Nom de Constance Debré adapté au Rond-Point : la révolte magistrale du Moi

Nino Suchwalko

Tant par sa vie que par son œuvre, lesquelles  ne sauraient être absolument distinctes, Constance Debré fait figure à part dans le paysage culturel d’aujourd’hui. La « trilogie » romanesque qui, de Play Boy (2018) à Nom (2022) en passant par Love Me Tender (2020), retrace son processus de rupture vis-à-vis d’une grande famille bourgeoise et sa poursuite radicale d’une vie libre, revenait aux sources de l’autofiction, par son écriture crue, poignante, au plus proche du réel. C’est le troisième de ces récits, Nom, qu’Hugues Jourdain met brillamment en scène jusqu’au 6 avril au théâtre du Rond-Point.

« Tout refuser, tout détruire si l’on veut pouvoir se regarder dans la glace » : tel est le crédo de la pièce, tranché, intransigeant, et dont la violence nous heurte en plein cœur. Mais cette violence, concentrée, organique, n’est pas une violence hostile à la vie ; non, elle est celle de la vie même, une rage de vivre, un élan de création de soi qui ne peut passer que par la destruction des autres. Cette force brute, celle d’une parole crue aux accents subtilement poétiques, s’incarne avec virtuose dans le jeu de Victoria Quesnel, dont les passages fulgurants d’une dureté de marbre à la douce fragilité de l’écorchée vive nous émeuvent jusqu’aux larmes.

À cette crudité essentielle, s’accorde la sobriété de la mise en scène, humble, épurée, sans recherche de spectaculaire ou de fioritures expérimentales : trois longs murs noirs, un micro sur son pied et une chaise qui restera vide… Voilà le décor de la pièce. Sous le feu diffus des projecteurs, il n’y a que la comédienne, le texte, et la musique poignante de Samuel Hecker – un effondrement du quatrième mur qui réunit spectateur et acteur, personne et personnage, reliés par l’universalité du sentiment vrai.

Un spectacle humble, donc, qui assume malgré tout, la place centrale du Moi. S’il s’agit bien d’une satire, de la bourgeoisie parisienne et de ses certitudes, Nom est avant tout un récit à la première personne, et qui se revendique comme tel. « Je me sauve la vie, tous les jours », avoue la comédienne, sans pour autant fanfaronner. Un égocentrisme sans égoïsme, donc : la révolte magistrale du Moi.

 



Zeen is a next generation WordPress theme. It’s powerful, beautifully designed and comes with everything you need to engage your visitors and increase conversions.

Top Reviews