La narratrice de Carnes d’Esther Teillard quitte la violence vive de Marseille pour celle plus insidieuse de Paris. Je reconnais une voix aux traces que les phrases laissent dans mon crâne. À la nécessité que la lecture excite, celle de parler très fort, de procéder non plus à la consultation religieuse du texte, mais bien de le gueuler pour que rebondisse dans ma bouche, sur ma langue, entre mes dents, tous les mots avalés aussitôt vomis. J’aime quand un […]
La narratrice de Carnes d’Esther Teillard quitte la violence vive de Marseille pour celle plus insidieuse de Paris. Je reconnais une voix aux traces que les phrases laissent dans mon crâne. À la nécessité que la lecture excite, celle de parler très fort, de procéder non plus à la consultation religieuse du texte, mais bien de le gueuler pour que rebondisse dans ma bouche, sur ma langue, entre mes dents, tous les mots avalés aussitôt vomis. J’aime quand un texte gueule et qu’il ne rougit pas. Quand un texte gueule et qu’il ne vous impose pas en retour ce silence d’autorité, la violence humiliante et lâche du sacré, mais qu’il vous invite au contraire à hurler. Qu’il vous montre, par ces temps de politesse, de pudeur et de discours convenus, qu’il existe une autre voie – en réalité l’unique – celle de l’excès. Un certain art de l’outrance, de l’outrage, où le très haut et le très bas forment les lèvres d’une seule et même gueule qui excuse toutes les vexations possibles. Bienvenue dans Carnes, un roman d’Esther Teillard qui pisse, chie et dégueule ses phrases, le cul entre deux pays. Marseille-Paris. La narratrice, fille d’une procureure assassinée par le frère d’un dealer foutu au placard, intègre les Beaux-Arts de Cergy, où elle découvre la société à l’envers. Loin des cagoles marseillaises, que les peaux blessées par le soleil, que le franc parler («La cagole te parle. Tu ne sais pas si elle t’insulte ou t’étreint.») laissent à l’écart,…
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