Pour une priorité européenne

Par Michel Derdevet

Les États-Unis ont pour objectif de faire de l’Europe la tête de pont de leur stratégie de déploiement des SMR.
 

Après des années de gigantisme, le nucléaire se prépare partout sur notre planète à faire sa révolution. Des dizaines de start-up fleurissent, imaginant des « petits réacteurs modulaires » (small modular reactor, SMR) ou des « réacteurs modulaires avancés » (advanced modular reactors, AMR). Et les GAFAM eux-mêmes, Google en tête, de plus en plus gourmands en électricité avec le cloud et l’intelligence artificielle, se tournent en urgence vers ces moyens de production d’avenir. Point commun à toutes ces initiatives : dix à quarante fois moins puissants que les EPR envisagés
dans notre pays, ces nouveaux petits réacteurs correspondent pour les plus avancés à la fourniture conjuguée d’électricité et de chaleur, au plus près des besoins des industriels et des collectivités.

Ils s’inscrivent tous dans une logique de décentralisation et d’adaptation aux enjeux d’une décarbonation qui doit impérativement être envisagée, demain, dans un contexte d’adaptation et de
résilience des territoires. Le 7 novembre 2023, la France avait convaincu, au Forum de l’énergie de Bratislava, 14 pays désireux de bâtir une alliance industrielle afin de voir émerger une offre européenne en matière de nucléaire. Il s’agissait notamment de fournir une base industrielle pour ces réacteurs de 10 à 300 MW. L’enjeu de la souveraineté est en effet central. Dès 2021, les États-Unis annonçaient, par la voix du président Joe Biden, le lancement du programme First (Foundational Infrastructure for the Responsible Use of Small Modular Reactor Technology) « pour aider des pays partenaires à construire des SMR sécurisés. »

En Europe, les premiers bénéficiaires de ce programme d’assistance furent la République tchèque, la Pologne, la Slovaquie (le pays où est née, paradoxalement, l’alliance européenne), mais aussi l’Italie, la Belgique et la Roumanie qui se sont associées dans un consortium dont la colonne vertébrale est Westinghouse. L’objectif américain est de faire de l’Europe la tête de pont de leur stratégie de déploiement et d’occupation du marché des SMR. Face à cet entrisme, il est urgent d’avoir une véritable stratégie industrielle de long terme, européenne et souveraine, qui évite de s’ouvrir, naïvement, aux intérêts extra-européens, au moment même où, réélu à la Maison Blanche, Donald Trump menace, en ce début 2025, notre continent d’un protectionnisme douanier assumé.

Si une alliance européenne des SMR existe, elle doit avant tout réunir et renforcer les industriels des SMR de notre continent, et garantir que les financements de la Banque européenne d’investissement iront exclusivement à eux et non soutenir des projets américains ou asiatiques. Imagine-t-on que dans leur grande générosité, les États-Unis financeraient des start-up européennes sur base de l’Inflation Reduction Act ? Par ailleurs, tous les concepts de SMR ne se valent pas, et il serait aussi utile qu’au niveau communautaire, les critères de la production de déchets et de la fermeture du cycle (la quatrième génération), de l’origine du combustible, de la sûreté ou encore de l’acceptabilité sociale soient pris en compte par les institutions européennes. À quoi servirait par exemple, demain, de s’orienter vers des technologies nucléaires de troisième ou de quatrième génération qui nous rendraient dépendants de combustibles chinois ou américains ?

Bref, au-delà du discours incantatoire sur la « souveraineté » ou l’« autonomie stratégique », l’Europe doit clairement passer désormais aux actes en matière de nucléaire d’avenir, et faire preuve à la fois de volontarisme industriel et d’encouragement à toutes les initiatives industrielles innovantes et disruptives.

Michel Derdevet est président du think tank Confrontations Europe....

Les États-Unis ont pour objectif de faire de l’Europe la tête de pont de leur stratégie de déploiement des SMR.   Après des années de gigantisme, le nucléaire se prépare partout sur notre planète à faire sa révolution. Des dizaines de start-up fleurissent, imaginant des « petits réacteurs modulaires » (small modular reactor, SMR) ou des « réacteurs modulaires avancés » (advanced modular reactors, AMR). Et les GAFAM eux-mêmes, Google en tête, de plus en plus gourmands en électricité avec le cloud et l’intelligence artificielle, se tournent en urgence vers ces moyens de production d’avenir. Point commun à toutes ces initiatives : dix à quarante fois moins puissants que les EPR envisagés dans notre pays, ces nouveaux petits réacteurs correspondent pour les plus avancés à la fourniture conjuguée d’électricité et de chaleur, au plus près des besoins des industriels et des collectivités. Ils s’inscrivent tous dans une logique de décentralisation et d’adaptation aux enjeux d’une décarbonation qui doit impérativement être envisagée, demain, dans un contexte d’adaptation et de résilience des territoires. Le 7 novembre 2023, la France avait convaincu, au Forum de l’énergie de Bratislava, 14 pays désireux de bâtir une alliance industrielle afin de voir émerger une offre européenne en matière de nucléaire. Il s’agissait notamment de fournir une base industrielle pour ces réacteurs de 10 à 300 MW. L’enjeu de la souveraineté est en effet central. Dès 2021, les États-Unis annonçaient, par la voix du président Joe Biden, le lancement du programme First (Foundational Infrastructure for the Responsible Use…

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