d’autres termes, à l’heure où les nations civilisées ne sont pas « capables » d’endiguer le réchauffement de la planète. Les phénomènes climatiques que nous aurons à subir seront-ils encore plus violents que ces tempêtes du passé ? Je ne le sais pas. Mais je crains qu’ils deviennent, en revanche, une habitude… 

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Naguère rares, les phénomènes climatiques extrêmes pourraient devenir fréquents.   La récente COP28 et son manque d’ambition démontre une fois de plus que la menace du réchauffement climatique n’est pas considérée comme suffisamment sérieuse pour que des décisions majeures soient prises et appliquées. Sans doute oublions-nous que l’économie mondiale n’est pas un être capable de sacrifier une partie de sa vitalité pour préserver des humains atterrés. Au-delà, parler de réchauffement ne serait-il pas contre-intuitif pour nos oreilles occidentales ? Il fait encore froid l’hiver, la pluie tombe toujours, nos cultures nous nourrissent encore. Et le climatoscepticisme de continuer à gangréner les esprits en nourrissant la politique de l’autruche… Ne faudrait-il pas insister plutôt sur la notion de « dérèglement climatique » ? Pas la fin du monde, pas la mort atroce pour tous. Non, mais sûrement un autre monde, bouleversé et vraiment peu agréable à habiter. Et sans doute prendre conscience que le premier danger viendra de l’eau. Pas forcément celle qui commence à manquer, mais celle qui a le pouvoir de nous submerger. Rappelons-nous qu’il y a tout juste un siècle, la côte atlantique a subi un raz-de-marée destructeur qui a laissé les contemporains abasourdis. Le 6 janvier 1924, l’Office national météorologique français reçoit un bulletin d’alerte : une forte perturbation s’éloigne des côtes nord--américaines. La plupart du temps, ces phénomènes disparaissent au milieu de l’océan. Mais, deux jours plus tard, un paquebot signale qu’il a traversé un système dépressionnaire particulièrement puissant. Il est dix heures du matin ce 8 janvier, les météorologues de l’Office comprennent…

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