Le martyre d’Oradour

Jean-Vincent Bacquart

Il y a quatre-vingts ans était perpétré le massacre de 643 innocents dans le Limousin, l’une des ultimes manifestations en France de la barbarie nazie.

Aujourd’hui encore, les civils continuent de payer un lourd tribut de sang lors des conflits armés, malgré les appels à la retenue, malgré le droit international, malgré la convention IV de Genève, élaborée en 1949, en réponse aux tueries perpétrées lors du second conflit mondial. En France, parmi les multiples exactions subies par la population durant l’Occupation, le massacre d’Oradour-sur-Glane continue de hanter les mémoires.

Le samedi 10 juin 1944, rien ne semble devoir perturber la tranquillité de ce bourg de quelque 1500 âmes, situé à une vingtaine de kilomètres au nord-ouest de Limoges. Sans doute parle-t-on à mots discrets de ce débarquement des Alliés, intervenu sur les plages normandes quatre jours auparavant. Cet événement annoncerait-il le départ prochain de l’occupant, que d’ailleurs on ne voit quasiment jamais? Oradour, une bourgade sans histoires, sans maquis proche, qui aspire à des temps paisibles. Mais c’est sans compter la fureur des hommes et l’ignominie de la guerre.

En avril de cette année, la division blindée SS «Das Reich», retirée du front de l’Est où elle avait subi de lourdes pertes, a été mise «au repos» dans les environs de Montauban. Composée de soldats fanatisés, habitués aux actions répressives contre les civils d’Europe orientale, cette unité reçoit bientôt l’ordre du haut-commandement allemand de se livrer à des opérations de représailles en réponse aux actions de résistance dans la région. Dès le mois de mai 1944, les unités SS multiplient pendaisons et fusillades contre les populations innocentes. Ariège, Haute-Garonne, Lot, Lot-et-Garonne, partout les nazis sèment la mort pour terroriser les esprits, dans un moment où l’imminence d’un débarquement anglo-américain exacerbe les tensions.

 
Les habitants sont progressivement rabattus par les SS vers le centre-bourg et rassemblés sur le champ de foire.
 

Début juin, «Das Reich» est dirigée vers Limoges. Ses consignes: réduire les quelques maquis tout en se préparant à monter au front en Normandie. Le 9 juin à Tulle, en Corrèze, 99 civils sont pendus, mais le pire est encore à venir. Faute de pouvoir débusquer les résistants, les SS conçoivent une action d’anéantissement visant à dissuader la population de soutenir les maquisards par des «actions répressives à grande échelle qui conduiront à une pacification globale», selon les termes du commandement. Et de jeter leur dévolu sur Oradour, en accord avec des membres de la Milice…

Le 10 juin en début d’après-midi, un détachement de 200 soldats du régiment «Der Führer» investi les lieux et crée un périmètre étanche à partir duquel les habitants sont progressivement rabattus vers le centre-bourg et rassemblés sur le champ de foire. On abat sans remord ceux qui ne peuvent se déplacer. Bientôt, les hommes sont emmenés dans des lieux désignés à l’avance pour y être exécutés. Quant aux femmes et aux enfants, ils sont enfermés dans l’église à l’intérieur de laquelle les SS ont installé des explosifs. Mais l’édifice ne s’effondre pas et les soldats, dans une folie collective, libèrent leurs pulsions meurtrières en achevant les malheureux à la grenade ou au fusil mitrailleur. Le village martyre n’est plus qu’un immense brasier.

Comme si cela ne suffisait pas, le lendemain, un détachement procèdera à l’incinération ou à l’enfouissement des corps, rendant impossible leur identification.

Ils étaient 643 enfants, femmes et hommes et, la veille encore, ils n’aspiraient qu’à des temps paisibles…

Jean-Vincent Bacquart est historien et éditeur....

Il y a quatre-vingts ans était perpétré le massacre de 643 innocents dans le Limousin, l’une des ultimes manifestations en France de la barbarie nazie. Aujourd’hui encore, les civils continuent de payer un lourd tribut de sang lors des conflits armés, malgré les appels à la retenue, malgré le droit international, malgré la convention IV de Genève, élaborée en 1949, en réponse aux tueries perpétrées lors du second conflit mondial. En France, parmi les multiples exactions subies par la population durant l’Occupation, le massacre d’Oradour-sur-Glane continue de hanter les mémoires. Le samedi 10 juin 1944, rien ne semble devoir perturber la tranquillité de ce bourg de quelque 1500 âmes, situé à une vingtaine de kilomètres au nord-ouest de Limoges. Sans doute parle-t-on à mots discrets de ce débarquement des Alliés, intervenu sur les plages normandes quatre jours auparavant. Cet événement annoncerait-il le départ prochain de l’occupant, que d’ailleurs on ne voit quasiment jamais? Oradour, une bourgade sans histoires, sans maquis proche, qui aspire à des temps paisibles. Mais c’est sans compter la fureur des hommes et l’ignominie de la guerre. En avril de cette année, la division blindée SS «Das Reich», retirée du front de l’Est où elle avait subi de lourdes pertes, a été mise «au repos» dans les environs de Montauban. Composée de soldats fanatisés, habitués aux actions répressives contre les civils d’Europe orientale, cette unité reçoit bientôt l’ordre du haut-commandement allemand de se livrer à des opérations de représailles en réponse aux actions de résistance dans la région. Dès le…

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