Vers une démocratisation…

Par Emmanuelle Galichet

Les petits réacteurs nucléaires modulaires permettront-ils à la France une ambition industrielle retrouvée ? les plus matures et pourront être déployés rapidement aussi bien au niveau national qu’international.
Maîtriser l’énergie nucléaire est au cœur de notre souveraineté énergétique et industrielle permettant notre développement économique. Cela a été possible grâce au transfert rapide des résultats de la science vers l’industrie, donnant lieu à l’essor d’un écosystème industriel complet (ensemble réacteur, combustible et cycle associe). Le résultat est la production d’une électricité abondante, bas-carbone, pilotable et abordable, dont toute l’Europe bénéficie encore aujourd’hui. En outre, un réacteur nucléaire produit avant tout de la chaleur, qui pourrait être utilisée directement. Ainsi l’énergie nucléaire offre une solution pertinente pour relever le défi complexe de la défossilisation du système énergétique lié à la production de chaleur.
Évidemment, dans une filière industrielle de haute technologie tout nouveau projet est une gageure, tant l’environnement global est décisif pour sa réussite. Les petits réacteurs nucléaires modulaires ne dérogent pas à la règle. En effet, bien que techniquement tous les concepts ont montré leur fonctionnement, la clé de leur réussite industrielle réside autant dans la volonté et la vision à long terme des décideurs, que dans la maturité industrielle et organisationnelle de leur environnement. Cependant, l’effervescence actuelle du milieu des start-up est bien réelle et entraîne irrémédiablement avec elle la filière nucléaire historique. Certains diront que tout a déjà été fait et que le choix du meilleur réacteur est derrière nous. D’autres verront uniquement un problème insolvable d’acceptabilité et de risque ou encore l’impossibilité de trouver le modèle économique optimal. Autant d’excuses, parfois valables, pour prôner l’immobilisme et laisser aux autres nations nucléaires le champ libre.
L’effervescence du milieu des start-up est bien réelle.
Pourtant, une industrie de haute technologie comme la filière nucléaire, outre sa participation à l’économie du pays, doit contribuer à un enjeu fondamental: encourager l’innovation permettant ainsi une notoriété scientifique et technologique et une crédibilité industrielle, sans lesquelles aucun futur ne sera envisageable. Les concepts de SMR/AMR, derniers-nés de la filière, issus d’un processus d’innovation souvent disruptif, font partie des solutions first mover et game changer, essentielles à la survie de la filière nucléaire. Ils bénéficient d’un retour d’expérience immense et de potentialités inégalées. Et surtout ils attirent les jeunes générations comme un véritable étendard, tant leur objectif, produire électricité et chaleur durable, est louable et vertueux et les problématiques scientifiques et technologiques complexes et passionnantes.
Dans un contexte de recherche d’une économie mondiale plus équitable et plus durable, chacun a sa place. D’une part, les petits réacteurs modulaires (SMR), dont certains (Nuward et Calogena en France) ont été pensés pour être des miniaturisations des réacteurs actuels et pour utiliser autant que faire se peut les installations industrielles actuelles et de gestion des déchets. En s’insérant ainsi dans le paysage industriel nucléaire actuel, ils sont donc les plus matures et pourront être déployés rapidement aussi bien au niveau national qu’international; d’autre part, les concepts de 4e génération (AMR). Parmi les AMR, le niveau de maturité de chacun est très différent et pour la plupart des concepts, des installations du cycle et de gestion des déchets devront être construites. Le concept de réacteur à haute température produit de l’électricité et une chaleur indispensable dans de nombreuses applications industrielles et très difficile à défossiliser autrement. En France, deux AMR sont proposés: la start-up Jimmy (caloporteur gaz) et la start-up Blue Capsule (caloporteur métal fondu). Le second concept permettra d’accéder à l’enjeu de la durabilité de l’énergie nucléaire, en cherchant à minimiser besoin en uranium naturel et production de déchets radioactifs à vie longue. C’est dans ce segment que l’on compte le plus de concepts: les start-up Hexana, Newcleo, Otrera (caloporteurs métal fondu) et les start-up Naarea, Stellaria, Thorizon (caloporteur sels fondus).
Certains répondront aux enjeux de défossilisation de l’électricité ou de la chaleur de certains pays, régions ou complexes industriels, d’autres aux enjeux de sociétés, tels que la durabilité et la fermeture du cycle du combustible ou encore à la propulsion maritime ou spatiale. Indépendamment de leurs atouts particuliers, les réacteurs de petite puissance possèdent des caractéristiques intrinsèques valables pour tous les concepts. D’un part, une emprise au sol et un besoin de matériaux faibles répondent à l’exigence de durabilité des solutions industrielles. D’autre part, la modularité et la simplification de la conception participent à sécuriser voire améliorer la sûreté nucléaire et diminuent la durée des chantiers.
Bien sûr les objets industriels qui produisent le moins de déchets sont ceux que nous ne construisons pas. Pour autant notre responsabilité est de permettre aux générations futures de minimiser encore leur empreinte sur leur environnement. C’est ce que proposent certains concepts en allant encore plus loin dans la diminution de la production de déchets radioactifs à vie longue – selon les études, le potentiel énergétique de l’uranium naturel est multiplié d’un facteur 50 à plus de 100, en passant des réacteurs à neutrons thermiques aux réacteurs à neutrons rapides – ou encore en s’affranchissant de l’utilisation de l’eau, bien précieux pour l’humanité dont certaines régions manquent cruellement ou font face à des conflits d’usage fréquents.
Des concepts visent à minimiser l’extraction de l’uranium naturel.
Enfin certains concepts s’attachent à minimiser l’extraction de l’uranium naturel, le combustible nucléaire le plus utilisé aujourd’hui. En utilisant un concept de réacteurs à neutrons rapides, il est possible d’utiliser l’uranium-238, isotope majoritaire de l’uranium naturel (99,3 %) pour produire le plutonium-239, qui fissionne sous flux de neutrons rapides. La totalité du pouvoir énergétique de l’uranium peut alors être utilisée en permettant la surgénération (action de générer plus d’isotopes fissiles que le réacteur n’en utilise, en convertissant des isotopes fertiles en isotopes fissiles).
Au-delà de la recherche d’un système énergétique complet respectueux de l’environnement, répondant aux besoins individuels et industriels civils, les petits réacteurs modulaires sont à la croisée de la souveraineté nationale, de la recherche scientifique et de l’innovation technologique, et de ce fait d’intérêt pour les moyens de propulsion futurs de notre défense nationale. Permettre l’avènement d’un nouvel écosystème étatico-industriel, dans lequel les petits réacteurs auraient toute leur place démontrerait l’agilité et la vision stratégique de la filière nucléaire hexagonale. Ne laissons pas les autres pays nucléaires seuls, dans la compétition scientifique et industrielle et soutenons résolument une énergie nucléaire encore plus durable.

Emmanuelle Galichet, enseignante-chercheuse, est responsable pédagogique des enseignements en sciences et technologies nucléaires du CNAM....

Les petits réacteurs nucléaires modulaires permettront-ils à la France une ambition industrielle retrouvée ? les plus matures et pourront être déployés rapidement aussi bien au niveau national qu’international. Maîtriser l’énergie nucléaire est au cœur de notre souveraineté énergétique et industrielle permettant notre développement économique. Cela a été possible grâce au transfert rapide des résultats de la science vers l’industrie, donnant lieu à l’essor d’un écosystème industriel complet (ensemble réacteur, combustible et cycle associe). Le résultat est la production d’une électricité abondante, bas-carbone, pilotable et abordable, dont toute l’Europe bénéficie encore aujourd’hui. En outre, un réacteur nucléaire produit avant tout de la chaleur, qui pourrait être utilisée directement. Ainsi l’énergie nucléaire offre une solution pertinente pour relever le défi complexe de la défossilisation du système énergétique lié à la production de chaleur. Évidemment, dans une filière industrielle de haute technologie tout nouveau projet est une gageure, tant l’environnement global est décisif pour sa réussite. Les petits réacteurs nucléaires modulaires ne dérogent pas à la règle. En effet, bien que techniquement tous les concepts ont montré leur fonctionnement, la clé de leur réussite industrielle réside autant dans la volonté et la vision à long terme des décideurs, que dans la maturité industrielle et organisationnelle de leur environnement. Cependant, l’effervescence actuelle du milieu des start-up est bien réelle et entraîne irrémédiablement avec elle la filière nucléaire historique. Certains diront que tout a déjà été fait et que le choix du meilleur réacteur est derrière nous. D’autres verront uniquement un problème insolvable d’acceptabilité et de…

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