Le mot de l’éditeur #24

William Emmanuel

La situation internationale a rarement été aussi instable : de l’Europe orientale à l’Asie centrale,en passant par l’Afrique de l’Ouest et le Moyen-Orient, les conflits, avec leur cortège d’horreurs et leurs nombreuses victimes civiles, se multiplient. Longtemps « gendarme du monde » autoproclamé, les États-Unis n’ont plus aucune crédibilité. Il leur est reproché d’appliquer un « double standard », c’est-à-dire d’invoquer le respect du droit international quand cela convient à leurs amis et de l’ignorer quand cela ne les arrange pas. On pourrait rétorquer qu’il ne s’agit là que de realpolitik. Pour paraphraser lord Palmerston, Premier ministre britannique de 1855 à 1858, les États n’ont pas d’amis ou d’ennemis éternels, ils n’ont que des intérêts permanents.

Après un intermède isolationniste sous Donald Trump, Washington a renoué, sous Joe Biden, avec l’interventionnisme promu par les néoconservateurs, sans toutefois prendre la peine de définir l’objectif. S’il s’agissait d’établir un nouvel ordre mondial reposant sur la liberté et la justice, tous les habitants de la planète pourraient y adhérer sans hésitation. Mais on sait que les dirigeants américains demeurent fidèles à la pensée de Henry Kissinger, qui avait le plus profond mépris pour les droits humains. L’ancien secrétaire d’État, qui vient de mourir, déclarait au sujet du Chili, après le coup d’État supervisé par la CIA contre Salvador Allende en 1973 : « Je ne vois pas pourquoi nous devrions rester les bras croisés et regarder un pays devenir communiste à cause de l’irresponsabilité de ses habitants. » Une seule chose a changé depuis : le mot communiste fait place à d’autres vocables définissant les « ennemis » du moment.

Alors que l’influence de leur pays ne cesse de décliner – les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) produisent déjà plus de richesses que les pays membres du G7 –, les dirigeants américains s’agitent, voulant contenir la Russie ici, la Chine là, l’Iran là-bas. Ils ont réussi à imposer, avec l’aide des mass media, un discours binaire, avec d’un côté les « bons », qui leur ressemblent (ethnie, religion, idéologie), et de l’autre les « mauvais », qui sont différents.

Est-ce parce qu’ils ont compris que la domination occidentale sur le monde, qui a débuté au xvie siècle, était en train de disparaître ? Cette crainte justifie-t-elle les actions actuelles qui risquent de conduire au « clash des civilisations » prophétisé par Samuel Huntington ? Les Américains, qui tiennent à leur rêve hégémonique, n’ont aucun intérêt à un grand partenariat respectant les intérêts de chacun et reposant sur des valeurs fondamentales partagées par tous. Il revient donc aux Européens d’essayer d’articuler un projet de coexistence et de développement pour tous. Pour ce faire, il convient de cesser de s’aligner sur les États-Unis et de retrouver une autonomie de pensée. Le voudront-ils ? Ils n’ont pas le choix car la situation internationale ne peut pas dépendre des choix d’un seul pays, fût-il une superpuissance économique, technologique et militaire. Or, les Européens, par le message démocratique qu’ils peuvent porter, sont les seuls à pouvoir rassembler ce qui est épars sur cette planète de plus en plus dangereuse.

Le souhait que l’on peut formuler à l’orée de cette année 2024 est que les chefs d’État et de gouvernement de la vieille Europe se hissent au niveau de leurs responsabilités historiques.





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